Zelensky fait un pari risqué avec les jeunes Ukrainiens
Fin août, le président Volodymyr Zelensky a surpris tout le monde en annonçant dans son allocution quotidienne que les 18-22 ans seraient autorisés à quitter l’Ukraine. Peu après, le gouvernement a ouvert les frontières à cette tranche d’âge. Condition pour l’exit: disposer de documents militaires à jour, ce qui ne pose en général aucun problème.
Depuis l’invasion russe du 24 février 2022, les hommes âgés de 18 à 60 ans n’avaient plus le droit de sortir du pays – même si, sous la loi martiale ukrainienne, seuls les 25-60 ans sont susceptibles d’être mobilisés.
A Kiev, on débat depuis des années d’un abaissement de l’âge de mobilisation. En 2024, il est déjà passé de 27 à 25 ans. Mais cela n’a pas suffi à combler la pénurie de soldats. L’âge moyen dans les forces armées dépasse aujourd’hui 40 ans. Dans l’infanterie comme dans les unités de drones, des troupes plus jeunes seraient pourtant indispensables. Beaucoup estiment que ce n'est qu'une question de temps avant que l'âge de mobilisation baisse à nouveau. Mais le gouvernement avance avec prudence, étape par étape.
Vague de démissions
Depuis fin août, les 18-22 ans peuvent donc légalement franchir la frontière. En deux semaines, le nombre de passages vers la Pologne a été multiplié par douze, selon les statistiques officielles. Les médias ukrainiens, comme le magazine NV, font aussi état d’une vague de démissions dans cette classe d’âge, notamment dans la restauration, secteur où de nombreux étudiants travaillent à côté de leurs cours.
La société de logistique Nova Poshta a ainsi enregistré près de 200 démissions dans les dix jours qui ont suivi l’entrée en vigueur de la mesure. Le raisonnement est évident: la fin de la guerre n’est pas en vue, alors beaucoup saisissent l’opportunité de partir avant d'être mobilisés.
Alors, comment comprendre cette contradiction apparente: chercher à recruter plus de jeunes soldats, tout en leur ouvrant la frontière?
Pourquoi cette stratégie?
La réponse se trouve ailleurs. De plus en plus de parents envoyaient leurs fils de 17 ans à l’étranger avant leur majorité, afin d’échapper à une possible mobilisation. Volodymyr Zelensky lui-même a tiré la sonnette d’alarme: le nombre de diplômes du secondaire chute fortement, un signe inquiétant pour un pays en lutte pour sa survie. L’assouplissement vise donc à donner du temps aux jeunes: rester, étudier, et peut-être s’engager volontairement plus tard.
Les données précises manquent, mais la tendance est claire. En 2024 et 2025, la baisse du nombre de diplômes s’est nettement accentuée. Le gouvernement prend le pari de freiner l’exode précoce. Reste que la décision comporte des risques, dont les effets sont déjà perceptibles.
Des contrats pour attirer les jeunes volontaires
Jusqu’ici, l’engagement des 18-24 ans reposait sur le volontariat. Début 2025, Kiev a lancé un nouveau modèle: un contrat d’un an avec un salaire minimum de 23 000 euros, pouvant grimper jusqu’à 46 000 euros avec les primes. Des montants considérables en Ukraine, supérieurs même au salaire annuel officiel de la première ministre. Les avantages ne s’arrêtent pas là: après un an, les engagés peuvent quitter l’armée, voyager librement et ont de fortes chances d’obtenir une place à l’université.
Au départ, cette offre était réservée aux brigades d’infanterie. Aucun chiffre officiel n’a été publié, mais les observateurs estiment que seuls quelques milliers de jeunes se sont inscrits dans les premiers mois. L’été dernier, le programme a été étendu aux unités de drones, avec cette fois un contrat de deux ans. Son efficacité reste incertaine.
Mais parallèlement, la nouvelle liberté de quitter le pays ne devrait pas inciter beaucoup de jeunes à signer un contrat militaire. «C’est se tirer une balle dans le pied», critique Roman Kostenko, secrétaire de la commission de la défense et député de l’opposition (parti La Voix). Une chose est sûre: l’Ukraine n’a toujours pas trouvé la formule idéale pour résoudre ses problèmes de recrutement militaire – ni pour assurer son avenir démographique.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder