Ils espéraient peut-être se fondre dans la masse, quelque part entre les 2000 personnalités en rangs serrés dans l'abbaye de Westminster. C'est raté. Les têtes couronnées d'Albert et Charlene de Monaco ont été copieusement commentées. Tout est une question d'habitude, dira-t-on.
Maladies en tout genre, crises matrimoniales, interventions de chirurgie esthétique ratées, tentatives de fuite désespérées et dépression chronique... On a tout dit sur l'ancienne championne de natation depuis qu'elle a accepté de rejoindre son prince de mari sur son Rocher, il y a près de vingt ans.
Entre une disparition de plusieurs mois en Afrique du sud et son récent «grand retour» aux affaires publiques annoncé par le Palais de Monaco, les apparitions de la blonde sculpturale se comptent sur les doigts d'une (seule) main. Une discrétion qui alimente son aura depuis toujours. Un peu malgré elle.
A l'instar de toute légende aquatique, celle de Charlene Wittstock débute, logiquement, dans l'eau. «La blonde avec un cerveau», comme la surnomme la presse sud-africaine, n'a pas une goutte de sang noble dans les veines. Juste des épaules taillées à coups de six heures d'entraînement par jour, dans les bassins d'une citée industrielle de Johannesburg. Un quotidien à l'odeur de chlore et à la discipline de fer qui laisse plus volontiers présager des Jeux Olympiques que d'une vie de palais.
Sa destinée princière va se jouer dans une piscine, lors d'un meeting international de natation, à Monaco, où la sportive d'élite remporte l'épreuve du 200 mètres dos. Qui d'autre que son futur époux, le prince Albert, pour lui glisser des félicitations et la médaille d'or entre les mains?
Impressionné par les 177 centimètres de muscles de cette athlète de vingt ans sa cadette, Albert se contentera de quelques bredouillements. Il faudra patienter un an pour qu'il tente à nouveau sa chance. Un repas aux chandelles qui se soldera par une nuit de danse endiablée dans un night-club et par une tasse de café, partagée à l'aube sur le toit du palais princier.
La suite, on la connait moins. Au milieu des années 2000, Albert enterre son père et Charlene ses rêves de carrière. Obligations princières pour l'un, blessures à répétition et progression sportive contrariée pour l'autre: deux quotidiens a priori peu compatibles pour une idylle. Pourtant, à coups d'apparitions ici et là, le Monégasque et la Sud-africaine déchaînent la joie et la frustration de la presse people. Sans jamais officialiser.
«J'avais l'habitude de vivre en maillot de bain et je n'avais aucune notion de mode. Le jour du bal de la Croix-Rouge, j'avais joué au volley-ball toute la journée sur la plage et je n'avais pensé à me préparer qu'en fin d'après-midi. J'ai emprunté une robe verte à une amie, je me suis coiffée moi-même et j'ai peint mes ongles en rouge.»
L'officialisation et les fiançailles auront lieu quatre ans plus tard. Quelques clichés dans les jardins du palais en guise d’unique témoignage. Discrétion requise. Encore et toujours.
La transition sur l'enclave scintillante s'avère plus compliquée. Pas seulement à cause de la barrière du français, langue officielle de la principauté, que Charlene se refusera longtemps à apprivoiser. Sportive et informelle, la nouvelle princesse se heurte à une communauté monégasque sur ses gardes et glaciale, qui aurait préféré qu'Albert se choisisse l'une des siennes. «Les gens que j'ai côtoyés à Monaco n'avaient rien à voir avec ma mentalité ou mon humour sud-africain», confie-t-elle, à la veille de son mariage, au magazine Tatler.
«Elle était pleine de bonne volonté, mais elle s’est vite sentie jugée et incomprise», lâche une de ses amies de la principauté, dans Paris Match. «Alors elle s’est refermée pour se protéger.»
