Elle était considérée comme l'une des plus redoutables unités de combat de l'armée russe. Rattachée à la flotte du Nord, la 200e brigade motorisée surveillait les missiles nucléaires stockés autour du village de Petchenga, situé à quelques kilomètres de la frontière norvégienne, au nord du cercle polaire arctique.
Ces soldats bénéficiaient d'un équipement et d'un entraînement spéciaux pour les conditions arctiques et étaient souvent les premiers à recevoir les équipements les plus avancés de l'armée. En 2017, la brigade a par exemple reçu en primeur les nouveaux chars T-80BVM à peine sortis des chaînes de montage.
La 200e brigade veillait sur les missiles à Petchenga depuis la guerre froide. Et puis elle a été envoyée en Ukraine - où elle a été décimée. C'est ce qu'affirme le Washington post sur la base de documents internes et d'informations inédites fournies par les renseignements ukrainiens et occidentaux, que le journal a pu consulter.
Revenons à février 2022. La 200e brigade a été parmi les premières unités russes envoyées en Ukraine. Elle a participé à l'assaut de Kharkiv. La deuxième ville du pays était l'un des premiers objectifs de Moscou au début de l'invasion.
Mais les choses tournent mal, les troupes russes rencontrent une résistance plus importante que prévu. La 200e brigade en fait les frais, la tâche qui lui est attribuée s'avère être l'une des plus difficiles de l'invasion:
Résultat: à la fin de la première journée de combats, des dizaines de soldats sont tués ou blessés, beaucoup de véhicules sont détruits ou abandonnés.
Assommée par la résistance des Ukrainiens, la 200e brigade passe les semaines suivantes à repousser d'autres attaques tout en se retranchant dans des positions défensives au nord de Kharkiv. C'est au cours de cette période que le commandant de l'unité, le colonel Denis Kourilo, est grièvement blessé, lorsque son véhicule est frappé.
En mai, la 200e brigade traversait la frontière russe en titubant, cherchant désespérément à se regrouper. A la fin du mois, il restait moins de 900 soldats dans deux groupes tactiques de bataillons qui, selon les responsables occidentaux, avaient quitté la garnison de la brigade en Russie avec plus de 1400 soldats. Parmi les hommes considérés comme «opérationnels», beaucoup étaient hospitalisés ou refusaient de se battre.
La résistance acharnée opposée par les Ukrainiens ne suffit pas à expliquer la défaite de la 200e brigade à Kharkiv. Son destin est emblématique de la conduite de la guerre de Poutine en Ukraine, souligne le média américain. L'unité a souffert des mêmes facteurs qui ont fait dérailler l'invasion russe, censée renverser le gouvernement de Kiev en quelques jours:
A titre d'exemple, les membres de la 200e n'étaient pas au courant du fait qu'ils allaient partir à la guerre. Les troupes, comme d'autres membres de la force d'invasion, ont été amenées à croire qu'elles étaient déployées pour prendre part à des exercices, selon des responsables ukrainiens citant des témoignages de soldats capturés. Ce n'est qu'à 3 heures du matin, le 24 février, qu'on leur a dit:
La brigade a également été entravée par des problèmes qui ont touché d'autres unités russes. Elle manquait de nourriture et de carburant après avoir consommé ou vendu des stocks essentiels dans les semaines précédant l'invasion, selon des responsables.
En outre, la décision de Poutine de garder même les conseillers principaux dans l'ignorance a laissé aux commandants peu de temps pour préparer les troupes, sans parler de la coordination des plans d'attaque avec les autres unités.
Le destin de la 200e brigade rappelle celui du onzième corps d'armée russe, basé dans la région de Kaliningrad. Quelque 12 000 soldats ont été envoyés sur le front. Très peu d'entre eux sont revenus. (asi)