Salut hitlérien, longue tirade décousue... Anders Behring Breivik a transformé une procédure judiciaire (a priori vouée à l'échec) en discours.
Devant trois magistrats siégeant, pour des raisons de sécurité, dans le gymnase de la prison de Skien, où il est incarcéré, l'extrémiste de 42 ans a assuré qu'il ne pouvait être tenu pour responsable de ses attaques, invoquant un «lavage de cerveau» par sa mouvance.
Les rescapés de la tuerie et les proches des victimes redoutaient que cette procédure de trois jours, retransmise avec un léger différé par certains médias, ne serve de plateforme au tueur. En amont de l'audience, le groupe de soutien aux familles des victimes avait dit «encourager à accorder aussi peu d'attention que possible au terroriste et à son message».
D'emblée, mardi, Breivik a conforté les peurs: crâne rasé et bouc soigné, il est entré dans le prétoire avec un écriteau «Cessez votre génocide contre nos nations blanches» en anglais sur sa mallette et son costume sombre, et fait un salut nazi à l'arrivée des trois juges.
Lors d'une longue intervention, il a ensuite affirmé n'avoir été qu'un simple «fantassin» du mouvement néonazi Blood & Honour. Il lui a imputé la responsabilité des attaques, n'endossant, lui, que celle de s'être laissé radicaliser.
Donnant sa «parole d'honneur» que la violence, en ce qui le concerne, relevait du passé, il a dit vouloir continuer son combat pour le national-socialisme de façon pacifique. Il s'est déclaré prêt à renoncer à tout engagement politique si la Cour le lui demandait.
Ce n'est pas la première fois que Breivik dit renoncer à la violence. Il a tenu dans le passé de tels propos dans les prétoires ou des courriers, allant jusqu'à se comparer à Nelson Mandela.
«Il ne fait aucun doute qu'il assume ce qu'il a fait même s'il essaie de prendre ses distances», a commenté Tore Bjørgo, directeur du Centre de recherche sur l'extrémisme de droite (C-REX) de l'université d'Oslo.
Dans la matinée, alors que la procureure Hulda Karlsdottir égrenait la longue liste des victimes et les circonstances dans lesquelles elles étaient mortes, Breivik l'avait interrompue, affirmant que «72% d'entre eux étaient des cadres du parti travailliste».
Dans sa tentative de se disculper, parfois déconcertante au point de soulever des rires dans l'assistance, l'extrémiste a disséqué son processus de radicalisation. L'occasion pour lui de tenir un discours idéologique, rarement interrompu par le juge, où il a longuement parlé de «guerre culturelle» et de «white power».
La demande de libération conditionnelle n'a presque aucune chance d'aboutir. Mais elle est considérée comme un test que l'Etat de droit - que Breivik avait tenté de détruire - doit surmonter en traitant l'extrémiste comme tout autre justiciable.
En 2016, Breivik, qui dispose en prison de trois cellules, d'une télévision avec lecteur DVD et console de jeux et d'une machine à écrire, avait réussi à faire condamner l'Etat pour traitement «inhumain» et «dégradant» en raison de son maintien à l'écart des autres détenus. Le jugement avait été cassé en appel.
Même le père de l'extrémiste, Jens Breivik, qui n'a plus de contacts avec son fils depuis son adolescence, a qualifié la procédure d'«absurde». «Car Anders ne sortira pas», a-t-il dit au journal allemand Bild. «Probablement pas pendant les vingt prochaines années. Je ne veux pas qu'il sorte». (mbr/ats)