C'est sans compter le passé d'éternel célibataire d'Albert qui remonte à la surface, entre enfants illégitimes et soupçons récurrents d'infidélité. A quelques jours de la cérémonie, le mariage serait «en péril». Charlene aurait tenté de s'enfuir et de prendre un vol pour l'Afrique du Sud à trois reprises, avant d'être interceptée in extremis par la police à l'aéroport de Nice. Rumeurs fermement démenties par le Palais, à coups de communiqués et d'actions en justice.
N'en déplaise aux tabloïds, le mariage a bien lieu le 2 juillet 2011. Sous les yeux attentifs de Karl Lagerfeld, Naomi Campbell, du président Sarkozy, de quelque 900 invités et de centaines de millions de téléspectateurs. Charlène scelle son destin et lâche un sanglot qui n'échappera à personne - de même que la réprimande sèche et discrète d'Albert.
Ensuite, plus de larmes, ni d'interventions policières. La nouvelle épouse remplit discrètement ses fonctions et les attentes du palais. En bonne principauté centenaire qui se respecte, le Rocher désespère de ne pas la voir pondre d'héritier.
Mal à l'aise dans ce moule de «Grace Kelly» dans lequel on rêve de la fondre, Charlène trouve la parade à sa blondeur hitchcockienne à coups de ciseaux et de looks rock n'roll.
Reste son regard mélancolique et fuyant, ses absences répétées, son silence quasi-permanent. Alors, pour satisfaire son appétit de scoops, la presse dissèque ses moues, son teint, la moindre de ses cernes.
«Elle a commencé par se méfier de tous, coupant les ponts un à un», analyse l'historien Stéphane Bern, dans Paris Match. L'isolement va croissant. «Elle a des crises de paranoïa!» affirment d'autres membres de son entourage.
En mars 2021, Charlene laisse enfants et mari à Monaco pour rejoindre l'Afrique du Sud, afin d’assister aux funérailles du roi des Zoulous, Goodwill Zwelithini. Un voyage censé être temporaire, mais qui se prolongera. Longtemps. C'est d'abord une «grave infection de la sphère ORL», contractée lors d'un safari, qui lui interdit de prendre l’avion. Puis une série d'opérations chirurgicales sous anesthésie générale.
Lors de ses rares apparitions, on la devine amaigrie, exsangue, le visage constamment dissimulé sous un masque. «Une chirurgie esthétique qui aurait mal tourné?», ose glisser une habituée de la principauté à Paris Match.
De son côté, bien ancré sur son Rocher, le prince Albert jongle entre son rôle de père et celui de souverain. En multipliant les apparitions publiques, seul ou avec les enfants, il accentue malgré lui le vide laissé par sa princesse invisible.
L'absence de sa femme pour leur dixième anniversaire de mariage, le 2 juillet 2021, ne fait qu'apporter de l'eau au moulin des rumeurs d'une probable séparation.
Sortir des clous avec un look audacieux ou par son absence à une soirée de gala? Ok. Chaque monarchie a eu son lot de princesses rebelles. Mais un exil de plusieurs mois, aux yeux de ses patriotes, cela relève de l’abandon de poste.
L’espoir renaît début novembre 2021 lorsque Charlene obtient, enfin, le feu vert de ses médecins pour regagner la principauté. Un répit de (très) courte durée. Quelques jours plus tard, seconde disparition des écrans-radars. Moins justifiée encore. On dit la princesse en «convalescence dans une clinique», «peut-être en Suisse ou à Dubaï». Le mystère s'épaissit jusqu'à ce que le prince Albert lève le voile dans une interview exclusive pour People. «Epuisée, physiquement et émotionnellement», la princesse Charlene se soignerait dans un établissement privé, loin de Monaco... en Suisse.
Ce n'est qu'en mars 2022 que la nouvelle tant attendue par les Monégasques tombe sous forme d'un communiqué euphorique du Palais. Charlene est de retour. Au terme d'un chemin «long, difficile et si douloureux», selon ses propres mots à Nice Matin, sa première interview depuis des mois.
Pas à pas, événement après événement. La sirène renoue avec ses obligations, après des mois passés loin des objectifs des photographes, des affres de la vie publique et du gotha de Monaco. Il faut reprendre le pli.
A supposer que la sirène l'ait pris un jour.