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Mafia: Matteo Messina Denaro, le brutal patron de la Cosa Nostra

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archives de la police italienne

Qui est Matteo «le Maigre», le chef mafieux dandy et brutal

Il a reçu son premier flingue à 14 ans, assumé son premier meurtre à 18. Celui qui se surnommait «Diabolik» s'est toujours montré aussi sanglant avec ses ennemis qu'irrésistible avec les femmes. Portrait du dernier et puissant dandy de la mafia sicilienne, arrêté lundi matin à Palerme, qui citait autant la Bible que l'écrivain français Daniel Pennac.
16.01.2023, 19:0017.01.2023, 18:52
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Affaibli et flanqué d'un accoutrement digne des Bronzés font du ski, Matteo Messina Denaro, 60 ans tout rond, a été stoppé dans une cavale qui aura duré la moitié de son existence. Appréhendé par des carabinieri armés jusqu'aux dents dans une clinique privée de Palerme, Matteo s'y était inscrit sous une énième fausse identité: Andrea Bonafede.

Selon d'autres bruits de couloirs hospitaliers, le mafieux le plus recherché d'Italie attendait patiemment son tour pour recevoir une chimiothérapie. Il souffre, depuis plusieurs années, d'un cancer avancé du côlon. Peu pratique pour slalomer entre les nombreuses chasses à l'homme.

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capture d'écran, autorités italiennes

Une fin de parcours moins charismatique que sa brutalité redoutée au sein de la Cosa Nostra, dont il avait pris officiellement la tête en 2006, à l'arrestation du dernier capo di tutti capi, Bernardo Provenzano. Dans les rues de la capitale sicilienne, lundi matin, cris de joie et applaudissements ont très vite retentis au passage du célèbre fugitif menotté. Quelques voix officielles, galvanisées par cette prise inespérée, évoquent carrément la fin de la mafia sicilienne.

«Maintenant, la Cosa Nostra n'existe plus»
Mario Mori, ancien général et patron des Carabiniers, qui avait notamment participé à la capture de Totò Riina en 1993

Depuis 30 ans, celui que l'on surnomme (notamment) «Le Maigre» avait dû disparaître de la circulation, apparaissant une dernière fois en public en août 1993, à Forte dei Marmi en Toscane. A ses côtés, ses cadres mafieux préférés: les frères Filippo et Giuseppe Graviano.

Une habitude pour l'un des fugitifs les plus traqués au monde. «Ils voyageaient souvent ensemble, avec leurs femmes respectives, pour planifier des opérations contre les institutions. Officiellement? Des vacances. Mais ils joignaient toujours l'utile à l'agréable», admettra Giuseppe Di Giacomo, du clan des Laudani, en interrogatoire.

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Premier meurtre à 18 ans

1992 et 1993 seront d'ailleurs des années chargées pour Matteo. Les juges anti-mafia Falcone et Borsellini sont assassinés à trois mois d'intervalle et plusieurs attentats endeuillent les villes de Florence ou Milan. Le 15 janvier 1993 (oui, il y a pile 30 ans), le chef suprême Totò Riina est arrêté, puis condamné et enfin emprisonné. En même temps qu'il se rapprochera du sommet de la Cosa Nostra, le jeune Denaro se retrouvera sur un nombre record de mandats d'arrêt. Depuis, plus un seul signe de vie. Ou presque.

«Avec tous ceux que j’ai tués, je pourrais remplir un cimetière»
Matteo Messina Denaro

U Ciccio baigne dans le sang des familles siciliennes depuis son premier rot, en avril 1962. Son padre, officiellement agriculteur, dirigeait la famille Castelvetrano, dans la région de Trapani. A l'âge où ses congénères passent leur permis de boguet, Matteo manipule son premier flingue. Il fêtera son premier meurtre à ses 18 ans et en profitera pour s'affubler d'un de son premier surnom: «Diabolik», tiré d'une bande-dessinée, l'une de ses grandes passions, avec l'art italien et l'archéologie.

A la petite vingtaine, déjà emballé dans des costumes Armani, une Rolex au poignet et une Porsche dans le garage, Matteo «piquait du fric» à l'Etat en étant toujours inscrit au chômage. Sa «petite fierté» de jeune mafieux en formation, alors sous la protection du «fauve» Totò Riina.

L'importance des femmes dans sa carrière

Contrairement à beaucoup de cadres de la mafia sicilienne, Messina Denaro ne s'est jamais marié et n'a pas eu à prendre soin d'une famille dite traditionnelle. En revanche, il alignera les conquêtes, jouissant d'une véritable aura de dandy des eighties. Le papy un peu paumé qui a été arrêté lundi matin ne reflète en rien ses nombreux exploits de serial séducteur, planqué derrière des verres fumés et un certain talent pour la prose.

