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Présidentielle 2022

Présidentielle2022. Ici Radio Twitter, les Français parlent aux Français

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image: monatge saïnath bovay, shutterstock
Présidentielle 2022

La présidentielle se joue aussi sur «Radio Twitter», de Français à Français

Ils ne sont pas toujours d'accord, mais au moins ils ne s'insultent plus. Nés du confinement synonyme d'isolement, les groupes de parole se multiplient sur Twitter. A l'approche de la présidentielle, les Français sont accros.
16.12.2021, 19:5619.12.2021, 10:16
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On les disait au bord de la guerre civile, ils se causent dans le poste. Bavards invétérés, les Français se retrouvent, le soir de préférence, pour parler de tout et de rien – en ce moment, vu la période, plutôt de politique. Twitter est leur point de ralliement. Il y a environ six mois, à la suite de Clubhouse, une application précurseur, le réseau au petit oiseau a installé une fonctionnalité permettant à tout un chacun de créer un espace de parole, «space» en anglais (la marche à suivre est simplissime, on vous l’explique plus bas).

Gauchistes, islamistes, zemmouristes...

Les intervenants ne se voient pas, ne s’écrivent pas. Ils échangent par la voix. Si possible l’un après l’autre, comme les gens polis. Un peu d’écoute, ça fait du bien. Gauchistes, islamistes, zemmouristes, centristes, on trouve des salons de discussion adaptés à tous les goûts.

«Tout ça se passe dans l’esprit des radios libres, c’est ce qui est sympa.» Au début des années 1980, la jeunesse française revendiquait le droit de monter des stations échappant au contrôle du politique et du fric. Ce fut l’explosion de la bande FM. Un temps que Romain Challand, journaliste dans un média numérique à Paris, n’a pas connu, mais qu'il renouvelle par d'autres moyens.

Bienvenue à la Ligue du Zob

Ce jeune homme de 32 ans est l'un des participants au space baptisé du nom potache de «Ligue du zob». Clin d’œil – pas plus – à la «Ligue du lol», un groupe Twitter dont certains membres ont été accusés de harcèlement envers des femmes, cette affaire donnant lieu à un emballement médiatique qui devait retomber, une partie des personnes mises en cause obtenant réparation devant la justice.

«On fait attention à ce qu'on dit»

Certaines sessions de la «Ligue du zob» réunissent plus de cent auditeurs, des filles et des garçons. Les mots d’esprit sont un plus, pas la moquerie. #MeToo est passé par-là. «Il a été bien clair qu’on ferait attention à ce qu’on dit», relate Romain Challand. Les personnes d’extrême droite ne sont pas les bienvenues sur le space. Celles d’extrême gauche sont invitées à faire preuve d’humour.

L’ambiance très «Friends» (la série) du groupe fait son succès. «On a même eu un détenu dans une de nos sessions. Les smartphones sont pourtant interdits en prison», raconte Romain Challand. Il n’est pas rare que la bande de nouveaux amis se fasse des bouffes en vrai ou passe des week-ends ensemble.

«La voix, c’est plus sympathique»

Les restrictions imposées par la lutte contre le Covid-19 ont favorisé l’émergence de «Radio Twitter», sorte de ligne de cœur pour SOS-confinés. Journaliste également, lui, au Figaro, Ronan Planchon, spécialiste de la vanne politique sur son compte Twitter, fait des apparitions sur la «Ligue du zob». «La voix, c’est plus sympathique et agréable, moins agressif que les discussions par messages écrits», note-t-il.

Spaces anti-Macron

Si la «Ligue du zob», avec sa sociologie parisienne, roule de gauche à droite sans oublier Macron, les groupes de parole animés par Myriam et Sandra recrutent davantage chez les partisans d’Eric Zemmour, du moins chez les adversaires de l’actuel président de la République et du «système» qu’il est censé incarner. Les deux femmes ne cachent pas leur parti-pris. «Mais tout le monde est le bienvenu, les gens de gauche comme les gens de droite, les vaccinés comme les non-vaccinés», assure Myriam, dont les arguments sur le front sanitaire sont clairement antivax. Originaire de Marseille, cette voix chaude, qui paraît faite pour la radio, a créé son groupe de parole il y a un mois.

