On dit que le poison serait l'arme préférée des services secrets russes (FSB). Une nouvelle victime s'est ajoutée à leur liste et c'est l'une des personnes les plus riches du monde: Roman Abramovich.
En effet, le propriétaire du club de football de Chelsea, à la tête d'une fortune estimée à 6,7 milliards de francs suisses, semble avoir fait les frais des espions du Kremlin.
«Roman Abramovich et les négociateurs de paix ukrainiens probablement empoisonnés», titre le Wall Street Journal le 28 mars dernier. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre et watson l'a également relayée.
Des «personnes proches de cette affaire» auraient raconté au Wall Street Journal et à la plateforme d'investigation Bellingcat qu'Abramovich, l'homme politique ukrainien Rustem Umjerow, ainsi qu'une autre personne, auraient présentées des symptômes d'empoisonnement après une réunion pour des négociations de paix, à Kiev, les 3 et 4 mars. Pourtant, ces trois personnes auraient ingéré seulement du chocolat et bu exclusivement de l'eau.
Quels sont leurs symptômes? Selon le Wall Street Journal, les trois personnes ont eu les yeux rougis, constamment douloureux et larmoyants. Elles auraient aussi souffert de problème de peau avec le visage et les mains qui pèlent. Selon les sources, Roman Abramovich aurait même été complètement aveugle pendant quelques heures.
Les victimes présumées de l'empoisonnement auraient été traitées en Turquie, par la suite. Leur état s'est nettement amélioré, ont assuré ses sources anonymes au Wall Street Journal.
Objectif: saboter les négociations de paix, comme le soupçonnent les sources du Wall Street Journal.
Dès le 28 mars, Rustem Umjerow réagit aux rumeurs en répondant sur Facebook et Twitter:
I’m fine. This is my response to all the yellow news spreading around.
— Rustem Umerov (@rustem_umerov) March 28, 2022
Please do not trust any unverified information. We have an informational war ongoing as well.
Stay safe. Slava Ukraini! 🇺🇦
Le Wall Street Journal a entre-temps ajouté le démenti dans son article.
Lundi, le négociateur ukrainien Mychaïlo Podoliak a déclaré que tous les membres des groupes de négociation travaillaient normalement, il ajoute:
Un fonctionnaire du bureau du président ukrainien, Ihor Sovkwa, a expliqué à la BBC qu'il n'avait pas parlé à au propriétaire de Chelsea, mais qu'un membre de la délégation ukrainienne avait déclaré que l'histoire était «fausse».
En tout cas, Roman Abramovich et le Kremlin n'ont pas encore fait de déclarations publiques sur une éventuelle attaque toxique.
Cet incident met, toutefois, en lumière le rôle supposé de l'oligarque russe en tant que médiateur entre l'Ukraine et la Russie. En effet, le milliardaire ayant une mère ukrainienne, qu'il se prête à ce rôle, serait tout à fait envisageable. Dimanche, c'est au tour du président ukrainien Volodymyr Zelensky de confirmer que Roman Abramovitch lui avait proposé son aide pour apaiser les relations entre les deux pays.
Des sources anonymes ont expliqué au Wall Street Journal que le propriétaire de Chelsea aurait aussi participé aux négociations de paix peu après le début de l'invasion russe en Ukraine le 24 février.
Fin février, l'oligarque aurait été aperçu en Biélorussie lors des premières discussions officielles entre Kiev et Moscou. Le Kremlin a confirmé qu'Abramovitch avait bien joué un rôle dans les premiers pourparlers de paix.
Malgré son empoisonnement présumé, il serait toujours prêt à participer aux pourparlers de paix, a déclaré «une personne proche de lui» au Wall Street Journal.
Ainsi, le multimilliardaire se trouve, depuis lundi, à Istanbul, où il participe aux premiers pourparlers de paix menés par le président turc Recep Tayyip Erdoğan. Le propriétaire de Chelsea jouerait un rôle de médiateur officieux, comme l'écrit le Mail Online. Fait notable, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba aurait demandé à la délégation ukrainienne de ne rien manger, boire, voire de toucher les objets.
L'enquête sur l'empoisonnement présumé de Roman Abramovich a été effectuée par le célèbre journaliste Christo Grosev, membre du collectif de journalistes d'investigation nommé Bellingcat. Ce groupe de journalistes internationaux a notamment fait parler de lui en recueillant et en épluchant les indices de l'implication du Kremlin dans l'empoisonnement de l'opposant russe Alexeï Navalny en 2020.
Le journaliste aurait eu accès à des images prises après l'empoissonnement, mais n'aurait pas pu examiner les personnes concernées. Mais il est convaincu d'une chose: «le poison n'était pas destiné à tuer, mais seulement à servir d'avertissement», explique-t-il dans le Wall Street Journal.
Dans un fil de discussion sur Twitter, Christo Grozev détaille ses recherches:
Follow this breaking thread. https://t.co/NNZTwFUBBZ
— Christo Grozev (@christogrozev) March 28, 2022
A noter que selon d'autres experts occidentaux, il est difficile de déterminer si les symptômes ont été causés par un agent chimique ou biologique. Cet empoisonnement pourrait aussi être une attaque par rayonnement électromagnétique, comme l'ont ajouté des sources anonymes au Wall Street Journal.
Les rumeurs vont bon train, même si un fonctionnaire américain non identifié, cité par l'agence de presse Reuters, a déclaré que les symptômes des hommes étaient dus à des «facteurs environnementaux» et non à une intoxication.
L'expert en sécurité de la BBC, Frank Gardner, souligne, toutefois, qu'il ne serait guère surprenant que les Etats-Unis relativisent les soupçons d'empoisonnement russe en Ukraine. En effet, si cette hypothèse devait se confirmer, l'Occident pourrait être contraint de prendre de nouvelles sanctions.
Rappelons que Roman Abramovich a été sanctionné par l'UE et le Royaume-Uni pour ses liens avec Poutine. Il a décidé dès lors de revendre son club de football de Chelsea.