Les débats d'entre-deux-tours sont devenus inaudibles, voici pourquoi
Mercredi soir, Emmanuel Macron et Marine Le Pen vont s'affronter en duel devant les Français. L'un d'eux finira président ou présidente de la République. En attendant le résultat final, dimanche 24 avril prochain à 20 heures, il va falloir aiguiser les saillies, armer les boules puantes et travailler sa respiration pour que l'adversaire ne puisse pas en placer une. D'ailleurs, en 50 ans de débat d'entre-deux-tours, les échanges ont quelque peu évolué. Et quand on dit «évoluer», c'est d'abord dans la subtilité de l'éloquence.
Par exemple, en 1974, les punchlines ressemblaient à de la poésie:
On se souvient aussi de Chirac face à Mitterrand en 1988:
La réponse de Mitterrand, tout en finesse:
Les débats de l'entre-deux-tours, institutionnalisés en 1974, ont subi de sacrés bouleversements avant d'atterrir, en 2017, sur la triste et célèbre performance de Marine Le Pen singeant «Les Envahisseurs» devant Emmanuel Macron. Un débat principalement composé d'invectives stériles et d'attaques personnelles douteuses et qui avait duré deux heures et trente-cinq minutes. Les tympans de tous les Français ressemblaient à du houmous oublié sur une table d'apéro au soleil.
En 2017, il y a eu:
Ces chiffres vous paraissent élevés? Histoire de comparer plus facilement, France Info a eu la bonne idée d'accoucher d'un graphique, afin de visualiser d'un seul coup d'œil l'évolution du taux de cacophonie des débats, de 1974 à 2017. Et le résultat est... criant de clarté.
En 1982 et 1988, les débats comptabilisaient respectivement 200 et 250 prises de paroles. Les invectives étaient sensiblement plus rares et chacun des candidats laissait plus facilement l'adversaire charger son argumentaire. Et pas seulement par pure politesse. Le silence était autrement plus ravageur et tranchant il y a quarante ans. Aujourd'hui, forcément, tout va plus vite. Comme le confirme d'ailleurs, ce mercredi, l'historien Jean Garrigues à 20minutes.fr:
Mais alors, c'est quoi le plus important aujourd'hui?
Petite anecdote pour conclure: en 1995, le candidat Lionel Jospin a eu l'opportunité de dérouler son argumentaire durant plus de cinq minutes, sans être interrompu une seule fois par son adversaire... Jacques Chirac. Peut-on imaginer la même chose ce mercredi soir, entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron? Mmmh. (fv)