International
Poutine

Little Big: Des stars lâchent un brûlot anti-Poutine et fuient la Russie

Ils sont à la fois désirables et effrayants, nan?
Ils sont à la fois désirables et effrayants, nan?

Des stars punks lâchent un brûlot anti-Poutine avant de fuir la Russie

En 2020, Little Big devait hisser fièrement la Russie à l'Eurovision. Deux ans de pandémie et quelques crimes de guerre plus tard, léger virage éditorial. Avec le morceau Generation Cancellation, le groupe russe le plus trash et le plus connu au monde gifle la folie du Kremlin à plein volume et annonce s'être réfugié à Los Angeles.
25.06.2022, 11:5925.06.2022, 13:04
Suivez-moi
Plus de «International»

Pipi, caca, autocratie et franches rigolades. Tenez, par exemple: le DJ du groupe a un jour déféqué librement derrière ses platines dans un festival allemand. Ils ont aussi viré Snoop Dogg de leur loge, armés d'une vieille savate. Dans leurs clips, l'absurde côtoie un sens esthétique à faire glapir n'importe quel étudiant de l'Écal. Il est d'ailleurs possible de trébucher sur des chorégraphies qui n'ont jamais été validées par Kamel Ouali. Kim Jong Un y épouse une bombe nucléaire. Des clowns, des nains et des oursons y copulent, parfois. Les corps sont des cobayes désarticulés et les coupes de douille des expérimentations permanentes.

Ce ne sont que quelques petits extraits des grands excès artistiques du groupe russe Little Big. Pour situer le niveau de respect témoigné loin à la ronde pour cette orgiaque espièglerie musicale, la vidéo qui colle aux basques du morceau virilement baptisé Big Dick avait collectionné les récompenses prestigieuses il y a six ans.

Capture d'écran du clip Big Dick, l'un des tubes électro-n-importe-quoi de Little Big.
Capture d'écran du clip Big Dick, l'un des tubes électro-n-importe-quoi de Little Big.

C'est potache et jouissif, abrasif et créatif, au-dessus du lot et en dessous de la ceinture. Parce que savoir rigoler sérieusement, c'est souvent déjà un art. Little Big, c'est surtout l'astucieuse vulgarité d'un gang de punk fondé à Saint-Pétersbourg en 2013, aujourd'hui recroquevillé politiquement sous le soleil robuste de Californie pour échapper aux postillons revanchards de Vladimir Poutine. Froissés à l'idée que des armes russes n'assèchent aléatoirement l'espérance de vie des Ukrainiens, les quatre zozos passionnés de zizis ont dégoupillé sur YouTube, vendredi, un brûlot anti-Poutine.

Une manière toute personnelle de tendre le majeur à une guerre qui concerne plus volontiers l'autocrate du Kremlin qu'une jeunesse russe assoiffée d'Occident et privée, d'une bombe à l'autre, de Stan Smith et de Big Mac. Une «génération annulée», mais soutenue bruyamment par le leader Ilia Proussikine, dans ce morceau qui cumule sans grande surprise de fraîches trouvailles visuelles.

Le missile punk en question:

«Je n'ai pas de voix. Mourir ou partir. Mourir ou partir. Je n'ai pas le choix»
Extrait du morceau Generation Cancellation

Certes, on ne nage pas non plus dans les vers les plus aiguisés d'un Bruce Springsteen sous les jupes de George W. Bush. Mais tout y est. On comprend encore un peu mieux le niveau de fatigue patriotique d'un nombre chaque jour plus dodu d'artistes russes défaisant la paix à leur président.

Dans ce clip, on croise des fake news, des gens nus, des franges insortables, des politiciens véreux, de larges cigares, quelques mioches éclaboussés par de grands jets de propagande, des fermetures éclair sur des bouches et des villes soufflées par les obus. En bout de refrain, comme pour résumer efficacement le message, un gros type en costard grabs la planète Terre par la braguette. Plus simple, ce serait compliqué.

