C'est officiel: Marthä Louise, 51 ans, quatrième sur la liste de succession au trône, ne portera plus les couleurs de la famille royale. Oubliez son «Altesse»: Marthä Louise préfère «déesse» - le petit surnom que lui donne son fiancé, Durek Verrett.
Il faut dire que les fiançailles de leur progéniture avec un chaman américain pourvu de super-pouvoirs et d'un casier judiciaire, n'est pas la première fantaisie de cette trublion de la famille royale.
La seule naissance de la petite Märtha Louise provoque déjà des remous au sein de son pays et du rigoureux protocole royal. En Norvège, l'ordre de succession veut que les femmes passent au second plan - même lorsque, dans les faits, elles sont arrivées en premier.
Cette princesse qui rêve de parents «dentistes» et que les Norvégiens jugent très «jeune, bizarre et étrange» n'a rien fait pour détromper ses sujets. Märtha Louise se détourne depuis longtemps de son royal destin: en 2002, elle renonce déjà à ses obligations d'«Altesse royale» pour payer un impôt sur la fortune et se consacrer à ses «activités privées»: les affaires, l'écriture de comtes pour enfants, et surtout... sa vocation spirituelle.
C'est peu dire que la princesse/businesswoman est portée sur le mysticisme. Au point de fonder à Oslo, en 2007, une «école des anges», centre de thérapie alternative où les élèves apprennent à communiquer avec les séraphins, lire l'avenir et se soigner par le toucher.
Controversé, l'établissement vaut à sa fondatrice les critiques tous azimuts de la presse, de ses sujets, de l'Eglise, de la communauté scientifique et universitaire. L'école ferme ses portes dix ans plus tard.
Fraîchement divorcée de son premier mari, le sulfureux écrivain norvégien Ari Behn (qui a fini par se suicider deux ans après leur séparation), la princesse et mère de trois enfants poursuit sa quête holistique...
... Pour se retrouver sur les collines de Los Angeles, un jour de 2019. Le déjeuner, organisé par un ami commun, marque sa première rencontre avec Durek Verrett. Enfin, pas tout à fait.
Réponse de l'intéressé? «Oui. Nous étions destinés à nous rencontrer avant de naître.» «J’ai des souvenirs de nous deux en Égypte. Elle était ma reine, et j’étais son pharaon», complète Durek Verrett lors d’une interview.
Les tourtereaux se lancent alors avec enthousiasme dans une tournée de conférences spirituelles à travers la Norvège et le Danemark.
L'Américain de 47 ans coche beaucoup de cases - et malheureusement pour la monarchie norvégienne, pas vraiment celui de gendre idéal. Durek Verrett, né «Derek», rebaptisé «Shaman Verrett» (après sa résurrection) a eu plusieurs vies. Pas qu'au sens spirituel du terme.
Ce fils d'un riche entrepreneur californien, sixième d'une génération de chamans (parfois troisième, ça dépend des interviews), a une adolescence compliquée, entre abus de drogues et d'alcool. C'est ce penchant pour la fête qui vaut au jeune Derek son casier judiciaire: l'une de ses soirées vire au scénario «Projet X» et se conclut par l'incendie d'une maison de son quartier. Condamné à 5 ans de prison, Verrett s'en sort au bout d'une année, pour bonne conduite.
A 28 ans, Derek meurt. Puis revient à la vie.
Après quelques années d'errance entre la musique, la télévision et le mannequinat, ce nouveau «Durek» a trouvé sa voie: il sera chaman. Mais un chaman 2.0. Avec un styliste, une entreprise, une équipe à son service et surtout, un compte Instagram. Un charmant melting-pot où prolifèrent auto-promo, ego-trip, selfies et clichés avec ses amis people.
Entre deux sessions de guérison en direct sur Zoom, il propose des séances privées dans sa suite de Park Avenue, à New York. Comptez 1000 dollars et un risque inhérent de «vomissements»:
Gwyneth Paltrow, Rosario Dawson, ou encore l’ancien batteur des Smashing Pumpkins Jimmy Chamberlain, ont déjà été séduits.
Oubliées, les frasques de sa prime jeunesse: désormais végétarien (il se refuse à «manger la mort»), Shaman Durek considère l'alcool comme un «poison spirituel». Le gourou des stars adore en revanche les soupes et les salades du «Cafe Gratitude», la fameuse chaîne végétalienne bobo-branchée de la côte est.
En 2019, Durek Verret expose sa vision du monde en long, en large et en travers dans son livre «Spirit hacking». Outre que le cancer serait un choix, on peut y lire que la chimiothérapie ne fonctionne pas (sauf à remplir les poches des médecins) ou encore que le sexe occasionnel laisse une «empreinte» spirituelle à l'intérieur du vagin. Mais rassurez-vous, Verrett est malin: il vend aussi des exercices pour le «nettoyer».
Si ces idées séduisent tout le gratin alterno-hippy-bobo-chic d'Hollywood, elles laissent les Norvégiens plus que sceptiques.
Même l'ancienne première ministre Erna Solberga y va de sa désapprobation, en décrivant à la télévision les opinions du gendre royal comme «très étranges» et «non basées sur des faits».
La belle-famille, parlons-en! Il n'est déjà pas simple pour un individu normal de convaincre belle-maman. On vous laisse imaginer un chaman afro-américain/divorcé/bisexuel/sorti de prison/adepte de médecine alternative dans la famille royale norvégienne.
«Avant Durek, ma mère était inquiète parce que cela faisait trois ans que je n'avais pas eu de petit ami. Quand je lui ai dit que c'était le cas et qu'elle m'a demandé qui était l'heureux élu… elle s'est tue», confie la princesse à l'édition américaine de Vanity Fair en 2019. Un silence qui en dit long. «En Amérique, vous êtes plus ouvert à tout ça. En Norvège, c'est très, très controversé.»
«La famille royale doit être rassembleuse et donc à l’abri des controverses. Le problème, c’est que Märtha Louise et Durek Verrett sont tout le contraire: controversés et clivants, avec une suspicion de charlatanisme», décrypte pour l’AFP l’historien Trond Norén Isaksen.
Du côté de beau-papa, le roi Harald, on évoque une «collision culturelle». Quant au beau-frère, le prince Haakon, il tente de ménager la chèvre et le chou. En octobre, il confie:
Quant au principal intéressé, il clame n'avoir jamais connu si mauvais accueil. Se déclarant «incompris», Verrett préfère se comparer à d'autres génies comme «Albert Einstein, Thomas Edison, les frères Wright et Helen Keller».
Pendant ce temps, le roi Harald, Märtha Louise et son frère, le prince Haakon, auraient multiplié les «réunions de crise» pour décider de cet embarrassant titre de princesse.
La solution est finalement tombée mardi, via un communiqué de la royauté norvégienne. «En consultation avec Sa Majesté le Roi et la famille immédiate, la princesse a décidé qu'à l'heure actuelle, elle n'exercerait pas de fonctions officielles pour la Maison Royale.» Une information aussitôt suivie par l'annonce des noces rebelles... sur leur réseau social favori.