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Russie: Le discours colérique d'un chef d'Etat allié de Poutine

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Le président russe Vladimir Poutine et les dirigeants d'Asie centrale ne regardent plus exclusivement dans la même direction.image: keystone

Poutine clashé en public par un chef d'Etat allié

Les pays d'Asie centrale sont étroitement liés à la Russie, tant sur le plan historique que géographique. Pourtant, l'influence de Vladimir Poutine dans la région diminue. Les raisons sont la guerre en Ukraine, sa propre négligence et la Chine.
20.10.2022, 18:34
Anne-Kathrin Hamilton / watson.de
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La Russie est isolée comme jamais auparavant. La guerre d'agression contre l'Ukraine, contraire au droit international, a mis le pays hors-jeu. La Russie est affaiblie et ses alliés le ressentent également, notamment les Etats post-soviétiques d'Asie centrale.

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Poutine avec les dirigeants des pays d'Asie centrale.image: keystone

«Poutine n'a jamais considéré cette région comme un endroit qu'il pourrait perdre dans un avenir proche», explique Temur Umarov, expert de l'Asie centrale, dans un entretien avec watson. Ce politologue fait des recherches à la Fondation Carnegie pour la paix internationale. Selon lui, la Russie perd de plus en plus d'influence, de confiance et de respect parmi les chefs d'Etat d'Asie centrale.

L'expert de l'Asie centrale, Temur Umarov.
L'expert de l'Asie centrale, Temur Umarov.temur umarov/twitter

L'un d'entre eux, notamment, s'est engouffré dans la brèche et a osé réprimander Poutine en public. Le président du Tadjikistan, Emomalij Rahmon, a donné une leçon à Poutine lors du sommet d'Astana avec un discours emporté et émotionnel.

La guerre en Ukraine a changé la dynamique

Selon l'expert Umarov, l'ambiance a changé depuis la guerre en Ukraine. D'après lui, cela a également été ressenti lors du sommet. Les hommes d'Etat d'Asie centrale ont donné l'impression à l'expert qu'ils prenaient leurs distances par rapport à Poutine. Umarov suppose qu'ils ne souhaitaient pas poser de manière exubérante et amicale aux côtés de Poutine, car cela pourrait ébranler leur réputation au sein de la communauté internationale. D'un autre côté, ils apprécient la grande attention que leur porte désormais Poutine.

Ce qu'en dit l'expert:

«L'intérêt de Poutine pour l'Asie centrale n'avait jamais été aussi grand auparavant. Au cours des six derniers mois, il s'est déjà rendu trois fois dans la région, visitant tous les pays à l'exception du Kirghizstan.»

Les pays d'Asie centrale perçoivent l'isolement et la faiblesse de la Russie comme une opportunité d'atteindre des objectifs qui auraient été inimaginables avant la guerre en Ukraine, estime Umarov. «Certains profitent de la situation pour s'éloigner lentement de la Russie et la remplacer par d'autres alliés», explique le politologue. D'autres, en revanche, posent courageusement des exigences plus élevées à la Russie - comme le président tadjik Rahmon.

Le discours de colère de Rahmon contre le président russe

Rahmon est encore considéré comme l'allié le plus proche de Poutine dans la région, ce qui a rendu ses propos contre le président russe d'autant plus surprenants. «Nous attendons de vous que vous nous respectiez», dit-il d'un ton sévère avant de poursuivre:

«Je vous demande de ne pas traiter les pays d'Asie centrale comme s'ils étaient l'ancienne Union soviétique. Chaque pays a ses propres problèmes, ses propres traditions.»
Russian President Vladimir Putin, left, and Tajikistan's President Emomali Rahmon arrive to attend the Shanghai Cooperation Organization (SCO) summit in Samarkand, Uzbekistan, Friday, Sept. 16, 2 ...
Poutine avec le président tadjik Emomalij Rahmon: ce dernier choisit des mots inhabituellement intransigeants dans un discours.image: keystone

Rahmon s'adresse directement à Poutine et déclare que le Tadjikistan et d'autres pays de l'immense région ont été traités comme des outsiders. Il laisse entendre que la région mériterait davantage d'investissements de la part de Moscou.

Poutine semble visiblement tendu alors que Rahmon lui fait la leçon devant les dirigeants du Kazakhstan, du Kirghizstan, du Turkménistan et de l'Ouzbékistan.

Selon Umarov, ce discours ne doit pas être mal interprété. Il n'y voit pas le signe que Poutine perd le Tadjikistan comme allié le plus proche. Rahmon semble poursuivre un autre objectif.

Ce qu'en dit Umarov:

«Il s'agit d'une tentative pragmatique de Rahmon d'exploiter la faiblesse de la Russie afin d'en tirer plus de profit pour lui-même. En d'autres termes, exiger plus de Poutine.»

