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Témoignage watson

20 ans après, une journaliste New-Yorkaise raconte son 11 septembre 2001

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Image: Keystone
Témoignage watson

20 ans après, une journaliste New-Yorkaise raconte son 11 septembre 2001

watson a recueilli le témoignage d'une journaliste et productrice ayant passé toute sa vie à New York. Elle raconte ce qu'elle a ressenti le 11 septembre 2001.
09.09.2021, 18:2810.09.2021, 15:17
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Nous sommes le mardi 11 septembre 2001. Il fait grand beau à New York. Un temps sec, agréable et ensoleillé. Le début d'une journée idéale, pour Magalie Laguerre-Wilkinson. A l'époque, elle est productrice pour l'émission NBC Nightly News with Tom Brokaw, l'équivalent du 19h30 en Suisse romande ou du 20h00 de TF1, en France.

Comme tous les matins, elle traverse la Grande Pomme en prenant le bus M86, qui l'amène de l'est où elle habite, à l'ouest, où se trouve la rédaction pour laquelle elle travaille. Plus précisément, au 30 Rockefeller Plaza, une place en hommage à l'une des plus grandes familles d'industriels américains. Les bureaux de la chaîne NBC se trouvent dans le Rockefeller Center et Magalie y arrive chaque jour à 8h30 tapantes.

Mais pas ce matin-là. Elle est à quelques arrêts de sa destination, lorsqu'elle reçoit un message sur son pager (l'ancêtre du natel, une sorte de «télé-avertisseur» qui permet d'envoyer des messages par écrit). A l'époque, les téléphones portables sont rares; mais grâce à son métier, elle fait partie des privilégiés qui portent un natel xxl dans leur sac à main. Le message indique: urgence, avion, attentat, tour jumelles!

Les deux «outils» de travail de Magalie:

Le natel xxl, à gauche, et le pager, en haut à droite.
Le natel xxl, à gauche, et le pager, en haut à droite.

Sa première réaction, un cri, qui alerte tous les passagers du bus. Ils se retournent pour la regarder, pas certains de comprendre ce qu'il se passe. Impossible pour ces gens de vérifier la news sur une app' d'actualités (comme watson), impossible pour eux de savoir si cette dame exagère ou s'ils doivent véritablement s'inquiéter, que leur monde est peut-être en train de s'écrouler! Elle appelle immédiatement ses collègues:

«Quoi?! Il y a eu un attentat?! Des avions se sont écrasés dans les Tours?!»
«Pendant mon bref échange téléphonique avec ma rédaction, j'entendais et je voyais les autres passagers assis autour de moi s'affoler, tous pris d'une énorme panique, tous impuissants face à ce qu'ils m'entendaient dire. Ils m'écoutaient leur annoncer, sans le vouloir, une des nouvelles les plus terrifiantes de leur vie, par ma voix, par mes réactions. Leur désarroi et leur extrême inquiétude étaient marqués sur leurs visages et je n'oublierai jamais les mots prononcés par des personnes avec lesquelles j'ai partagé un moment douloureux, qui a instantanément bouleversé toutes nos vies. Des gens, que je ne reverrai sans doute plus jamais après ce trajet en bus, ont commencé à s'écrier»:
«Mais c'est pas possible, mon frère travaille dans les tours!»
«Ma soeur est là-bas!»
«Mes parents habitent dans ce quartier!»
«Mon meilleur ami travaille là-bas!»

Le 11 septembre 2001, en images:

Le bus s'arrête enfin à destination, en plein coeur de Manhattan. En descendant du bus, Magalie et tous les autres passagers aperçoivent, avec horreur, qu'une épaisse fumée noire est en train d'envelopper les tours jumelles les plus connues du monde. Elles forment le World Trade Center, un haut-lieu financier, historique et touristique, véritable symbole de la puissance américaine au niveau international. La situation semble irréelle. Magalie continue son récit:

«En termes d'actualités, les dernières semaines avaient été rythmées par de nombreux scandales dans le monde politique, notamment celui autour du Maire de New York, Rudy Giuliani, qui avait ouvertement trompé sa femme. Il y avait également eu beaucoup d'attaques de requin, plus de 76, les médias de tout le pays en ont parlé comme d'une véritable épidémie. La période estivale avait été riche en rebondissements; donc en tant que journaliste et productrice, je m'attendais à un mois de septembre un tout petit peu plus calme. J'étais à mille lieues de m'imaginer un tel événement!»
«Pour mon métier, j'ai fréquemment pris le vol de 45 minutes entre Washington et New York. Je me suis très souvent dit qu'un jour, il y aurait un accident, et que le pilote écraserait l'avion dans une des tours, car on volait très bas, presque trop près de ces immeubles. Donc en arrivant au bureau, après le choc et l'odeur de la fumée, j'ai mis quelques instants à comprendre que ce qui se passait n'était pas un accident, que c'était une attaque terroriste! Mais le pire, c'est lorsque les tours ont commencé à s'effondrer.»
«Une pluie humaine»
«Je n'ai pas d'autres termes pour décrire ce que j'ai vu, à travers la retransmission en direct des images tournées par mes collègues caméra-men, ce matin-là. Je m'en souviendrais jusqu'à la fin de mes jours et j'ai mis beaucoup de temps à me remettre de cette vision traumatique de corps humains se jetant des tours, faute de choix. Ils n'avaient pas d'autres choix que de sauter.»
«Toutes nos vies ont été affectées»
«J'ai immédiatement pensé à mon mari. Il a été dépêché sur place, dans un car régie. Heureusement, il ne lui est rien arrivé. Ni à aucun membre de ma famille, dont ma mère, ancienne fonctionnaire diplomatique à la retraite, qui devait se rendre ce jour-là aux Nations Unies (une cible potentielle) pour des rendez-vous. J'ai la chance de n'avoir perdu aucun proche, ni de ma famille, ni des amis, dans ces attentats. Mais le revers de cette "chance", c'est un énorme sentiment de culpabilité. Une culpabilité qui reste, omniprésente à chaque fois qu'on discute avec un New Yorkais ayant perdu quelqu'un le 11 septembre 2001. Toutes nos vies, celles des New Yorkais, comme celles de tous les Américains, ont été affectées.»

