Pourquoi les Français ne sont pas foutus de voter par correspondance?
En Suisse, nous cultivons avec les Français deux principales différences (enfin... entre autres). La première: nous n'élisons pas directement notre président. La seconde: nous avons, nous, la possibilité de voter par correspondance, contrairement à nos voisins - lesquels sont forcés de se bouger en personne jusqu'à la mairie la plus proche, pour placer dans l'urne leur précieux bulletin.
Mais pourquoi?
Ces longues files de citoyens faisant la queue pour désigner leur futur chef d'Etat ont certainement pu vous interpeller, et à raison. En Suisse, nous ne sommes plus du tout habitués à nous rendre sur place: selon Swissinfo, plus de 90% des bulletins de vote sont envoyés par la poste, un chiffre en constante augmentation.
En France, pas le choix: pour décider de l'avenir de son pays, il faut se rendre dans un bureau de vote le jour du scrutin, rappelle Le Parisien. Impossible de voter à distance ou en amont, sauf à quelques exceptions près (les personnes qui ne peuvent se déplacer obtiennent une procuration).
Voter en France: mode d'emploi
Mais avant de comprendre cette particularité, première chose: un petit cours de civisme français!

Pour pouvoir voter dans l'Hexagone, il faut remplir quelques conditions préalables:
- Etre âgé de 18 ans.
- Disposer de la nationalité française.
- Jouir de ses droits civils et politiques.
(Comme chez nous, quoi.)
Mais aussi obligatoirement être inscrit sur la liste électorale de sa commune, comme le précise le site du gouvernement français. Pour ce faire, rien de plus simple: une inscription sur Internet ou dans sa mairie suffit. Cette année, pour l'élection présidentielle, la date limite d'inscription sur les listes électorales était fixée au 2 mars 2022 en ligne, soit sept semaines avant le premier tour de l'élection.
Et le jour du scrutin?
Muni de sa précieuse carte électorale et de sa pièce d'identité, le futur votant se rend au bureau de vote dans lequel il est inscrit. Ne lui reste plus qu'à:
- Se présenter à la table où sont déposés les bulletins et les enveloppes.
- Prendre une enveloppe et un bulletin de vote de chaque candidat (dans le cas présent, Marine Le Pen ou Emmanuel Macron). Le site précise qu'il est important de prendre plusieurs bulletins de vote, afin de préserver la confidentialité de son choix.
- Se rendre à l'isoloir - passage obligatoire afin de garantir le caractère secret et personnel du vote.
- Se présenter devant l’urne où l'on vérifie l'identité et surtout, que l’électeur n’a bien qu’une enveloppe.
- Introduire soi-même l’enveloppe dans l’urne. Personne d'autre n'a le droit d'y toucher.
- Signer la liste d’émargement en face de son nom.
Les bureaux ferment à 18, 19 ou 20 heures selon l’arrêté préfectoral. Le président constate alors publiquement l’heure de clôture du scrutin. Aucun vote ne peut plus alors être validé. (A noter que si quelques petits retardataires sont entrés dans le bureau de vote avant l’heure de clôture, ils peuvent quand même introduire leur enveloppe dans l’urne après cette heure).
Ah, et pour ceux qui ont une fâcheuse tendance à toujours perdre leurs affaires: dans les communes de moins de 1000 habitants, il est même possible de voter sans sa carte d'identité. Et, en cas d'oubli ou de perte de sa carte électorale, il est même possible d'aller voter sans. Bref, le plus dur reste de se déplacer.
Mais pourquoi pas la poste?
Ce n'est pas faute, pour le vote par correspondance, d'avoir longtemps existé en France. Cette possibilité a perduré de 1946 à 1975 - date à laquelle elle a été abrogée en raison du risque de fraudes, rappelle France Culture.
Selon Le Parisien, plusieurs raisons expliquent l'actuelle réticence française. Outre la crainte de fraudes et autres détournements informatiques fallacieux, l'électeur subirait des pressions à la maison et serait incité par un proche à voter pour tel ou tel candidat.
La grande proximité temporelle des deux tours de l'élection présidentielle est également une source de crainte, comme l'explique la députée LREM, Yaël Braun-Pivet, à France Culture: «Nous avons souvent des débats électoraux qui interviennent le mercredi ou le jeudi précédant le vote.»
Farouche opposant au vote par correspondance, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, justifiait pour sa part, fin 2020, que «seul l’isoloir, conquête indispensable de la démocratie républicaine, a permis de garantir que les électeurs soient des citoyens libres et égaux en droit, libres de tenir leur vote secret».
Toutefois, en raison du taux d'abstention grandissant, la discussion du vote par courrier pourrait bien revenir sur la table. Une proposition de loi visant à en faire «une alternative complémentaire dont des citoyens qui le souhaitent puissent se saisir» a été déposée le 21 septembre 2021. Sans grande avancée jusqu'à présent.
