«Pas de retour en arrière possible», scandaient tôt, ce mardi, les Soudanais dans la rue après l'arrestation de la quasi-totalité des dirigeants civils par les militaires avec lesquels ils partageaient le pouvoir. Le coup d'Etat a été condamné à l'étranger.
Entre lundi et mardi, le coup d'Etat a suivi son cours:
La rue, elle, a déclaré «la grève générale» et la «désobéissance civile» à des nouvelles autorités jusqu'ici incarnées par un seul homme, le général Abdel Fattah al-Burhane (ici en image 👇), qui a promis un gouvernement «compétent» pour bientôt, mais dont le coup de force a suspendu de fait une transition inédite dans un pays resté sous la férule de l'armée quasiment en continu depuis son indépendance.
Sous une nuée de drapeaux, des milliers de Soudanais campaient dans les rues de Khartoum, sortis lundi et mardi matin, tandis que tous se demandaient où allait le pays, alors sans internet ni appels téléphoniques.
Pour ceux-là, il s'agit de «sauver» la «révolution» qui a renversé le dictateur Omar el-Béchir, en 2019, au prix d'une répression qui avait fait plus de 200 morts. Selon un syndicat de médecins pro-démocratie, depuis ce lundi:
«Le peuple a choisi un Etat civil» et «non un pouvoir militaire», martèlent malgré tout les manifestants à Khartoum, coupant les routes avec des pneus brûlés, des amas de pierres et autres barricades (ici en image 👇), notamment aux abords du QG de l'armée, place forte du centre de Khartoum murée depuis des jours par l'armée.
Washington a réclamé un «rétablissement immédiat» des autorités de transition qui devaient mener le pays d'Afrique de l'Est, l'un des plus pauvres au monde, à ses premières élections libres après trois décennies de dictature d'Omar el-Béchir.
Pour tenter une pression supplémentaire, Washington, dont l'émissaire Jeffrey Feltman rencontrait le général Abdel Fattah al-Burhane et le premier ministre Abdallah Hamdok (c'est lui en image 👇) encore dimanche à Khartoum, a annoncé «suspendre» une aide de 700 millions de dollars consacrée à la transition démocratique.
Parce que, pour manifestants et experts, la perspective d'un retour au règne sans partage des militaires est désormais de plus en plus réaliste, le Conseil de sécurité de l'Organisation des nations unies (ONU) tiendra, mardi après-midi, une réunion d'urgence à huis clos.
Toutefois, le récent ballet diplomatique à Khartoum et les multiples appels à la libération immédiate des responsables arrêtés au petit matin n'y ont rien fait.
Seul Moscou a vu, dans le coup d'Etat, «le résultat logique d'une politique ratée» accompagnée d'«une ingérence étrangère d'ampleur», dans un pays où Russes, Turcs, Américains ou encore Saoudiens se disputent l'influence notamment sur les ports de la mer Rouge, stratégiques pour leurs flottes dans la région.
Le processus démocratique initié avec la chute de al-Béchir, dont les Soudanais se targuaient dans un monde arabe où les révoltes pro-démocratie des dernières années ont peu à peu laissé la place aux islamistes ou à des contre-révolutions autoritaires, battait de l'aile depuis longtemps.
Pour Jonas Horner, chercheur à l'International Crisis Group:
D'ailleurs, semblant déjà redouter le pire, le bureau du premier ministre Hamdok a averti, lundi, que les autorités militaires portaient «l'entière responsabilité» de son sort, dans un pays déjà secoué par un coup d'Etat déjoué en septembre.
La «charte constitutionnelle» signée par tous les acteurs anti-Béchir, en 2019, établit la feuille de route de la transition à laquelle le général al-Burhane a dit être toujours engagé une fois qu'un nouveau gouvernement et un nouveau Conseil de souveraineté auront été nommés.
Face à ces critiques qui s'accumulent à l'étranger, le général Burhane a donné un gage de poids: il s'est engagé à respecter les accords internationaux signés par le Soudan, l'un des quatre Etats arabes à avoir récemment décidé de reconnaître Israël. (jah/ats)