Le commandant de la compagnie se tient dans un champ à côté d'une bombe non explosée, une bombe aérienne russe de 500 kilogrammes. Nous sommes à proximité de Soledar, la grande mine de sel près de Bakhmout qui est aux mains du groupe russe Wagner depuis la mi-janvier. Les positions les plus proches des mercenaires russes sont à un peu plus d'un kilomètre.
L'officier ukrainien confirme que l'intensité des tirs d'artillerie russes a diminué dans sa section de front.
L'homme explique cela non seulement par les pertes effroyables du groupe de mercenaires à Bakhmout, mais aussi par le fait que Wagner a désormais l'interdiction de recruter dans les prisons russes.
D'autres voix ukrainiennes voient dans le prétendu problème de munitions du groupe de mercenaires, un prétexte pour détourner l'attention du chef de Wagner, Prigojine, de son échec à conquérir la petite ville de Bakhmout. Aujourd'hui la ville est presque entièrement détruite, et cela, avant ce 9 mai. Ce jour-là est symbolique, la Russie commémore la victoire sur l'Allemagne nazie. Toutefois, les festivités ont été annulées dans certains endroits, ou du moins limitées dans leur ampleur, en raison des menaces d'attentats ukrainiens.
Alors que du côté russe les profonds désaccords entre le groupe Wagner d'une part et le ministre de la Défense d'autre part sont de plus en plus évidents, les Ukrainiens mènent une habile guerre psychologique pour dérouter l'adversaire, le démoraliser et l'induire en erreur sur l'orientation de la contre-offensive prévue.
L'attaque terrestre n'a certes pas encore commencé, mais les préparatifs sous forme d'attaques de missiles et de drones contre des bases logistiques et des nœuds de communication battent déjà leur plein. A cela s'ajoutent des attaques contre le réseau ferroviaire, un élément essentiel pour le ravitaillement des forces armées russes en Ukraine.
On ne sait pas si les attaques sur les voies ferrées sont des actions de partisans russes ou de forces spéciales ukrainiennes derrière les lignes russes. On ne sait pas non plus qui se cache derrière les drones qui ont récemment explosé au-dessus du Kremlin à Moscou, sans toutefois causer de gros dégâts. Les dommages sont dans ce cas de nature psychologique: quel que soit le responsable, l'attaque montre que le président Poutine n'est pas en mesure de protéger son propre Q.G.
Dans le sud de l'Ukraine, les Russes ont commencé à évacuer des civils en prévision de la contre-offensive ukrainienne vers les côtes de la mer d'Azov. L'automne dernier, Moscou avait déjà fait évacuer la population de Kherson, sur la rive occidentale du Dniepr, avant que les troupes russes ne s'en retirent pour la plupart sans combattre.
Il n'est pas certain que l'histoire se répète. Moscou a fait construire des fortifications massives sur le pont terrestre qui relie la Russie à la péninsule de Crimée le long de la mer d'Azov. Cela ne laisse pas vraiment présager que cette région stratégiquement importante sera abandonnée aux Ukrainiens. Il est possible que l'évacuation vise à protéger les civils ou à éviter qu'ils ne puissent fournir aux Ukrainiens des informations sur les troupes russes.
En revanche, les informations diffusées par l'Institute for the Study of War américain, puis amplifiées par de nombreux médias, sur un débarquement de troupes ukrainiennes sur la rive est du Dniepr ne se sont pas vérifiées jusqu'à présent. Les analyses d'observateurs qui s'appuient sur les médias sociaux et qui se trouvent à des milliers de kilomètres des événements doivent toujours être prises avec précaution. (aargauerzeitung.ch)
Traduit et adapté par Nicolas Varin