La mobilisation partielle déclarée par Vladimir Poutine, mercredi dernier, ne se déroule de toute vraisemblance pas, selon les plans. Des milliers de Russes en âge de se battre ont fui le pays, les protestations et les incidents dans les centres de recrutement se multiplient, et de plus en plus de citoyens sont enrôlés de force.
Les choses ne se passent pas beaucoup mieux pour ceux qui ont été effectivement mobilisés: de plus en plus d'images circulant sur les réseaux sociaux témoignent d'une situation logistique extrêmement chaotique.
Dernier exemple en date, une vidéo, tournée jeudi, qui montre des hommes regroupés dans un terrain vague à la lisière d'une zone industrielle. Un peu de neige couvre l'herbe et il fait visiblement froid. Il s'agit de soldats fraîchement mobilisés, qui se plaignent d'avoir été abandonnés sur le terrain sans tentes ni nourriture. Ils n'ont avec eux que leurs bagages. L'un d'eux déclare:
La situation semble totalement désespérée, à en croire ce soldat:
Mark Krutov, journaliste à Radio Free Europe, est parvenu à identifier l'endroit où cette scène a été tournée. En s'appuyant sur le peu de bâtiments visibles dans la vidéo, qu'il a croisés avec des images satellites, Krutov a établi qu'il s'agit du 473e centre d'entraînement de district (numéro d'unité militaire 31612), situé à Poroshino, dans la région de Sverdlovsk.
Une fois l'emplacement identifié, Mark Krutov a continué de creuser et a trouvé d'autres informations, explique-t-il dans un thread Twitter.
L'endroit où les mobilisés ont été déposés du bus est connu parmi les soldats comme «la vallée de la mort». Les hommes de la vidéo ont été amenés là depuis Berezniki, que Krutov décrit comme «l'une des villes les plus dépressives de toute la Russie». Située dans la région de Perm, cette ville industrielle est lentement détruite par la mine de potassium locale depuis plusieurs décennies, assure le journaliste.
L'homme qui a filmé la vidéo est un médecin local bien connu à Berezniki. Il est anesthésiste-réanimateur, probablement le seul de la ville. Son acte n'a pas été sans risques: les auteurs des images ont été menacés de poursuites pénales, avant même que quelqu'un ne commence à résoudre leur problème, rapportent les médias locaux.
Le journaliste a mis la main sur des photos montrant d'autres hommes mobilisés dans la même unité: ils sont entassés dans un auditorium, ce qui pourrait expliquer pourquoi les nouveaux arrivants ont été parqués au milieu de nulle part.
Les mobilisés ont finalement été autorisés à pénétrer dans les locaux de l'unité et à voir leurs baraquements, poursuit Mark Krutov. Cette situation montre, à nouveau, que la Russie n'est pas prête pour la mobilisation en termes de logistique. (asi)