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Combien de soldats sont morts en Ukraine? Ce que l'on sait

Combien de soldats sont morts en Ukraine? La bataille des chiffres

Le corps d'un soldat russe gît à terre, lors des premières phases du conflit en Ukraine.
Le corps d'un soldat russe gît à terre, lors des premières phases du conflit en Ukraine. Image: Keystone
La guerre en Ukraine est en passe de devenir l'une des plus sanglantes de l'histoire moderne. Pourtant, difficile de savoir combien de soldats sont tombés sur le champ de bataille. Logique politique, manque de données, désinformation: des sources existent et se contredisent.
13.07.2022, 05:5712.05.2023, 17:58
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«Les Russes subissent d'énormes pertes», «l'armée ukrainienne perd entre 60 à 100 soldats par jour», «l'Ukraine subit des pertes humaines importantes». Ces trois phrases, prononcées respectivement par le gouverneur de la région de Lougansk, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le ministère russe de la Défense pendant le mois de juin, ne sont qu'un exemple des nombreuses déclarations faites, chaque jour, sur les combattants tombés sur le champ de bataille.

Cette guerre a déjà été décrite comme l'une des plus meurtrières de ces 200 dernières années. Pourtant, il est difficile de se faire une idée précise du bilan réel du conflit. L'ONU répertorie les victimes civiles à travers un classement officiel. Pour les soldats, c'est plus compliqué. Et pour cause: il s'agit d'une information très sensible qui est, de plus, vulnérable à la désinformation. C'est ce qu'affirme Shawn Davies, chercheur à l'Université d'Uppsala, en Suède, dans le magazine Fortune.

The bodies of two dead Russian soldiers lay on the side of the road in the village of Vilkhivka, recently retaken by Ukrainian forces near Kharkiv, Ukraine, Monday, May 9, 2022. (AP Photo/Felipe Dana)
Les corps de deux soldats russes dans le village de Vilkhivka, dans la région de Kharkiv.Image: sda

Autrement dit, les parties en conflit n'ont pas forcément toujours envie de dévoiler leurs pertes réelles. Un classement complet et indépendant des combattants tués n'existe pas, et l'ONU a déclaré qu'elle ne considère pas comme fiables les données diffusées par la Russie et l'Ukraine. Des chiffres existent pourtant. Tour d'horizon.

Les pertes humaines

Les Russes

La première chose qui saute à l'oeil quand on compare les chiffres existants, c'est l'énorme différence entre une source et l'autre. Les pertes russes en sont l'exemple le plus frappant, comme c'est visible dans le graphique ci-dessous:

La Russie communique très peu au sujet de ses pertes en Ukraine. La dernière déclaration officielle date du 25 mars: à l'époque, le ministère de la Défense faisait état de 1351 victimes. Le même jour, les autorités ukrainiennes parlaient de 16 100 soldats morts, un chiffre qui se monte à 37 470, mardi 12 juillet.

L'Ukraine est beaucoup plus bavarde: depuis le deuxième jour du conflit, Kiev fournit une liste des pertes russes, quotidiennement mise à jour et très complète. Les hommes et les équipements que l'armée ennemie aurait perdus y sont énumérés de manière détaillée:

Ces chiffres indiquent que la première phase du conflit – lorsque l'armée de Moscou a tenté de s'emparer de la capitale ukrainienne –, a été la plus meurtrière pour les troupes du Kremlin: Kiev a signalé jusqu'à 3160 morts par jour, le 2 mars.

La différence entre les 1351 morts reconnus au total par la Russie une vingtaine de jours plus tard est frappante, et peut se résumer de cette manière, selon Shawn Davies: il est probable que les Ukrainiens exagèrent les pertes russes alors que les Russes les minimisent.

L'objectif sous-jacent est assez évident. Le gouvernement ukrainien tricherait sur les chiffres pour remonter le moral de ses troupes, ce que Davies n'hésite pas à qualifier de «campagne de désinformation». De plus, affirme-t-il, les médias occidentaux sont généralement heureux d'accepter ces affirmations.

