Vendredi passé à minuit, la Finlande a imposé un blocus: la moitié de ses frontières vers la Russie sont désormais fermées. La raison? Des centaines de réfugiés en provenance du Moyen-Orient et d'Afrique ont profité de ces passages pour entrer dans le pays depuis la Russie.
Beaucoup arrivaient à vélo à travers le paysage hivernal, tous sans documents. Le gouvernement finlandais est convaincu que les demandeurs d'asile ne peuvent pas atteindre seuls les frontières de l'UE et de Schengen.
Le premier ministre Petteri Orpo pointe les autorités russes comme responsables de cet afflux:
Jusqu'à récemment, les autorités russes n'autorisaient pas les personnes sans documents de voyage à franchir la frontière. A présent, c'est le contraire. Les médias finlandais ont interrogé des réfugiés qui affirment avoir été conduits à la frontière par la police russe ou des taxis.
D'autres sont venus à vélo - jusqu'à ce que la Finlande interdise le franchissement de la frontière à deux roues. Les réseaux sociaux diffusent des vidéos en arabe affirmant que la frontière occidentale est ouverte. Des passeurs proposent également une «entrée garantie en Finlande» en échange de 2000 dollars.
Il est pour l'heure difficile de déterminer l'impact de la fermeture de la frontière finlandaise. Le pays de l'UE, qui a une frontière de 1 340 kilomètres avec la Russie, ne veut pas et ne peut pas, pour des raisons humanitaires et juridiques, s'isoler complètement de l'Est. Elle doit rester ouverte aux nombreux travailleurs frontaliers en situation régulière qui ont de la famille dans le pays voisin et un visa Schengen.
Aujourd'hui, les réfugiés ne peuvent plus demander l'asile qu'à deux points de passage, situés à plusieurs centaines de kilomètres au nord. Mais peu de temps après la décision du gouvernement, quelques demandeurs d'asile sont apparus à l'un des deux postes frontière encore autorisés. Encore une fois à vélo.
Le président Sauli Niinistö assure que la Russie utilise cette stratégie pour créer des tensions dans le pays suite à l'adhésion de la Finlande à l'Otan. Les experts parlent d'une guerre hybride visant à créer de l'insécurité. Le Kremlin a déjà utilisé la même méthode et la trouve apparemment toujours efficace.
Pendant la crise des réfugiés de 2015/16, la Russie a autorisé des milliers de personnes à se rendre à la frontière avec la Norvège et la Finlande. Le passage par cette route, considérée comme plus sûre que la route méditerranéenne, a eu des conséquences chaotiques pour les régions peu peuplées du Nord, en raison de l'absence d'infrastructures d'asile.
De la même manière, depuis 2021, la Biélorussie abuse des réfugiés en envoyant des milliers de personnes à la frontière avec la Pologne et la Lituanie. En Finlande, les ONG mettent en garde contre cette évolution dramatique. Le risque? Que les demandeurs d'asile soient rejetés et se retrouvent sans papiers dans un «no man's land» en plein hiver.
Les critiques accusent le gouvernement d'exagérer: après tout, il n'y a pas d'entrées illégales, les réfugiés arrivent à un poste frontière officiel et demandent simplement l'asile.
Mais le gouvernement de centre droit de Petteri Orpo indique clairement qu’il veut réagir rapidement au «phénomène» afin d’éviter une escalade. Il en va de même pour l'Estonie, où, depuis la semaine passée, une douzaine de Somaliens sans papiers originaires de Russie ont tenté de franchir la frontière. Ils ont été renvoyés et le ministre de l'Intérieur, Lauri Länemets, a déclaré que la fermeture des frontières était envisagée.
La Norvège se prépare également à la possibilité que des groupes de réfugiés atteignent le poste-frontière enneigé de Storskog, dans l'extrême nord du pays, comme en 2015. Un Syrien a raconté aux médias finlandais que les gardes-frontières russes avaient conseillé aux réfugiés de tenter d'entrer en Norvège si cela ne fonctionnait pas en Finlande.
Traduit et adapté de l'allemand par Tim Boekholt