«Mais en cinq ans, la colonisation serait passée, dans le verbe présidentiel, d'un crime contre l'humanité (2017) à "une histoire d'amour qui a sa part de tragique" (2022).» C'est la phrase qui a poussé le quotidien Le Monde à supprimer (chose rarissime pour le grand journal français) la tribune du politiste Paul Max Maurin, jeudi après-midi. Quelques heures seulement après sa publication.
Dans sa tribune, Paul Max Maurin évoquait, non sans égratigner durement le président, la droitisation du discours du locataire de l'Elysée. Et la phrase qui a fait frémir le quotidien français a été prononcée devant un parterre de micros, à Alger, lors de la visite officielle (et tendue) d'Emmanuel Macron en Algérie.
Avant la dépublication de l'article, la sortie de Macron avait déjà froissé bon nombre d'élus et d'observateurs, majoritairement de gauche. Du PS Olivier Faure, à Sandrine Rousseau, en passant par le communiste Fabien Roussel. En gros: considérer la colonisation comme une bête «histoire d'amour» entre la France et l'Algérie, ça ne passe pas.
Présenter la colonisation comme une "une histoire d'amour qui a sa part de tragique" est une aberration.
— Fabien Roussel (@Fabien_Roussel) August 26, 2022
La colonisation est un crime qui doit être reconnu comme tel.
Fier que les communistes aient été de tous les combats pour la décolonisation et le droit des peuples. https://t.co/3kq5vqqzS4
Vendredi matin, face au feu qui ne cessait de grandir, Le Monde a décidé de justifier une première fois son choix, tout en présentant ses excuses aux lecteurs, mais également au président de la République. Des excuses qui ont dégoupillé le fameux effet Streisand et a fait enfler la polémique.
Si certains (ils sont plus rares) ont loué le "courage" et la "franchise" de la direction Monde pour avoir reconnu publiquement ses torts, l'ambiance vendredi se résumait à une immense suspicion de censure venue «d'en haut» et considérée comme «dangereuse» et «inexcusable».
Avant que Libé, par l'intermédiaire de sa rubrique Checknews, ne donne la parole au politiste au cœur de cette suppression de tribune, il était difficile de se faire une idée précise de cette histoire.
Entre les mots prononcés par Emmanuel Macron et la publication de la fameuse tribune, Checknews explique qu'il y a eu un message WhatsApp envoyé par l'entourage du président, dans un groupe composé de journalistes politiques français.
Vendredi matin, Le Monde aurait proposé à Paul Max Maurin de publier à nouveau sa tribune mais sans parler de la notion d'histoire d'amour et de colonisation. Le politiste a refusé: «Que reste-t-il de cette histoire, si on met de côté la colonisation?»
Le quotidien français a fini par publier une dernière explication, vendredi soir, dans laquelle il considère avoir validé la tribune «trop rapidement» et qu'il n'avait pas trouvé le moyen de la «modifier de manière à la rendre factuellement exacte».
(fv)