Entre ces deux extrêmes, il y a des chiffres fournis par des sources qui ne sont pas directement impliquées dans le conflit. Le 25 avril, le gouvernement anglais évaluait à quelque 15 000 le nombre de soldats russes tués en Ukraine. Le même jour, Kiev en dénombrait 21 900.

Le média russophone Meduza, basé en Lettonie, collecte également des données sur les pertes subies par l'armée russe en Ukraine, en collaboration avec la BBC. La spécificité de leur méthode consiste à repérer individuellement chaque combattant mort au combat. Le 1er juillet, le site en avait identifié 4238.

Ce chiffre ne représente pas le nombre réel des morts, explique Meduza, qui ne se base que sur des informations accessibles au public, comme les messages des proches sur les médias sociaux, les médias locaux et les déclarations des autorités locales. C'est quand même trois fois plus que ce qu'affirme la Russie.

Les Ukrainiens

Le même écart entre les sources existe également lorsqu'il est question de recenser les soldats ukrainiens morts au combat. Sans surprise, les rôles s'inversent: les chiffres avancés par Moscou sont bien plus élevés que ceux de Kiev.

Inversement à ce qu'il fait avec les soldats ennemis, le gouvernement ukrainien est très discret lorsqu'il s'agit de parler de ses propres pertes: aucune communication officielle, et encore moins systématique, n'existe à ce sujet.

Le 16 avril, le président Zelensky a affirmé, dans une interview accordée à CNN, que le pays avait perdu «2500 à 3000 soldats» depuis le début de la guerre, le 24 février. La même date, le porte-parole du ministère de la Défense russe déclarait que 23 367 combattants ukrainiens avaient été tués. A la même période, les services secrets américains avançaient un chiffre allant de 5500 à 11 000.

Le 10 juin, le conseiller du président Oleksiy Arestovich affirmait, toujours dans une interview, que le bilan des soldats ukrainiens tués était d'«environ 10 000». Il s'agit de la dernière information provenant du côté ukrainien à ce jour.

Les véhicules détruits

Les autorités de Kiev s'empressent également de mettre en avant, dans leurs décomptes quotidiens, les véhicules et les équipements russes détruits sur le champ de bataille. A ce jour, l'armée ukrainienne aurait mis hors d'état de nuire:

  • 1649 chars d'assaut;
  • 3828 véhicules blindés;
  • 188 hélicoptères;
  • 217 avions.

Quand on regarde les chiffres quotidiens, il semblerait que le premier mois de guerre ait été le plus dévastateur pour l'armée russe.

Tout comme pour les pertes humaines, d'autres sources relativisent les affirmations officielles ukrainiennes. Le site spécialisé Oryx documente, par exemple, les pertes d'équipement depuis le début du conflit, en se basant exclusivement sur des sources accessibles au public, comme des photos, des vidéos et des images satellites.

Le 11 juillet, Oryx recensait du côté russe:

  • 860 chars d'assaut détruits, endommagés ou capturés;
  • 1660 véhicules blindés;
  • 178 avions;
  • 49 hélicoptères.

Encore une fois, l'écart avec les données ukrainiennes est assez saisissant, bien qu'Oryx précise que, au vu de sa méthode, ses chiffres ne représentent pas la totalité des cas.

De son côté, le 20 juin, la Russie affirmait avoir détruit 3696 chars et autres véhicules de combat blindés, 208 avions et 132 hélicoptères. Aucun des deux pays ne communique, assez logiquement, sur ses pertes de matériel.

Il faudra probablement attendre la fin du conflit pour avoir une vision plus claire des pertes militaires en Ukraine, mais ce n'est pas sûr que cela suffise: il est rarement facile d'obtenir des chiffres précis et actualisés sur les dommages causés aux civils et aux militaires, estime la chercheuse Neta Crawford dans The Conversation.

Même lorsque les militaires tiennent de bons registres de leurs propres pertes, explique-t-elle, «les estimations restent souvent des estimations».

Plus d'images de véhicules russes détruits en Ukraine
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Une partie d'un char russe endommagé dans le village de Mala Rohan, près de Kharkiv, en Ukraine, le 13 mai 2022.
source: sda / sergey kozlov
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