Depuis ce vendredi, les personnes souhaitant franchir la frontière finno-russe, longue de 1340 kilomètres, ne peuvent le faire qu'à un seul endroit: à Raja-Jooseppi en Laponie, à environ 300 kilomètres au nord du cercle polaire.
La Finlande a fermé tous les autres points de passage après que plus de 700 réfugiés en provenance de Russie ont franchi la frontière au cours des deux dernières semaines. Le gouvernement finlandais veut désormais rendre aussi difficile que possible le dépôt d'une demande d'asile.
Les baraquements frontaliers de Raja-Jooseppi se trouvent dans un no man's land enneigé et désert. Du côté finlandais, le village le plus proche, Saariselkä, est à 50 kilomètres. Côté Russe, il y a 240 kilomètres jusqu'à Mourmansk.
Les demandeurs d'asile ne sont pas des Russes fuyant le régime du Kremlin, mais sont originaires de pays comme la Syrie, l'Irak, l'Afghanistan ou la Somalie. Selon le gouvernement finlandais, les autorités russes les envoient délibérément à la frontière de l'UE et de Schengen afin de créer des troubles. Cela a réussi dans une certaine mesure.
Helsinki a en tout cas réagi rapidement et trop violemment du point de vue des organisations de réfugiés. D'abord en fermant la moitié des points de passage, puis le reste - sauf Raja-Jooseppi.
Mais cela ne bloque pas seulement les demandeurs d'asile, mais aussi tout le trafic frontalier; même pour les personnes ayant de la famille dans l'autre pays et les Russes qui possèdent un visa Schengen. La Finlande entend maintenir ce régime frontalier rigide au moins jusqu'à la veille de Noël.
Le Kremlin a démenti avoir quelque chose à voir avec les réfugiés et accuse le pays voisin de faire preuve d'une attitude hostile en tant que membre de l'Otan. Mais des indices clairs montrent qu'il s'agit bien d'actions concertées de la Russie lorsque des centaines de migrants sans papiers arrivent soudainement à la frontière.
Des témoins oculaires ont rapporté que du côté russe, les réfugiés sont amenés dans des minibus dans la région frontalière ; là, ils reçoivent de petits vélos et parcourent ainsi les dernières centaines de mètres jusqu'au poste-frontière finlandais. Un journal finlandais a découvert que les réfugiés étaient pris en charge dans un hôtel par la police des frontières russe et transportés jusqu'à la frontière.
Le gouverneur de Mourmansk, Andreï Chibis, a fait savoir que 400 migrants étaient bloqués dans sa région. Il a envoyé sur les réseaux sociaux des photos de gens portant des vestes fines et recevant des boissons chaudes dans des tentes des gardes-frontières russes. La Finlande déclenche une «crise humanitaire», a accusé Chibis à l'encontre de son voisin.
Parallèlement, l'armée finlandaise a commencé à élever des clôtures de barbelés dans les forêts afin de sécuriser la frontière. La semaine prochaine, 50 spécialistes de l'agence européenne des frontières Frontex viendront aider à la surveillance des frontières et au traitement des demandes d'asile. On craint un chaos comme celui qui règne depuis 2021 dans les forêts à la frontière avec la Lituanie, la Lettonie et la Pologne, où la Biélorussie amène des milliers de réfugiés.
Ces derniers temps, c'est surtout la Lettonie qui a été mise sous forte pression: les gardes-frontières y tentent quotidiennement d'empêcher les migrants de franchir la frontière pour entrer dans l'UE. Des passeurs proposent des transports vers la Pologne et l'Allemagne contre des sommes importantes. Selon la chaîne de télévision finlandaise Yle, des russophones sont désormais recherchées dans les médias sociaux en Finlande également pour prendre en charge des transports de réfugiés.
Mais les craintes de la Finlande vont encore dans une autre direction. Dans un rapport sur la crise frontalière, le gouvernement écrit que les réfugiés sans papiers peuvent également représenter un risque pour la sécurité, par exemple si des criminels, des extrémistes ou des espions se mêlent aux réfugiés. Un grand nombre de demandeurs d'asile complique les vérifications nécessaires des personnes, a expliqué le service de renseignement finlandais Skypo.
Les populistes de droite, qui font partie du gouvernement depuis juin, sont probablement une autre raison de l'action résolue de la Finlande. Après divers scandales, le parti est en mauvaise posture, mais il peut désormais se profiler si le pays agit fermement contre les demandeurs d'asile.
Adaptation en français: Daphnée Lovas