Dans leur lettre au Conseil fédéral, les ambassadeurs des puissants pays du G7 ne manquent pas de clarté: ils souhaitent que la Suisse s'engage davantage dans la traque de l'argent des oligarques russes. Ils craignent que, sous le couvert de la législation sur la protection des données, les autorités helvétiques soient empêchées de découvrir des structures financières illégales, peut-on lire dans la lettre publiée jeudi dans le Tages-Anzeiger.
Les attentes internationales à l'égard de Berne ne se limitent toutefois pas à la traque des avoirs des Russes sanctionnés, mais aussi à la recherche des fonds de la banque centrale russe. Au total, 300 milliards d'euros se trouveraient en Europe et dans les pays du G7. Personne ne sait où exactement.
Dans le cadre du dixième paquet de sanctions de l'UE, que le Conseil fédéral a repris, il s'agit maintenant de localiser les fonds publics russes. Il s'agira ensuite d'explorer les moyens de mettre ces milliards à la disposition de l'Ukraine pour réparer les dommages de guerre.
En Suisse, le délai de déclaration des fonds de la banque centrale russe a expiré mercredi dernier. Qu'en est-il donc du trésor de la banque centrale de Poutine en Suisse?
Au Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), on n'en est pas encore là:
Si cela peut encore prendre un peu de temps, c'est parce qu'il faut parfois procéder à des clarifications complexes. Le Seco ne veut pas donner plus de détails.
Cependant, comme nous l'avons appris, la raison de ce retard vient du fait qu'il y a un cas en particulier qui nécessite des clarifications: la Banque des règlements internationaux (BRI), basée à Bâle. La BRI n'est pas une banque ordinaire, mais une institution financière internationale de premier ordre.
Dans le langage populaire, on parle aussi de la «banque centrale des banques centrales». Elle gère les réserves monétaires des banques centrales qui lui sont affiliées d'une valeur actuelle de plus de 350 milliards de francs et d'environ 23 milliards de francs en or. La banque centrale russe est également membre de la BRI. On peut supposer qu'elle détient des avoirs d'un montant significatif.
La BRI a été créée en 1930 comme instrument pour régler les obligations de réparation de l'Allemagne après la Première Guerre mondiale. Au fil du temps, elle s'est transformée en un forum de coordination de la politique monétaire internationale, où les banquiers centraux du monde entier peuvent se rencontrer et se concerter dans un cadre confidentiel.
En raison de sa discrétion et de son manque de transparence, la BRI fait l'objet de nombreuses légendes. La dernière fois que la banque a fait les gros titres, c'est lorsque le directeur de la banque centrale française, François Villeroy de Galhau, a été assommé à coups de marteau par un homme souffrant de troubles psychiques en pleine place de la gare de Bâle. L'accident a eu lieu après la réunion annuelle de la BRI en juin dernier.
Dans la recherche de l'argent de la banque centrale russe, les autorités suisses sont confrontées au problème du statut extraterritorial de la BRI. Ses collaborateurs ne bénéficient pas seulement de l'immunité diplomatique et fiscale. Les locaux de la tour de bureaux de 69,5 mètres de haut sont également interdits aux autorités judiciaires suisses. Cela signifie que l'ordre juridique suisse s'arrête à l'entrée de la BRI.
Le montant total de l'argent de la banque centrale russe détenu en Suisse dépend essentiellement de la question de savoir si les avoirs déposés auprès de la BRI sont enregistrés ou non. Si ce n'est pas le cas, le montant des fonds constatés devrait être relativement modeste. Le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI) a estimé en mars 2022 qu'il s'agissait d'environ 2% de l'ensemble de l'argent de la banque centrale russe, ce qui représente un montant en milliards à un chiffre.
La question de savoir si la BRI va prêter main forte dans la recherche du trésor russe reste ouverte. En réponse à une question des médias, la banque s'est contentée de réaffirmer la déclaration qu'elle avait déjà faite en mars 2022: la BRI applique les sanctions internationales contre la banque centrale russe et n'offre aucune possibilité de les contourner. La banque centrale russe reste exclue de l'accès aux réunions et aux services de la BRI.
Traduit et adapté par Nicolas Varin