Rahmon se sent libre de critiquer publiquement la politique de la Russie en Asie centrale. Selon Umarov, il a de bonnes relations avec Poutine. De plus, Rahmon est le dernier homme d'Etat à diriger son pays depuis l'époque soviétique. C'est pourquoi, selon Umarov, il se sent privilégié de prononcer ces mots durs à l'égard de Poutine.

Le Tadjikistan veut être récompensé pour sa fidélité

C'est une question d'argent et de sécurité. Selon Umarov, Rahmon exige davantage d'investissements russes dans son pays. «En outre, il veut que la Russie s'engage davantage pour la stabilisation et la sécurité du Tadjikistan», indique l'expert. Il s'agirait également de la sécurisation de la frontière avec l'Afghanistan et de la préoccupation de Rahmon face aux talibans.

«L'Asie centrale ne considère pas la Russie comme un partenaire stable»

Selon Umarov, la «base militaire 201» russe au Tadjikistan n'est plus aussi bien équipée qu'auparavant. Le nombre de soldats russes diminue drastiquement. «Avant la guerre en Ukraine, 6000 Russes y étaient stationnés. Selon les médias, ce nombre a diminué de moitié», dit-il. L'attention de la Russie est entièrement tournée vers la guerre en Ukraine.

Umarov continue:

«Rahmon comprend que le prestige de l'armée russe a baissé, et avec lui la promesse de sécurité de Poutine. Il se demande si la Russie est encore en mesure de protéger le Tadjikistan en cas d'urgence.»

La Russie n'a jamais donné la priorité à l'Asie centrale dans sa politique étrangère, mais en même temps, Poutine ne s'attendait pas à ce que cette région se rebelle un jour. Selon Umarov, Poutine était certain que la région avait besoin de la Russie. Mais la donne a changé. «L'Asie centrale ne considère pas la Russie comme un partenaire stable», estime Umarov.

«Selon les mots de Rahmon, ils souhaitent le même engagement que celui de Poutine dans les pays africains par exemple»

L'engagement de la Russie en Afrique est plus important que celui en Asie centrale, affirme Umarov. Selon lui, il y a là une bonne opportunité pour la Russie de lutter avec d'autres pays pour l'influence et les ressources. En Asie centrale, Poutine a supposé que la Russie occupait une «position isolée». Mais la Chine est arrivée.

La Chine, nouveau partenaire de l'Asie centrale

La Chine reconnaît le potentiel de l'Asie centrale et l'exploite. Le projet chinois «la Ceinture et la Route» doit par exemple relier les pays d'Asie centrale à l'économie mondiale. Le président chinois Xi Jinping rêve d'une «route de la soie» moderne pour relier le monde entier à l'économie.

L'Asie centrale en profite, grâce aux investissements chinois. Selon Umarov, cela fait de l'ombre à la Russie. Il précise que c'est surtout le Kazakhstan qui en fait les frais.

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Xi Jinping voit un potentiel en Asie centrale et accroît son influence grâce à des investissements.image: keystone

Le Kazakhstan est l'enfant perdu de la Russie

Selon l'expert, le Kazakhstan tente de se détacher de la Russie chaque fois que cela est possible. Il compte pour cela sur le soutien d'autres pays comme la Chine. Le président kazakh Kassym-Shomart Tokaev a annoncé qu'il ne soutenait pas la guerre de la Russie.

«Cela montre aussi qu'il doit être sûr de sa position de président. Autrement dit, qu'il ne s'attend pas à des soulèvements comme ceux de janvier», estime Umarov. A l'époque, Tokaev comptait encore sur le soutien de Poutine pour stabiliser la situation. Mais aujourd'hui, les choses ont changé.

La Russie doit en faire plus en Asie centrale

Selon Umarov, la Russie a manqué pendant des décennies les opportunités offertes par l'Asie centrale. Poutine comprend désormais qu'il doit accorder plus d'attention à la région avant que ces pays post-soviétiques ne se transforment en partenaires proactifs. La rébellion de l'Asie centrale signifie pour la Russie qu'elle doit consacrer plus de temps, d'énergie et de ressources pour assurer sa position dans la région.

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Malgré une poignée de main, le Kazakhstan du président Kassym-Shomart Tokaev ne soutient pas la guerre russe en Ukraine.image: keystone

Umarov résume:

«Poutine va essayer d'améliorer son image en Asie centrale. Montrer que la Russie est un pays qui ne se contente pas de faire pression, mais qui donne aussi quelque chose en retour.»
A propos de l'expert
Temur Umarov est expert en politique intérieure et extérieure des pays d'Asie centrale à la Fondation Carnegie pour la paix internationale à Washington, D.C. Ce natif d'Ouzbékistan étudie également les relations entre la Russie et la Chine avec les pays d'Asie centrale. Umarov a étudié à Pékin et à Moscou.

(traduction par sas)

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