C'est l'une des batailles les plus longues de la guerre actuellement en cours en Ukraine. L'une des plus sanglantes aussi, même si le nombre des morts n'est pas encore connu. Depuis début août, les forces de Kiev et les troupes russes et prorusses s'affrontent autour de la ville de Bakhmout.
Située dans la région de Donetsk, dans le bassin minier du Donbass, la ville se trouve sur la ligne du front qui divise les zones contrôlées par les Russes, à l'est, du reste du pays. Il s'agit de l'une des seules régions où l'armée russe n'est pas sur la défensive, comme l'indique le centre de réflexion américain «Institute for the study of war» (ISW). Les Russes continuent de pilonner les positions ukrainiennes à coups d'artillerie et de frappes aériennes et ont lancé plusieurs attaques terrestres, jusqu'à 40 en l'espace de 24 heures.
Les résistants ukrainiens arrivent à repousser ces assauts, mais la situation est très tendue. Même le président Volodymyr Zelensky a dû l'admettre, en affirmant que:
Seulement voilà, cette petite ville (70 000 habitants avant la guerre) n'a aucune importance stratégique. Elle serait même, selon l'analyse de l'ISW, «insignifiante sur le plan opérationnel».
En gros, même si Bakhmout tombait aux mains des Russes, cela ne serait pas très utile pour la suite de l'«opération militaire spéciale» en Ukraine. Comment expliquer un tel acharnement? Un regard plus attentif aux forces en présence pourrait fournir un indice: selon l'état-major ukrainien, Moscou emploie en masse des mercenaires du groupe Wagner dans cette zone. Et ce n'est pas un hasard.
L'entêtement russe à Bakhmout cacherait les ambitions personnelles du fondateur du groupe Wagner, Evegueni Prigojine. Oligarque autrefois proche de Poutine, Prigojine est devenu de plus en plus critique au sujet de la gestion de l'invasion de l'Ukraine. Une victoire militaire lui permettrait alors de s'attirer de nouvelles faveurs à Moscou, avancent plusieurs observateurs occidentaux.
Une chose est sûre, les mercenaires russes recourent à une stratégie particulièrement sanglante. C'est ce qui ressort de plusieurs témoignages recueillis auprès des soldats en première ligne. Selon un sergent ukrainien, les combattants de Wagner sont tout simplement «envoyés par vagues à l'abattoir».
Le groupe paramilitaire emploie plus spécifiquement de nombreux prisonniers, qui se sont vus offrir une amnistie et une paie en échange de leurs services sur le front. Une vidéo avait beaucoup circulé en septembre: on y voyant le même Evegueni Prigojine en train de recruter des taulards dans la cour d'une prison.
Une partie de ces hommes ont désormais rejoint les combats. Sous la forme de chair à canon. Voici comment ça marche:
Jusqu'à 2000 détenus seraient déployés à Bakhmout, affirmait récemment Volodymyr Zelensky. Un conseiller de la présidence évoquait «dans une fourchette basse» que l'équivalent d'une compagnie serait mobilisé par jour, soit 100 à 200 hommes.
Leurs pertes sont inconnues. Selon les soldats ukrainiens sur place, très peu d'entre eux survivent à ces opérations, qui ont lieu le plus souvent la nuit. Le surnom que les défenseurs ont donné aux détenus de Wagner est très révélateur: «Soldats à usage unique».