Après Facebook ou Twitter, les Russes devront se passer désormais d'un autre réseau social symbolique: Instagram.
Le puissant comité d'enquête de Russie vient également d'annoncer engager des poursuites contre Meta pour «appel au meurtre» de Russes. Il faut dire que la maison mère d'Instagram et de Facebook a assoupli son règlement sur les messages violents destinés à l'armée et aux dirigeants russes.
L'organisation a précisé lancer ces investigations «du fait des appels illégaux au meurtre de ressortissants russes de la part des collaborateurs de la société américaine Meta».
Et d'après le bureau du procureur général, «des contenus distribués sur Instagram contiennent des appels à commettre des actes violents contre les citoyens de Russie, y compris du personnel militaire».
La Russie avait déjà bloqué Facebook sur son territoire la semaine dernière en représailles à la décision du groupe californien d'interdire des médias proches du pouvoir (dont la chaîne RT et le site Sputnik) en Europe.
Les sites ou applications à l'accès limité deviennent généralement largement inaccessibles. C'est déjà le cas de Twitter, visé par cette même mesure de restriction après le déclenchement de l'opération militaire en Ukraine, le 24 février.
Le géant des réseaux sociaux a justifié jeudi sa décision d'accorder des exceptions à son règlement sur l'incitation à la violence et à la haine, en ne supprimant pas certains messages hostiles à l'armée et aux dirigeants russes.
Selon Reuters, l'exception temporaire au règlement s'applique également à l'Arménie, l'Azerbaïdjan, l'Estonie, la Géorgie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Slovaquie et l'Ukraine.
«En raison de l'invasion russe de l'Ukraine, nous faisons preuve d'indulgence pour des formes d'expression politique qui enfreindraient normalement nos règles sur les discours violents telles que 'mort aux envahisseurs russes'», a confirmé à l'AFP Andy Stone, responsable de la communication de Meta. Toutefois, il a précisé que:
Ce n'est pas la première fois que le groupe de Mark Zuckerberg tolère ce genre de publications même si les exemples sont rares: en juin 2021, le réseau avait ainsi autorisé pendant deux semaines des messages d'opposants iraniens appelant à la mort de l'ayatollah Ali Khamenei.
Emerson Brooking, spécialiste américain de la désinformation en ligne contacté par l'AFP explique ainsi les exceptions autorisées par Meta: selon lui, elles représentent une tentative de s'adapter à une situation extrêmement mouvante et tendue.
«Facebook essaie d'écrire des règles de guerre en temps réel. La guerre et la violence sont liées de manière inextricable, il est impossible de les séparer.»
Il reconnaît qu'il existe un risque de débordement qui pourrait nuire à la population russe, au-delà de ses seuls militaires et dirigeants politiques.
«On observe à travers l'histoire que les actions violentes d'un pays contre un autre mènent à des appels à la violence, à l'intolérance ou à la haine contre les étrangers associés au pays agresseur».
L'application Instagram est extrêmement populaire auprès de la jeunesse russe. Surtout, elle est aussi devenue un outil de vente en ligne crucial pour de nombreuses petites et moyennes entreprises russes, ainsi que des artistes et artisans, qui dépendent de leur visibilité sur cette plateforme pour vivre.
Seulement 7,5 millions de Russes utilisaient Facebook en 2021, soit 7,3% des internautes du pays, contre 51 millions pour Instagram, selon le cabinet spécialisé eMarketer.
Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU s'est de son côté inquiété vendredi de cette décision de l'entreprise américaine. Sa porte-parole, Elizabeth Throssell, s'en est inquiétée lors d'un briefing de presse à Genève:
Le flou qui entoure cette annonce «pourrait certainement contribuer à des discours haineux dirigés contre des Russes en général», a-t-elle précisé.
Meta n'a pas réagi à une sollicitation de l'AFP vendredi (mbr/ats)