«Ce qui compte, c’est que chacun exprime son point de vue sans violence, pose-t-elle. Mais bien sûr, ça dépend du tempérament de chacun.» Quand ça dérape, il faut recadrer. Au besoin, couper le micro. Voire exclure. Ces mesures de police sont de la compétence de l’«hôte», la personne à l’initiative de l’espace de discussion.

Un fond de Gilets jaunes

Sur l’«antenne» de Myriam comme sur celle de Sandra, de père juif séfarade, de mère catholique, elle-même se disant athée, on retrouve les débats qui divisent au sein du mouvement des Gilets jaunes, dont toutes les deux sont plus ou moins proches. Il y a d’un côté ceux qui se reconnaissent dans le candidat Zemmour, de l’autre, ceux qui militent avec la gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon ou celle du candidat anticapitaliste Anasse Kazib.

«Ce n'est pas un juif qui...»

Ce dialogue sur le space de Myriam en témoigne à sa manière: «Ce n’est pas un juif (réd: Eric Zemmour) qui va me dire comment moi, un catholique, je dois me protéger des musulmans. J’habite dans le 94 (réd: Val-de-Marne, banlieue parisienne) et je ne vis pas avec un gilet pare-balles.»

Réplique courroucée d’une participante à la discussion: «Les Français veulent retrouver la France. On ne veut pas que les musulmans nous imposent leur culture. La gauche a détruit la France, il va falloir la relever. Les mosquées salafistes, les femmes voilées nous emmerdent.»

Réaction du premier intervenant, à qui un troisième reproche des sous-entendus lorsqu’il évoque la judéité d’Eric Zemmour: «Ça devient rance, là. Je ne vais pas me laisser traiter d’antisémite.» Myriam intervient, parvient à calmer les esprits – elle a toujours la possibilité de couper le micro…

Mixité

Ces participants au space de Myriam, beaucoup dans l'absolu s'exprimant sous pseudos, se sont engueulés, mais chacun d’eux a pu aller au bout de son propos. «L’espace radiophonique, que reproduisent les groupes de parole sur Twitter, autorise des tirades plus longues qu’à la télévision. Le médium de la voix amène à une éthique de l’interaction plus respectueuse», constate Valérie Jeanne-Perrier, professeure à Sorbonne Université, auteure de «Les journalistes face aux réseaux sociaux? Une nouvelle relation entre médias et politiques» (MkF éditions).

«Hôte» d'un space, Sandra militait autrefois pour le MoDem, le parti de centre-droit allié à Emmanuel Macron. Elle soutient aujourd'hui Eric Zemmour. «Ces espaces de parole permettent à des personnes qui habitent dans des lieux différents, ayant des statuts sociaux différents, de se parler. Y viennent aussi bien un chef de cuisine qu’un ingénieur», apprécie-t-elle. Ici «Radio Twitter», les Français parlent aux Français, en somme.

Recordman

Il semblerait qu’un certain Romain Molina, journaliste indépendant, auteur de livres-enquêtes, tienne le record d’auditeurs pour un space en France. Ce 19 novembre, à l’approche de minuit, ils étaient plus de 60 000 rassemblés à son initiative autour d’un sujet «vendeur»: des révélations sur des scandales sexuels dans le milieu du sport.

Comment ça marche

Pour créer un space sur Twitter, il suffit de... Eh bien, il suffit, sur un smartphone, de maintenir le pouce appuyé sur le petit rond bleu muni d'un signe «+» en blanc, situé en bas à droite de l'écran. Et d'appuyer ensuite sur le rond violet comprenant en son centre un losange. Il ne reste plus qu'à nommer son espace de discussion et à le lancer en appuyant sur «Commencer».
Entretien avec Hugo Clément
Video: watson
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