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Durant toute sa carrière, il fera de son mieux pour «protéger» ses petites amies de la violence de son métier. «Je ne veux même pas songer à t'entraîner dans ce labyrinthe dont je ne sais pas comment je sortirai. Ne pense plus à moi, ça n'en vaut pas la peine», écrira-t-il à une certaine Sonia au milieu des années 80. Il n'y parviendra pas à chaque fois.

L'une de ses «préférées» de l'époque, Maria Mesi, fut arrêtée pour complicité. La police n'aura alors jamais été aussi proche de coincer Matteo. Un jour de 1998, prenant Maria en filature, les enquêteurs tomberont sur une planque du mafieux à Bagheria, en Sicile.

Dans la planque, un pot de Nutella, du caviar, un «puzzle incomplet», des paquets de cigarettes Merit, mais aucune trace du «Maigre»

Problème de vue et technique imparable des pizzini

S'il a toujours fait une croix sur la robe blanche et la pièce montée, l'influent mafieux n'a pas pour autant résisté aux joies des fiançailles. Franca Alagna lui donnera une fille qui ne verra jamais son père, ne portera jamais son nom, mais lui «offrira» un petit-fils en 2021.

La femme la plus importante de sa vie est la seule à ne pas avoir craqué pour le playboy. En 2018, sa sœur Patrizia est condamnée à quatorze ans de prison pour association mafieuse. Elle a longtemps joué un rôle clé dans le pouvoir de Matteo, malgré sa cavale et sa tête mise à prix. Alors que personne n'a jamais véritablement su où il se terrait, Patrizia a écrit la plupart des pizzini du grand frère. Car pour continuer à donner des ordres et à communiquer avec les cadres de la Cosa Nostra en prison, pas de téléphone ou de pigeon voyageur: rien que des petits papiers et des notes inscrites à la main.

La petite sœur de Matteo a été arrêtée en 2018 pour association mafieuse.
La petite sœur de Matteo a été arrêtée en 2018 pour association mafieuse.

Au début des années 2000, et sous une fausse identité, Matteo aurait été soigné pour une maladie dégénérative de la cornée à Barcelone. Il faut dire que derrière son léger strabisme, le «Maigre» ne voyait effectivement pas grand-chose. La police italienne suggérait à l'époque que cet handicap a poussé Patrizia à incarner ce rôle capital de scribe auprès de son grand frère.

Gâteaux à la ricotta, jeux vidéo et planque en Suisse

Selon les autorités italiennes, les fameux pizzini arrivaient souvent à destination bien après leur confection, suggérant que le fugitif parcourait littéralement la planète, sans jamais remettre un pied sur ses terres familiales. Pas même un petit tour par la tombe de son père, mort d'une crise cardiaque durant sa propre cavale: le cimetière était, jusqu'à lundi matin, bardé de caméras de surveillance.

Les portraits-robots de la police ne pouvaient se baser que sur des projections de sa jeunesse, puisqu'il a été un fantôme pendant 30 ans.
Les portraits-robots de la police ne pouvaient se baser que sur des projections de sa jeunesse, puisqu'il a été un fantôme pendant 30 ans.

Les enquêteurs ont longtemps soupçonné des passages en Autriche, en Espagne, en Tunisie, en Grèce, au Vénézuela et... en Suisse. Une vie de fugitif qui ne l'empêchait pas d'avoir ses petits hobbies. Selon ses nombreux amis mafieux arrêtés par des carabinieri bien décidés à l'isoler un maximum, Matteo ne pouvait se passer de ses longues séances de jeux vidéo, ses petits gâteaux à la ricotta et sa forme physique. «Le Maigre» s'arrangeait effectivement toujours pour se dégoter discrètement un vélo d'appartement.

En revanche, pas question de s'autoriser des boutons de manchettes gravées de ses initiales, réflexe si cher aux patrons de la mafia. Trop dangereux. Une déception, mais pas aussi grande que celle de ne jamais avoir pu entamer d'études universitaires.

«L'une des plus grosses erreurs de ma vie. Ma plus grande colère, parce que j'étais un bon élève. Mais j'ai été distrait par autre chose»
Tiré du bouquin The invisible, écrit par le journaliste spécialisé dans la mafia, Giacomo Di Girolamo

Cette «autre chose» lui a permis de faire fortune et d'être maintes fois condamné par contumace à plusieurs dizaines d'années de prison. Cette «autre chose», qui est en réalité la reprise de l'entreprise sanglante et familiale de son père, l'a aussi fait s'arrêter net, lundi matin, dans la salle d'attente d'une clinique privée de Palerme.

Dans une lettre retrouvée à l'époque par la police italienne et datée du 1er février 2005, un certain Alessio (l'un de ses nombreux pseudonymes) disait notamment ceci: «Je dois y aller, mais je ne peux vous expliquer pourquoi. Je me bats pour une cause qui est incomprise pour le moment, une philosophie que je trouve juste. Et j'espère aussi mourir de manière juste. Tout le reste n'a plus de valeur».

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