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«L'Elysée est furax!» C'est quoi cette histoire de censure avec Macron?

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«L'Elysée est furax!» C'est quoi cette histoire de censure autour de Macron?

Le quotidien français Le Monde a supprimé une tribune à charge sur le récent voyage du président de la République en Algérie. Pourquoi? La possibilité d'interpréter de plusieurs façons une phrase prononcée par Macron qui a fait polémique: «Une histoire d'amour qui a sa part de tragique». Censure du Monde? Intervention de l'Elysée? On vous résume cette histoire.
03.09.2022, 11:3403.09.2022, 12:08
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«Mais en cinq ans, la colonisation serait passée, dans le verbe présidentiel, d'un crime contre l'humanité (2017) à "une histoire d'amour qui a sa part de tragique" (2022).» C'est la phrase qui a poussé le quotidien Le Monde à supprimer (chose rarissime pour le grand journal français) la tribune du politiste Paul Max Maurin, jeudi après-midi. Quelques heures seulement après sa publication.

Dans sa tribune, Paul Max Maurin évoquait, non sans égratigner durement le président, la droitisation du discours du locataire de l'Elysée. Et la phrase qui a fait frémir le quotidien français a été prononcée devant un parterre de micros, à Alger, lors de la visite officielle (et tendue) d'Emmanuel Macron en Algérie.

Voici la phrase dans son contexte:

«Vous savez, c’est une histoire d’amour qui a sa part de tragique. Il faut savoir se fâcher pour se réconcilier. Moi j’essaie, depuis que je suis président, de regarder notre passé en face. Je le fais sans complaisance. Au fond, sur la question mémorielle, sur la question franco-algérienne, nous sommes comme sommés en permanence de choisir. Et il faudrait dire: “Choisissez la fierté ou la repentance”. Moi, je veux la vérité et la reconnaissance.»
Emmanuel Macron

Avant la dépublication de l'article, la sortie de Macron avait déjà froissé bon nombre d'élus et d'observateurs, majoritairement de gauche. Du PS Olivier Faure, à Sandrine Rousseau, en passant par le communiste Fabien Roussel. En gros: considérer la colonisation comme une bête «histoire d'amour» entre la France et l'Algérie, ça ne passe pas.

Vendredi matin, face au feu qui ne cessait de grandir, Le Monde a décidé de justifier une première fois son choix, tout en présentant ses excuses aux lecteurs, mais également au président de la République. Des excuses qui ont dégoupillé le fameux effet Streisand et a fait enfler la polémique.

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Mélenchon par exemple:

«Retirer une tribune pour une citation de Macron qui lui déplaît! Nouvelle étape dans l'affaissement d'une presse autrefois référence. "Le Monde" biaise toute l’année les citations. Mais quand Macron fronce les sourcils… La semaine pro, je n'achète pas ce journal. Faites mieux»

Edwy Plenel, ensuite:

«Sidérante censure. ⁦@lemondefr⁩ présente ses "excuses" au président de la République, en supprimant la tribune qui critique la vision macronienne des relations franco-algériennes comme une histoire d’amour qui a sa part de tragique»
Président et co-fondateur de Mediapart.

Si certains (ils sont plus rares) ont loué le "courage" et la "franchise" de la direction Monde pour avoir reconnu publiquement ses torts, l'ambiance vendredi se résumait à une immense suspicion de censure venue «d'en haut» et considérée comme «dangereuse» et «inexcusable».

Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune, le 25 août 2022.
Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune, le 25 août 2022.keystone

Qu'en est-il vraiment?

Avant que Libé, par l'intermédiaire de sa rubrique Checknews, ne donne la parole au politiste au cœur de cette suppression de tribune, il était difficile de se faire une idée précise de cette histoire.

Quand soudain:

«L'Elysée était furax!»
Paul Max Maurin à Checknews, vendredi
«Suite à sa publication, j’ai reçu un premier appel hier matin [jeudi 1er septembre] du journal m’informant que “l’Elysée était furax” et qu’il fallait apporter des modifications. J’ai accepté ces changements car la formulation ne remettait pas en cause le fond de l’analyse. Mais cela n’a pas pu être modifié car une demi-heure plus tard, j’ai reçu un deuxième appel pour me dire que la tribune était retirée, parce que j’avais mal interprété ou surinterprété les propos du président et que cette analyse était partagée par les envoyés spéciaux en Algérie qui s’opposaient à sa publication.»

Entre les mots prononcés par Emmanuel Macron et la publication de la fameuse tribune, Checknews explique qu'il y a eu un message WhatsApp envoyé par l'entourage du président, dans un groupe composé de journalistes politiques français.

Le SMS de l'Elysée aux journalistes:

«Bonjour, je me permets d’attirer votre attention sur la citation ci-dessous du président tout à l’heure lors du micro-tendu, où il parlait bien de la relation actuelle avec l’Algérie, et non de la colonisation»

Vendredi matin, Le Monde aurait proposé à Paul Max Maurin de publier à nouveau sa tribune mais sans parler de la notion d'histoire d'amour et de colonisation. Le politiste a refusé: «Que reste-t-il de cette histoire, si on met de côté la colonisation?»

Le quotidien français a fini par publier une dernière explication, vendredi soir, dans laquelle il considère avoir validé la tribune «trop rapidement» et qu'il n'avait pas trouvé le moyen de la «modifier de manière à la rendre factuellement exacte».

(fv)

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