Magalie nous raconte que trois jours plus tard, le 14 septembre, elle est allée tourner un reportage dans un lieu historique, jouxtant une caserne de pompiers, The Armory. Ce lieu, niché en plein coeur de Manhattan, est connu pour abriter une forteresse à taille humaine, remplie d'armes, de matériel militaire et de carrosses pour les chevaux de certains policiers New-Yorkais.

Les murs de The Armory se sont transformés en une sorte de quartier général dédié aux personnes disparues, qui n'avaient toujours pas été retrouvées, à la suite des attentats. Des familles sont venues, pas seulement de New York, mais de tout le pays, pour y déposer une affiche, composée d'une photo et des caractéristiques physiques de leur être cher.

the armory new york city september 11
Face à The Armory, une policière regarde les affiches et les photos de personnes disparues et encore recherchées, après les attentats du 11 septembre.Image: pinterest
«Je me souviens particulièrement de ce moment, car il pleuvait à bâtons rompus, presque une tempête. L'image de ce mur était terrible, car c'est comme si la pluie avait envie de balayer les minces espoirs de ces familles. Une à une, j'ai vu les affiches, l'encre des photos et l'encre des textes, disparaître sous les trombes d'eau. Comme si la pluie savait déjà que ces personnes recherchées... ne seraient jamais retrouvées.»

Mais c'est en partie grâce à ce mur que la productrice fit la connaissance de la famille de Rob, un jeune homme qui venait de célébrer ses 30 ans, originaire de l'Etat de l'Ohio. Il travaillait pour Cantor Fitzgerald, une grande société financière américaine. L'entreprise avait ses bureaux dans la tour nord, directement frappée par l'un des deux avions.

La majorité des employés de Cantor Fitzgerald, soit 658 sur 960 personnes, ont trouvé la mort le 11 septembre 2001. Un triste record, sur les presque 3000 personnes ayant perdu la vie lors de ces attentats.

Pour les besoins d'un reportage, Magalie a passé énormément de temps avec la famille de Rob; notamment ses parents, sa soeur, son frère et son oncle, avec lequel il était très proche. Au fil du temps, une relation s'est nouée, bien audelà du domaine professionnel, entre Magalie et la famille de Rob. D'ailleurs, ils vont tous se retrouver ce vendredi 10 septembre 2021, dans un restaurant de Manhattan, pour commémorer la mort de leur fils... 20 ans plus tard.

Le lendemain, le frère de Rob prononcera, en personne - pour la première fois - le nom complet de son aîné disparu, lors de la cérémonie de commémoration officielle, qui sera diffusée sur toutes les chaînes de télévision du pays. Cet hommage national, qui a lieu chaque année, se tiendra sur le site de Ground Zero, au pied des deux tours. Rob aurait eu 50 ans cette année.

Les chiffres marquants

  • 33 000 personnes vivant et travaillant dans le quartier du World Trade Center ont survécu aux attentats, en réussissant à s'échapper de la zone, avant l'effondrement des tours;
  • 2753 personnes ont perdu la vie à Manhattan. Ce chiffre n'inclut pas toutes les personnes qui sont mortes postérieurement, soit à la suite des blessures ou pour avoir inhalé trop de fumée, ce qui fut le cas de nombreux pompiers;
  • 343 pompiers sont décédés;
  • 6200 personnes ont été blessées;
  • A ce jour, il reste encore 1106 victimes non identifiées, dont les corps n'ont jamais été retrouvés dans les décombres, des attentats du 11 septembre 2021, à New York.

Un fonds d'indemnisation des victimes

Parmi les dizaines de films et documentaires qui accompagnent les 20 ans de cet événement tragique, un film sort du lot. watson l'a regardé et vous le recommande vivement. Worth (A quel prix?) raconte la mise en place du fonds d’indemnisation des victimes du 11 septembre. Ceci à travers le regard de l’expert judiciaire, Kenneth R. Feinberg, mandaté par le gouvernement. Un récit qui met en lumière une réalité traversée par beaucoup de victimes, que ce soit lors d'attentats ou, par exemple, de fusillades dans des lycées. NB. Magalie Laguerre-Wilkinson a rencontré plusieurs fois Kenneth Feinberg, dont elle admire le travail.

La bande annonce du film «Worth» (A quel prix?)

Les attentats du 11 septembre racontés en images
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Les attentats du 11 septembre racontés en images
source: keystone
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