Officiellement, 229 528 personnes ont perdu la vie à cause du Covid-19 en Russie. Il s'agit du bilan le plus lourd en Europe. Mais selon le démographe indépendant Alexey Raksha, ce chiffre est beaucoup trop bas: d'après ses calculs, le coronavirus a tué au moins 750 000 personnes dans son pays.
Ces derniers temps, le nombre de cas et de décès a explosé. En l'espace de 24 heures, plus de 37 000 nouvelles infections et 1075 décès ont été comptabilisés. Des chiffres énormes, mais qui ne reflètent pas la réalité, selon Raksha:
Les propos du démographe n'ont pas été sans conséquence: l'année passée, il a été licencié par l'agence de statistiques Rosstat après avoir mis en doute le bilan officiel de la pandémie.
Comment expliquer la différence entre les estimations du chercheur et les chiffres du gouvernement? Ces derniers excluent de nombreux décès de patients atteints du Covid-19 morts à cause d'un autre facteur, comme une insuffisance cardiaque. Mais selon plusieurs scientifiques, le problème se situe ailleurs: «Les autorités ne font qu'inventer des chiffres, littéralement», estime Alexey Raksha.
L'analyste indépendant et biologiste Alexei Kouprianov ne fait pas non plus confiance aux statistiques officielles. «Les données (pour la Russie) ne sont absolument pas fiables», a-t-il déclaré au Washington Post. En 2020, Kouprianov a mis en place un groupe d'experts sur les réseaux sociaux pour se faire une idée plus précise de l'impact de la pandémie. Peu de temps après, il a perdu son emploi à l'Ecole supérieure d'économie de Saint-Pétersbourg.
L'économiste et experte en analyse de données Tatiana Mikhailova a connu un destin similaire. Employée à l'Académie russe de l'économie nationale, elle a découvert que des rapports sur les chiffres du Covid dans plusieurs régions russes recouraient à une ruse pour revoir à la baisse le nombre d'infections et, par conséquent, cacher la flambée des cas.
Après avoir rendu ses découvertes publiques, elle a perdu son emploi. L'Académie lui avait interdit de donner des interviews et, sous la pression de son supérieur, Tatiana Mikhailova a fini par démissionner.
Mais pourquoi les autorités russes mentiraient-elles au sujet de l'impact de la pandémie? Selon plusieurs scientifiques, cela serait lié aux objectifs politiques du Kremlin, qui ne tolère aucune critique de sa gestion de la crise.
Les autorités russes ont souligné à plusieurs reprises qu'elles maîtrisaient mieux la pandémie que de nombreux pays occidentaux. La vérité semble plus sombre: avec trois personnes sur dix entièrement vaccinées, le taux de vaccination de la Russie est l'un des plus faibles au monde. (traduit et adapté par asi)