Ni chauffage, ni eau chaude et des pénuries d'électricité: les habitants de Transnistrie, région séparatiste prorusse de Moldavie, subissent de plein fouet la fin des livraisons de gaz russe, après avoir profité des décennies durant d'approvisionnements quasi gratuits.
Pour faire face, place au système D: les autorités encouragent la population à ramasser du bois mort pour faire tourner leurs poêles et des industries, aujourd'hui à l'arrêt, pourraient être relancées de nuit pour mieux répartir la consommation énergétique sur la journée.
Svetlana Gazoul, une professeure d'école de 58 ans, vit à Grigoriopol, une ville de quelque 10 000 habitants sur le Dniestr, le fleuve séparant ce territoire, largement russophone, du reste du pays, en majorité roumanophone.
Ici, comme ailleurs dans ce petit territoire de moins d'un demi-million d'habitants qui échappe au contrôle de Chisinau depuis la chute de l'URSS, la fin des livraisons de gaz russe le 1ᵉʳ janvier, sur fond de différend financier entre Moscou et Chisinau a provoqué une crise énergétique majeure. Dans son appartement, «il fait 16 degrés», raconte-t-elle au téléphone.
Selon le chef de la diplomatie du territoire autoproclamé, Vitali Ignatev, des morts sont à déplorer du fait d'intoxications au monoxyde de carbone notamment, dans des foyers cherchant à se chauffer au poêle.
Svetlana et son mari sont eux sans chauffage depuis une semaine. Impossible d'installer un poêle dans l’appartement, alors ils s'organisent autrement: «On s'habille chaudement, on s'efforce de boire du thé, de l'eau chaude», explique-t-elle. Elle poursuit:
Pour le moment, il reste du gaz pour la cuisinière, mais les autorités ont prévenu que les réserves suffisent pour à peine un mois. S'il y a encore de l'électricité, des coupures par tranches de quatre heures ont été instaurées pour soulager un système surchargé, notamment du fait du recours massif aux radiateurs électriques.
Le géant russe Gazprom approvisionnait jusqu'à présent la Transnistrie en gaz via un fournisseur local, sans que Tiraspol ne paye. L'entité séparatiste adressait les factures à la Moldavie, qui ne contrôlant pas la région, ne payait pas. Cette dette, Moscou veut la faire payer à la Moldavie et non à son allié séparatiste, ce qui a conduit la Russie à couper le robinet. Si Chisinau a réussi à trouver des solutions alternatives en Europe, la Transnistrie, frontalière de l'Ukraine, n'a elle pas de ressources.
Toujours à Grigoriopol, Eleonora Cercavschi, une directrice d'école de 64 ans jointe par l'AFP, craint que bientôt la sécurité alimentaire soit menacée, faute d'énergie pour l'agro-alimentaire et de salaires pour ceux qui perdent leurs emplois.
A 45 minutes de voiture, Tiraspol, capitale de cette république autoproclamée, nostalgique de son passé soviétique, l'ensemble de la Moldavie ayant fait partie de l'URSS jusqu'en 1991. Depuis son appartement, Iouri Statski, un blogueur de 47 ans, constate que la situation «risque de s'aggraver». En effet, la grande centrale thermique de Cuciurgan, qui tourne désormais au charbon, n'a de stocks que jusque mi-février. Pour Iouri Statski, le coupable est tout trouvé: la présidente pro-européenne de la Moldavie, Maia Sandu. Il reprend le discours de Moscou:
Mais tous ne partagent pas son avis, dans un territoire partagé quasiment à parts égales entre Russes, Moldaves et Ukrainiens.
«Tout est mis sur le dos de la Moldavie!», s'agace Svetlana Gazoul. «Comment la Moldavie pourrait-elle être responsable si elle n'a plus le contrôle du territoire de la Transnistrie depuis plus de 30 ans?», s'emporte aussi Eleonora Cercavschi.
Pour Svetlana, «les gens ici sont zombifiés, ils ne comprennent pas!»
(afp)