«Ce que font les militaires, c'est ignoble», déplore celui qui veut qu'on l'appelle M'Boti. Ce Suisse de 30 ans vit depuis quelques années en Birmanie. Il est actif dans le commerce. Il nous raconte.
Juste après le coup d'état de l'armée, le 1er février, les Birmans sont descendus dans la rue pour réclamer pacifiquement le départ des militaires et le retour de la démocratie. Mais la situation a très vite dégénéré.
Parmi son staff, certains ont perdu un proche. Une de ses employées pleure sa soeur, tuée, alors qu'elle participait à une manifestation à Yangon. Ma avait 25 ans, elle travaillait dans une banque.
M'Boti est révolté par la violence des militaires face à des hommes et des femmes, souvent très jeunes et sans arme, qui défilent trois doigts en l'air, en signe de ralliement démocratique.
Lui aussi a vu cette vidéo d'un jeune homme agonisant, une partie de sa tête déchiquetée par un projectile de l'armée, tenant encore une misérable pierre dans la main, pour seule arme.
En mars dernier, à Okkalapa Nord, une équipe d'ambulanciers, venue soigner des blessés, se fait frapper, puis arrêter par des militaires. ATTENTION, cette vidéo est violente.
watson a reçu d'autres vidéos et d'autres photos, qu'il nous est impossible de publier, en raison de leur violence. Mais nous pouvons attester que les militaires tirent dans la tête de civils, contrairement à ce que prétend l'armée, qui essaie de faire bonne figure sur la scène internationale.
M'Boti et d'autres témoins racontent, horrifiés, que les familles doivent payer l'armée pour récupérer le corps des leurs.
60$, soit près de la moitié du salaire minimum en Birmanie. Pour un prisonnier libéré vivant, les familles doivent débourser 150$.
Certaines dépouilles, que les familles récupèrent, auraient des cicatrices sur toute la longueur du tronc. M'Boti, comme de nombreux Birmans, soupçonne l'armée de prélever des organes pour les vendre à la Chine. Impossible pour l'heure de vérifier ces informations.
Les militaires affirment, de leur côté, agir dans un cadre tout à fait légal. Dans une interview accordée à CNN le 9 avril dernier, le porte-parole de l'armée explique qu'il ne s'agit en aucun cas d'un coup d'état. L'armée a simplement pris le contrôle du pays, après des élections, qu'elle estime frauduleuses.
Selon les décomptes de l'AAPP, l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP), depuis le 1er février dernier, l'armée a abattu plus de 739 personnes, dont 46 enfants, et procédé à des milliers d'arrestations, parmi lesquelles se trouvent des étudiants, des artistes, des médecins, des journalistes ainsi que la prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi.
Concernant la mort de 46 enfants, l'armée renvoie la responsabilité aux protestants, qui utiliseraient les enfants comme bouclier. Une manoeuvre, en somme, pour salir la réputation de l'armée.
Des associations sur place répertorient les victimes. Parmi elles, des adolescents, comme cette Tik Tokeuse de 14 ans, abattue le 27 mars par l'armée chez elle, alors qu'elle ouvrait la porte pour laisser entrer des manifestants, qui fuyaient l'armée, comme le relate BBC.
Face à cette barbarie, Maung, comme des millions de Birmans, est terrorisée. Jointe par téléphone, grâce à une carte sim qu'elle détruira après notre conversation, Maung nous raconte la peur d'être arrêtée et brutalisée par l'armée à tout moment du jour et de la nuit.
Pourtant, cette femme de 39 ans, une simple citoyenne qui travaille dans le tourisme, se dit prête à se battre pour revoir un jour la démocratie dans son pays. Il n'est pas question de laisser la junte militaire prendre le pouvoir.
Maung explique que les jeunes, surtout, n'ont plus rien à perdre. «Eux, ils ont goûté à la démocratie. Ils sont éduqués, certains ont même voyagé. Il n'est donc pas envisageable que l'armée s'installe à nouveau à la tête du pays.»
Ce serait d'ailleurs une bonne occasion pour les jeunes, si prompts à se mobiliser pour le climat, les femmes, le racisme, de manifester leur soutien au peuple birman.