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Ukraine: dupé par les recruteurs de Poutine, il raconte

Kenyan national Evans Kibet (2nd-L), captured while fighting for Russian forces on the Ukrainian front, has his lunch at a detention center for Russian POWs in western Ukraine on November 26, 2025, am ...
Evans Kibet dans sa prison ukrainienne. 26 novembre 2025Image: AFP

«Ces types sont malins»: dupé par les recruteurs de Poutine, il raconte

Aujourd'hui prisonnier en Ukraine, Evans Kibet, Kényan d'une trentaine d'années, était parti en Russie pour un événement sportif. Il s'est retrouvé soldat au front, côté russe. Il raconte sa terrible aventure.
04.12.2025, 05:3704.12.2025, 05:37
Florent Vergnes en Ukraine, avec Aileen KimutaiI et Joris Fioriti à Nairobi, afp

Adossé à une paillasse de prison, Evans Kibet a les traits tirés et les yeux rouges. Ce Kényan qui rêvait de devenir athlète de haut niveau s'est retrouvé soldat de Moscou sur le front ukrainien, bien malgré lui assure-t-il. Il est présenté par Kiev comme le symbole de l'engagement de ressortissants africains aux côtés de la Russie, alors que des centaines d'entre eux combattraient en Ukraine depuis l'invasion du pays par Moscou en 2022.

Evans Kibet, la trentaine, a été capturé près de Vovtchansk, dans la région de Kharkiv (nord-est), selon une vidéo publiée en septembre par la 57e brigade d'infanterie motorisée. Coureur depuis l'adolescence, l'homme dit s'être rendu en Russie pour un événement sportif en marge d'un festival culturel.

Alors qu'il envisageait de s'installer dans le pays, on lui propose un emploi présenté comme «gardien de bâtiment» et il signe un contrat rédigé en russe, langue qu'il ne pouvait «ni écrire ni lire».

Russian prisoners of war are pictured at a detention center for Russian POWs in western Ukraine on November 26, 2025, amid the Russian invasion of Ukraine. Since Russia invaded Ukraine in 2022, many r ...
La cour de la prison où le Kenyan est incarcéré.Image: AFP

Une fois fait, il est envoyé s'entraîner pour d'être déployé au front. «Lorsqu'ils m'ont emmené dans un camp, c'est là que j'ai compris qu'il s'agissait d'un contrat militaire», raconte-t-il.

«Ils ne vous forcent pas. C'est juste que ces types sont malins, ils savent que vous signerez»
Evans Kibet

Il assure être parti en Russie avec quatre compatriotes, dont il n'a plus de nouvelles depuis son déploiement.

Cauchemars du front

Son expérience au combat, Evans Kibet ne veut pas l'aborder, «fatigué par les souvenirs» et hanté par des cauchemars ramenés du front. Il raconte néanmoins sa reddition: après «trois jours dans la forêt», épuisé et perdu, il abandonne son arme et se dirige vers des tirs, sans savoir s'ils sont ukrainiens ou russes.

Kenyan national Evans Kibet, captured while fighting for Russian forces on the Ukrainian front, has his lunch at a detention center for Russian POWs in western Ukraine on November 26, 2025, amid the R ...
Evans Kibet à la cantine de la prison.Image: AFP

En novembre, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué ces recrutements «frauduleux» avec son homologue kényan William Ruto. Selon Kiev, 1426 ressortissants de 36 pays africains ont été identifiés dans les rangs russes, mais le chiffre des combattants pourrait être bien plus élevé.

3500 euros et la nationalité russe

Dans la même prison, l'AFP a rencontré des détenus togolais, camerounais et nigérians. En avril, le Togo avait mis en garde ses citoyens contre les promesses de bourses en Russie, après la capture d'un de ses ressortissants sur le front. Des familles camerounaises ont aussi confié à l'AFP leurs inquiétudes après le départ de proches attirés par la promesse de 3500 euros et la nationalité russe.

En novembre, dix-sept Sud-Africains ont demandé «assistance pour rentrer chez eux», a indiqué la présidence sud-africaine, rappelant qu'il est interdit à ses citoyens de rejoindre des armées étrangères.

Femmes africaines recrutées

Outre les hommes envoyés au front, des femmes africaines sont également recrutées par la Russie avec la promesse de contrats lucratifs, pour finir dans des usines fabriquant des drones, selon plusieurs enquêtes.

Au Kenya, les proches d'Evans Kibet décrivent un homme «humble», bon athlète qui n'a jamais percé, issu d'une famille très pauvre qu'il tentait d'aider. Son frère, Isaac Kipyego Masai, 32 ans, se souvient:

«Depuis cinq ou six ans, il s'entraînait tous les jours dans l'espoir de pouvoir courir à l'étranger»
Isaac Kipyego Masai

Dans son pays, Evans Kibet a été condamné à 15 ans de prison pour tentative de meurtre, mais dans une décision datant de mars 2019, la justice kényane a reconnu que son procès n'a pas été équitable. Sa famille affirme qu’il n’a passé qu’un an en détention.

Russian prisoners of war make a garden furniture in a workshop at a detention center for Russian POWs in western Ukraine on November 26, 2025, amid the Russian invasion of Ukraine. Since Russia invade ...
Des prisonniers russes où Evans Kibet est incarcéré fabrique du mobilier de jardin.Image: AFP

Evans Kibet espère rentrer au Kenya si «la guerre s'arrête rapidement, même s'il n'a pas «beaucoup d'espoir».

«Pour les Russes, c'est facile parce qu'ils font des échanges. Mais pas pour nous, les étrangers»
Evans Kibet

Les échanges de prisonniers sont l'un des rares domaines où Moscou et Kiev continuent de coopérer.

Les détenus peuvent rester en captivité des «années ou des mois», selon Petro Iatsenko, porte-parole du centre ukrainien pour les prisonniers de guerre.

«Parfois, je me dis: "Pourquoi suis-je ici?" Parfois, je me dis: "Dieu m'a sauvé la vie"»
Evans Kibet

Des ressortissants de nombreux pays combattent dans les armées respectives des deux belligérants dans cette guerre, les Russes ayant déclaré avoir notamment arrêté ces dernières années des Colombiens, des Britanniques, des Américains et des Australiens.

Moscou a aussi fait appel à des milliers de combattants nord-coréens dans la région russe de Koursk pour repousser les troupes ukrainiennes qui y avaient mené une offensive à partir d'août 2024.

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Un bâtiment en flammes après un bombardement russe, Kiev.
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- Attaques de drones Sea Baby contre des pétroliers de la flotte fantôme russe
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