Le président tunisien Kais Saied a décidé de geler les travaux du Parlement pour 30 jours et s'octroyer le pouvoir exécutif:
Saied, qui prônait pendant sa campagne électorale une révolution par le droit et un changement radical de régime, a donc annoncé qu'il gelait les activités du Parlement, et démettait de ses fonctions le chef du gouvernement Hichem Mechichi.
«La Constitution ne permet pas la dissolution du Parlement mais elle permet le gel de ses activités», a déclaré Saied, s'appuyant sur l'article 80 qui permet ce type de mesure en cas de «péril imminent». Le président a en outre annoncé lever l'immunité parlementaire des députés.
Le président «se chargera du pouvoir exécutif avec l'aide d'un gouvernement dont le président sera désigné par le chef de l'Etat», a-t-il ajouté.
Cette annonce fait suite à des manifestations dans de nombreuses villes du pays dimanche 👇, en dépit d'un important déploiement policier pour limiter les déplacements. Les milliers de protestataires ont notamment réclamé la «dissolution du Parlement».
L'opinion publique tunisienne est exaspérée par les conflits entre partis au Parlement et par le bras de fer entre le chef du Parlement Rached Ghannouchi – aussi chef de file d'Ennahdha – et le président Saied, qui paralyse les pouvoirs publics.
Elle dénonce aussi le manque d'anticipation du gouvernement face à la crise sanitaire, laissant la Tunisie à court d'oxygène. Avec près de 18 000 morts pour 12 millions d'habitants, le pays a l'un des pires taux de mortalité officiels au monde dans cette pandémie.
Le chef de l'Etat tunisien est engagé, depuis des mois, dans un bras de fer avec le principal parti parlementaire, Ennahdha. De son côté, ce dernier a fustigé la décision du président comme étant:
La formation islamiste a souligné que ses «partisans (...) ainsi que le peuple tunisien défendront la révolution».
Ce coup de théâtre ébranle la jeune démocratie tunisienne, qui fonctionne depuis l'adoption en 2014 d'une Constitution de compromis selon un système parlementaire mixte, dans lequel le président a comme prérogatives la diplomatie et la sécurité.
La révolution de 2011 a chassé du pouvoir l'autocrate Zine el Abidine Ben Ali, mettant la Tunisie sur la voie d'une démocratisation qu'elle a continué à suivre depuis, en dépit des défis sociaux et sécuritaires.
Mais depuis l'arrivée au pouvoir, en 2019, d'une Assemblée fragmentée et d'un président, Kais Saied, farouchement indépendant des partis, élu sur fond de ras-le-bol envers la classe politique au pouvoir depuis 2011, le pays s'est enfoncé dans des crises politiques quasi insolubles. (ats)