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Stade de France, Hanouna, bazooka, Syrie: récit d'un drôle de buzz

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Bazooka, Syrie, Stade de France, Hanouna: récit d'un drôle de buzz

Dans le flot d'images documentant les débordements en marge de la finale de la Ligue des champions samedi soir, une vidéo sort du lot. On y voit un influenceur, puis l'animateur Cyril Hanouna, passer sous les portiques du Stade de France. Quelques jours plus tôt, le même jeune homme se filmait, supposément en Syrie, en train de vider le chargeur d'une kalache: «Y a pas la guerre ici en tout cas!»
30.05.2022, 15:5730.05.2022, 20:12
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La séquence semble abriter tout ce qu’il faut pour illustrer parfaitement le foutoir qui régnait samedi soir au Stade de France, lors de la finale de la Ligue des champions entre le Real Madrid et Liverpool. On parle de quelques secondes d'une vidéo, filmée par un influenceur prénommé Ibrahim (et se faisant appeler «Challenger» sur Snapchat ou Instagram), dans laquelle on aperçoit le jeune homme passer sous les portiques, juste avant que Cyril Hanouna ne fasse de même.

Vidéo: watson

Depuis samedi, c'est la guerre des versions et des coupables. Les Anglais avinés? La police et le gouvernement? «Les jeunes des banlieues»? Après avoir fait porter le chapeau des débordements aux seuls supporters british «sans billet ou munis de billets falsifiés», la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra, face aux nombreuses critiques, notamment sur les réseaux, a (un peu) revu sa copie lundi matin.

«Il y a eu des tentatives de forçage des portes du Stade de France, dans lesquelles un certain nombre de jeunes des quartiers présents alentour ont tenté de s'engouffrer»
La ministre, sur les ondes de RTL

La «désorganisation pathologique de la France» par notre journaliste à Paris:

Détail qui peut avoir son importance: le Stade de France n'est pas à Paris mais à Saint-Denis. Dans le 9-3. Une précision géographique suffisante au moment de justifier la vague humaine qui s'est ruée sur les différentes entrées des gradins. Un exemple parmi d'autres: Eric Zemmour. Lundi matin sur Europe 1, il a logiquement attrapé la polémique au vol.

«Nous aurions dû construire le Stade de France en France. La Seine-Saint-Denis n'est plus la France depuis longtemps. Le département n'est plus un département français depuis longtemps»
Eric Zemmour sur Europe 1

Si le ministre de l'Intérieur privilégie toujours la piste des fans britanniques de foot sans sésame et jugeant ses policiers irréprochables, le fondateur de Reconquête! accuse donc frontalement les «banlieusards, pillards, voleurs et tutti quanti». Comme une bonne partie des élus d'extrême droite, d’ailleurs. Furax, le maire PS de la ville, Mathieu Hanotin, a estimé avec aplomb que «les partisans de la fachosphère se déchaînent sur les réseaux sociaux avec comme seul objectif de salir une ville, ses habitants et tout un département».

Entre-temps, l'animateur de Touche pas à mon poste (TPMP) a jugé sage d'expliquer sur Twitter que les portiques du stade étaient bloqués. La star n'aurait donc pas resquillé.

Mais ce qui chiffonne encore plus une partie de l'opinion publique, depuis la diffusion de la fameuse vidéo de l'influenceur «@challenger.67», ne se déroule pas au Stade de France. Le jeune homme, abondamment suivi sur les réseaux sociaux (81 000 followers sur Instagram), ne serait pas qu'un simple passionné de ballon rond. Sur ses différents comptes, il roucoule notamment à Dubaï, pose avec de belles bagnoles et, tout récemment, se serait amusé à tirer à la kalache dans un décor désertique.

Petites frappes? Djihadistes?

Et pas n'importe quel désert, puisque le jeune vidéaste se serait rendu il y a quelques jours en... Syrie, avec des amis. Si, dans cette vidéo, pas moyen d’authentifier sa localisation avec précision, d'autres vidéos circulent, plus longues et plus équivoques. Dans la vidéo suivante, notre Ibrahim porte le même t-shirt qu'au moment de vider le chargeur de sa kalache et partage cette fois l'affiche avec un certain Rayanne B.

Vidéo: watson
«Y a pas la guerre ici en tout cas»
L'influenceur Ibrahim (ou «Challenger»)
«N'écoutez pas la télé. Ici tout se passe bien, on fait un petit barbecue»
Rayanne B.

Autour d'un barbecue improvisé, les deux jeunes ironisent sur la situation en Syrie, invitent leur communauté à ne pas croire les médias et affirment que la guerre est un mensonge. En toute fin de séquence: des coups de feu et nos deux influenceurs qui détalent. Si ces vidéos fleurent bon la mise en scène parfaite, tout porte à croire qu'ils sont effectivement en Syrie.

Le doute suffit en tout cas à actionner la machine médiatique et à interloquer les internautes. Vincent Flibustier, pseudonyme du créateur de NordPresse (sorte de Gorafi belge), s'est récemment cogné au flou de cette affaire.

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Aurions-nous affaire à des bébés djihadistes en formation? A des influenceurs en mal de célébrité express? En fouillant un peu sur les comptes des deux gamins, on trouve plusieurs indices suggérant que la bande affectionne d’abord l'idée de tutoyer le danger, l’illégalité et la provocation gratuite. Baignant dans une mare d'irresponsabilité. En toute impunité?

Condamné pour outrage

Pas vraiment. Rayanne B., le pote de kalache de notre influenceur, n'est pas un inconnu dans les couloirs de la justice française. Pas plus tard que le 10 mai dernier, celui qui n'a que 21 ans a été condamné pour outrage sur des pompiers dont il s’était moqué dans une vidéo. Il a en revanche été relaxé pour une autre séquence dans laquelle il menaçait d’attaquer un commissariat.

Capture d'écran de la vidéo qui a valu 800 euros d'amende à l'influenceur Rayanne B.
Capture d'écran de la vidéo qui a valu 800 euros d'amende à l'influenceur Rayanne B.

Suivi par 175 000 abonnés sur ses différents réseaux sociaux, Rayanne B. déclarait notamment dans cette dernière vidéo: «Je vais les niquer, aller dans le commissariat, Allahou akbar et paw, paw, paw, paw, mettez tous vos gilets pare-balles». Le tribunal avait alors estimé que «les menaces n'étaient pas suffisamment caractérisées». Reste que l'influenceur n'arrête pas de jouer avec le feu et les symboles terroristes, sans se soucier des limites et frôlant la condamnation, par exemple pour des déclarations comme «n*** ta mère à Blanquer et à l’Education nationale bande de fils de p***» en 2021 ou en se moquant d'un enfant handicapé âgé de treize ans.

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Ce même Rayanne B. a affirmé samedi soir n'avoir pas pu entrer au Stade de France. Quelques jours seulement après avoir manipulé un bazooka et tiré à la kalache, en pleine possession de ses moyens et en survêtement Nike. Supposément en Syrie, mais assurément... sur les réseaux sociaux. Si les autorités françaises doivent sans doute faire leur autocritique après le foutoir de ce week-end, le récit louche de ces deux influenceurs, ascendant délinquant, suggère que l'autocritique pourrait concerner davantage qu'une simple finale de Ligue des champions.

Des influenceurs français en Syrie?
Video: watson
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