Depuis un peu plus d'une semaine, les yeux de tous les observateurs sont braqués sur la région de Kherson, théâtre d'une contre-offensive lancée par les troupes ukrainiennes pour la libérer des occupants russes.
Cette localité, située dans le sud du pays, ne serait pourtant pas la seule dans le viseur de l'armée de Kiev. Mercredi, des informations au sujet d'une percée des forces ukrainiennes autour de Kharkiv (nord-est) ont commencé à circuler. Des attaques inattendues qui ont surpris plusieurs observateurs, à l'image du reporter ukrainien Illia Ponomarenko, qui a tweeté:
La région de Kharkiv est en partie occupée par l'armée russe depuis le début de l'invasion. La ville du même nom est régulièrement bombardée, mais les forces de Moscou n'ont jamais réussi à s'en emparer.
Les troupes ukrainiennes ont lancé une contre-offensive «très efficace», rapporte l'Institute for the study of war (ISW). Elles ont réussi à avancer d'au moins 20 km dans le territoire tenu par les Russes dans l'est de la région de Kharkiv, reprenant environ 400 km2 de terrain.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a par ailleurs affirmé que ses forces avaient repris aux Russes plusieurs localités, sans donner d'autres détails.
La plupart des analystes ne s'attendaient pas à une poussée ukrainienne dans cette partie du pays. Et c'était probablement l'objectif, selon l'ISW. Les opérations en cours autour de Kherson ont forcé les Russes à déplacer leur attention et une partie de leurs forces vers le sud, laissant ainsi la région de Kharkiv sans défense. Kiev aurait exploité cette situation pour lancer une offensive «opportuniste» en s'appuyant sur un effet de surprise.
Le ministère britannique de la Défense, qui a fait état d'«intenses combats» dans la région de Kharkiv, estime que les commandants russes sont désormais confrontés à un dilemme: soit poursuivre leur action dans le Donbass, dont la capture reste l'objectif principal de Poutine, soit réaffecter des soldats pour faire face aux incursions ukrainiennes.
Des informations du côté russe semblent confirmer la version des faits de l'ISW. Des sources affirment notamment que Moscou s'est dépêché de déployer des renforts dans la région de Kharkiv.
Des blogueurs militaires russes, souvent très suivis sur les réseaux sociaux, ont reconnu les nouveaux gains territoriaux ukrainiens, parfois en employant des termes «paniqués et découragés», selon l'ISW. Certains vont encore plus loin et ont affirmé que l'opération dans le sud n'était qu'une distraction pour détourner l'attention de la région de Kharkiv, qui serait devenue l'objectif principal de Kiev.
Il est peu probable que la bataille de Kherson ne soit qu'une diversion, estime l'ISW, qui table plutôt sur des contre-offensives localisées vers des points critiques de la région de Kharkiv. Les réactions des blogueurs russes montrent cependant que ces actions parviennent déjà à démoraliser les occupants.
Les blogueurs estiment également que cette contre-attaque ukrainienne vise à couper les lignes d'approvisionnement russe vers Izioum et Koupiansk, dans les environs de Kharkiv. En cas de succès, les unités russes stationnées dans ces régions seraient isolées et faciles à vaincre.
L'expert militaire Marcus Matthias Keupp partage ce point de vue. «Si un grand nombre de troupes ne peut plus être approvisionné et se trouve sous le feu constant de l'artillerie, elles peuvent soit se retirer, soit capituler. Ou bien elles seront anéanties», a-t-il affirmé aux micros de la SRF.
Les prochains jours nous diront si l'armée ukrainienne sera capable de pousser sur deux fronts, et comment la Russie réagira.