International
Russie

Vladimir Makeï: sa «mort étrange» arrange Poutine

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko lors de la cérémonie d'adieu à son ministre des Affaires étrangères, Vladimir Makeï, décédé le 26 novembre 2022.
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko lors de la cérémonie d'adieu à son ministre des Affaires étrangères, Vladimir Makeï, décédé le 26 novembre 2022.image: keystone

La «mort étrange» de ce ministre biélorusse arrange bien Poutine

Si les circonstances du décès de Vladimir Makeï, l'une des personnalités les plus influentes du régime de Biélorussie, sont encore peu claires, les plus suspicieux se tournent déjà du côté de Moscou.
29.11.2022, 18:4329.11.2022, 18:53
Suivez-moi
Plus de «International»

«Le ministre biélorusse des Affaires étrangères Vladimir Makeï est décédé subitement.» Le communiqué de l'agence de presse nationale Belta tombe samedi après-midi. Une simple phrase, vague, laconique, loin d'apporter les réponses à la disparition brutale du diplomate de 64 ans auquel on ne connait pas de maladie chronique. Bien au contraire.

Une mort qui n'était pas au programme

La veille encore, Vladimir Makeï mène une entrevue avec un émissaire du pape sans «montrer aucun signe de faiblesse». Selon les rumeurs, les deux hommes auraient même échangé d'un «plan de paix secret» pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

Le lendemain, le diplomate projette de se rendre au théâtre pour assister à une pièce mise en scène par son épouse. Et finalement, ce lundi, au sommet de l'agenda du ministre: une réunion de négociation avec son homologue russe Sergueï Lavrov. Bref, son décès est une «surprise totale».

Une «mort étrange» juge pour sa part l'animateur Sergey Mardan sur une chaîne russe pro-guerre. Seul le média indépendant biélorusse Nasha Niva ose avancer que Vladimir Makeï serait mort d’un arrêt cardiaque. Aucun communiqué officiel n'est encore venu confirmer cette information. Un silence qui alimente les théories de ceux qui voient la main de Moscou derrière cette mort soudaine.

FILE - In this photo released by the Russian Foreign Ministry Press Service, Belarusian President Alexander Lukashenko, and Belarusian Foreign Minister Vladimir Makei, left, attend the meeting of the  ...
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko (au premier plan) a exprimé ses condoléances à la famille de Vladimir Makeï (au fond) dans la foulée.Image: AP Russian Foreign Ministry Pres

L'«irritant» Vladimir Makeï

Si l'on peut affirmer quelque chose du disparu, c'est qu'il est loin d'être l'élément le plus pro-russe du gouvernement du président Alexandre Loukashenko, connu pour sa déférence à Vladimir Poutine. Dans le paysage politique biélorusse, Makeï fait plutôt office de personnage à part.

epa08214817 Swiss Federal Councillor and Foreign Minister Ignazio Cassis (R) cheers with Belarusian Foreign Minister Vladimir Makei (L) during the opening ceremony of the Swiss embassy in Minsk, Belar ...
Makeï avec le conseiller fédéral Ignazio Cassis, durant l'ouverture de l'ambassade de Suisse à Minsk. Selon les experts, le diplomate était le chouchou de l'Occident pour succéder à Loukachenko à la tête du pays. Image: EPA

Le ministre des Affaires étrangères de Biélorussie, en poste depuis 2012, est considéré comme la seule voie de communication importante avec l'Occident, avec lequel il tente jusqu'au bout de maintenir le dialogue. Sans oublier qu'il doit, en parallèle, préserver les liens avec Moscou.

Une stratégie d'équilibriste loin d'être gagnée: on dit que Makeï entretient de très mauvaises relations avec la direction du KGB. Quitte à s'attirer les foudres de Moscou, son ministère ne reconnaîtra jamais les «républiques populaires» de Donetsk et de Louhansk.

En février, quelques semaines avant l'offensive, l'«irritant» Makeï enfonce le clou en s'opposant à l'implication de la Biélorussie dans l'invasion de l'Ukraine. Il jure que «pas un seul» soldat russe ne restera en Biélorussie, suite à des manœuvres conjointes avec Moscou à la frontière ukrainienne.

«Le Kremlin voyait en lui un opposant à l'alignement [biélorusse] sur Moscou»
Arnaud Dubien, directeur de l'Observatoire franco-russe à Moscou, sur Twitter

La Biélorussie n'en reste pas moins dans une position délicate, entre volonté de ne pas s'impliquer directement dans le conflit et pressions de Vladimir Poutine, auquel Alexandre Loukachenko doit sa réélection en 2020.

Pour sa part, Makeï joue sur les deux tableaux. En septembre, lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'Organisation des nations unies (ONU), il soutient sans ambiguïté son allié russe contre les ...
Pour sa part, Makeï joue sur les deux tableaux. En septembre, lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'Organisation des nations unies (ONU), il soutient sans ambiguïté son allié russe contre les Occidentaux.Image: sda
«Nous avons des obligations alliées, et nous suivons fermement et continuerons de suivre l'esprit et la lettre des traités internationaux»
Vladimir Makeï, le 24 septembre 2022

Avec Vladimir Makeï, la Biélorussie perd son principal atout pour se détacher de la Russie et conserver son indépendance. Désormais, «elle sera probablement bientôt obligée de participer directement à la guerre contre l’Ukraine», pronostique le journaliste russe Aleksandr Nevzorov sur sa chaîne Telegram.

Un avis partagé par le conseiller du ministre de l'Intérieur ukrainien Anton Gerashchenko qui voit, avec cette mort, les «changements politiques s'accélérer à Minsk». Pas avare de propagande, il évoque carrément des «rumeurs selon lesquelles il aurait été empoisonné» sur Twitter.

Un possible empoisonnement?

La question se pose, inévitablement: cette mort qui arrange si bien les affaires de Moscou est-elle donc naturelle?

Pour les opposants russes et biélorusses, la réponse est claire. La disparition de Makeï intervient au moment où le Kremlin a le plus besoin du soutien, y compris logistique et militaire, de la Biélorussie.

«Poutine a voulu lui montrer comment il règle ce genre de problèmes»
Viktor Nebojenko

Du côté de Kiev, on y voit un signal clair adressé à Loukachenko, qui serait de plus en plus réticent à entraîner son pays dans la guerre.

Il se chuchote à Minsk que le président biélorusse réputé pour sa paranoïa aurait déjà ordonné le remplacement de tous ces cuisiniers, gardes du corps et personnels de service. Sa sécurité et celle de ses enfants a été renforcée. «On ne sait si c’est vrai. Mais lorsqu’on s’allie avec des criminels et des terroristes, c’est la moindre des précautions», conclut l'essayiste Anatolyï Nesmian.

Les coupures de courant en Ukraine visibles depuis l'espace
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Une proche de Trump veut faire destituer le chef du Congrès
La parlementaire, très proche de Donald Trump, veut à tout prix évincer le responsable du Congrès américain, en raison de son soutien à l'aide américaine à l'Ukraine.

Une élue de la droite dure américaine, Marjorie Taylor Greene, a formellement déclenché mercredi une motion vouée à l'échec pour destituer le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson.

L’article