La Fraude, avec un grand «F». Cet incontournable du conspirationnisme n’a pas épargné l’élection présidentielle française. La figure du vainqueur, Emmanuel Macron, «l’ami des riches et des labos», est pour beaucoup dans ces soupçons de fraude accueillant sa victoire comme le crucifix tendu face au démon.
Le quotidien français Le Monde a fait la tournée des tweets et autres réactions mettant en cause les résultats du second tour de la présidentielle française qui s’est tenu dimanche. Il suffit d’un rien pour allumer le bûcher des rumeurs. Une bourde de France 2 a servi d’appât bien involontaire à la complosphère.
Dimanche aux alentours de 21h10, la chaîne publique affiche les scores non définitifs des deux finalistes, Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Surprise, sur l’écran, la candidate du Rassemblement national est créditée de 14,4 millions de votes, contre 14,2 millions pour le président sortant, soit 200 000 de moins que son opposante.
Jointe par Le Monde, France Télévisions reconnaît s’être prise les pieds dans les fils informatiques: «Il s’agit d’un bug purement technique, on a affiché de mauvais chiffres.» Autrement dit, des chiffres contraires à ceux qui lui avaient été transmis par le ministère de l’Intérieur. La réalité est la suivante: le résultat final de ce second tour sera de 18,7 millions de voix pour Emmanuel Macron et de 13,2 millions de voix pour Marine Le Pen. Jamais, donc, au cours de la soirée de dimanche, la candidate RN n’a atteint les 14,4 millions de voix.
Mais le «bug» en question est une aubaine pour les complotistes, qui dégainent aussitôt, comme ici:
Regardez bien le nombre de voix en arrière plan ! #presidentielles2022 #fraude pic.twitter.com/bYf55pRan0
— Fawkes Guy (@FawkesGuy9) April 24, 2022
Ou encore ici:
Résultats visibles sur France2 à 21h15.. les chiffres ne correspondent pas aux pourcentages de votes 🤯 Lepen est en tête à l’écran..🤨 Explications ?🤔 pic.twitter.com/UuSywyLIb4
— Miss G. (@MissG_Music) April 24, 2022
Aux Etats-Unis, une élue trumpiste, Wendy Rogers, sénatrice de l’Arizona, s'est invitée dans le concert complotiste. «Macron a volé l’élection. Creusez plus en profondeur, camarades patriotes français!», a-t-elle lâché lundi. Le message de cette personnalité américaine est repris en France comme parole de vérité:
#Fraude #elections #FRance #MacronDemission
— Patriote (@Pierre___A) April 25, 2022
La Sénatrice de l'Arizona Wendy Rogers confirme la fraude en France pic.twitter.com/KsWG2bZrt2
Plus tôt, Marine Le Pen avait pourtant reconnu l’élection de son adversaire. Pas de paix civile sans reconnaissance de sa défaite par le vaincu. Cette figure imposée de la démocratie contribue à la légitimité du vainqueur. D’où le travail de sape des colporteurs de rumeurs de fraude, pour faire accroire qu’il y a eu «tricherie», synonyme d’exercice illégitime du pouvoir. Pendant des mois, ce fut là le jeu dangereux de Donald Trump à l'égard de Joe Biden, son successeur.
En France, en 2021 déjà, alors que la campagne présidentielle était lancée, le candidat à la présidence de la République Nicolas Dupont-Aignan et son allié Florian Philippot, tous deux antivax par opportunisme, agitaient le chiffon rouge de la «fraude». Le premier condamnait d’avance une élection «truquée de A à Z». Le second criait sur Twitter à la «fraude et tricherie en marche», rappelle Le Monde:
Alerte fraude ! Annonce par Attal porte-parole du gouvernement du « vote électronique » ! Du fait du covid bien sûr…😉
— Florian Philippot (@f_philippot) November 22, 2021
➡️ Fraude et tricherie en marche ! S’y opposer de toutes nos forces ! ⤵️ https://t.co/7yD9njXhKc
Problème pour Emmanuel Macron: il ne suffit pas de battre en brèche les accusations de fraude, encore faut-il être accepté comme le président des Français. Or beaucoup, à l'extrême droite comme à l'extrême gauche, non seulement ne se reconnaissent pas dans cet homme, mais lui contestent le droit d'incarner la fonction. Bref, ils le considèrent illégitime.