Image

Generation Cancellation ne réinvente pourtant pas la poudre rock, se digère en deux minutes et huit secondes et ne va probablement pas convaincre Vladimir Poutine d'éteindre la guerre pour allumer la télé et profiter d'une retraite souhaitée par toute la communauté internationale. Même si ce n'est pas la première fois que la bande crache publiquement sur l'excès de surmoi du patron du Kremlin. En 2019 déjà, Ilia Proussikine disait de son «pays poubelle» qu'il...

... «cultivait le culte de l'intolérance et de la colère»

Qu'on ne s'y trompe pas: Little Big a beau donner l'impression de pondre de la musique comme on pisserait rapidement entre deux fûts de bière, c'est aujourd'hui le groupe russe le plus célèbre au monde. Sans être des virtuoses moulés en conservatoire, les quatre trolls à la provoc' faconde prennent d'abord un malin plaisir à semer le trouble dans l'image que les Russes ne voudraient pas tant voir se balader en Occident. Alcooliques, libidineux, psychopathes, infréquentables, délestés du moindre neurone, accros aux flingues, aux roubles et à la branlette. Et, forcément, ça marche. L'Europe est tombée amoureuse de cette ribambelle de clichés à peu près en même temps que la population moscovite rêvait de les décapiter. Chaque nouveau larcin mélodique faisant naître une quantité non-négligeable de commentaires ronchons.

Image
«Chantez en russe si vous aimez vraiment votre pays!»
Le commentaire d'un Russe sous l'une des vidéos YouTube du groupe Little Big.

C'est le morceau Skibidi (et surtout son clip) qui a fait enfler la popularité de Little Big, en 2019. Plongée dans une épaisse sauce d'électro formidablement casse-burnes, sa chorégraphie robotique a fait trois fois le tour des réseaux sociaux avant de donner naturellement naissance au #skibidichallenge. Il faut savoir que sur l'internet musical, le pouvoir appartient toujours à ceux qui voyagent sur un hashtag.

Eurovision, patte d'éph', paillettes & Staline

Il semblerait néanmoins que les Russes ne soient pas (toujours) aussi susceptibles. Le groupe a beau les brosser en immenses abrutis depuis une grosse dizaine d'années, ça n'a pas empêché Moscou de le parachuter au sommet de la plus grande sauterie musicale politico-kitsch: l'Eurovision. En 2020, à l'orée d'une pandémie mondiale, Little Big a donc fomenté l'étrange morceau Uno. Et le décrire reviendrait à devoir évoquer maladroitement un quatuor de mariachis éduqués à la vodka, qui aurait mangé les membres d'ABBA par inadvertance. Alors qu'il s'agit juste d'un énième tube parfaitement calibré pour l'événement.

Ne tortillons pas du bulbe: ces gens sont talentueux.

Même si l'Eurovision a finalement été annulé à cause d'un virus coriace. Même si le leader de Little Big, ce facétieux bourrin, se déguise parfois en Joseph Staline pour signifier son mécontentement politique. Même si cette verve abrasive aura peut-être désormais un petit goût de sable bohème de Venice Beach. Il faut bien sauver sa peau.

En 2022, le groupe russe le plus célèbre du monde pourrait bien profiter indirectement de l'ego de Vladimir pour rester le groupe russe le plus célèbre du monde.

Un nouveau foyer pour des enfants ukrainiens
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Ce look de Melania Trump est une déclaration de guerre
Au placard, les robes fleuries de riche retraitée de Floride! A l'occasion d'une rare apparition ce week-end pour la campagne présidentielle de son mari, l'ancienne première dame a dégainé le tailleur noir et l'artillerie lourde. Et comme toujours, avec Melania, ses vêtements ne manquaient pas de messages sous-jacents.

La reine Elizabeth et Melania Trump partagent un point commun. A défaut d'ouvrir la bouche, sauf pour quelques banalités et politesses d'usage, toutes deux sont passées maîtresses dans l'art de communiquer par leur apparence. Nous laissant, à nous autres, pauvres observateurs curieux, tout le loisir de fantasmer, supposer, interpréter. Imaginer les pensées, sentiments ou intentions à travers les vêtements de ces bibelots politiques, posés bien en évidence dans leurs décors dorés et pompeux. Des statues silencieuses. Fascinantes.

L’article