«Je crois que mon appartement a subi quelques modifications cosmétiques.» Sans manquer d'humour, Olga Misik a dévoilé sur Twitter sa porte d'entrée récemment (et grossièrement) décorée par des soldats russes armés d'une bombe... de peinture.
моя квартира потерпела косметические процедуры pic.twitter.com/QNw9t3RXJz
— Olga Misik (@thorkiman) March 16, 2022
Un tag brutal et encore humide qui jaillit peu après l'éructation télévisuelle de Vladimir Poutine, dévoilant au monde son ambition de pourchasser les «traîtres nationaux». Flanquée du «Z» des partisans de l'agression de l'Ukraine, cette menace frontale fait aujourd'hui ressurgir l'existence de cette nano-résistante russe au CV déjà bien chargé.
Il faut avouer qu'Olga Misik est une militante anti-Poutine plutôt précoce et coriace. A l'âge où ses congénères dodelinaient sur du Jay-Z en croquant dans un Big-Mac, elle avait déjà la police moscovite dans son dos et la Constitution dans ses mains. En 2019 (en tailleur et en gilet pare-balles), elle est devenue le symbole du mouvement pro-démocratie pour avoir récité, dans le calme, l'article 31 qui promet «le droit de manifester pacifiquement et le droit à la liberté d'expression». Elle soufflait alors ses dix-sept bougies.
Trois illustres syllabes plus tard, Olga Misik se faisait emporter par une houle de pions russes anti-émeutes, sous les caméras du monde entier et en marge d'élections parlementaires qui ont vu l'exclusion d'une poignée de candidats indépendants.
Pacifiste à tête dure et proche de l'opposant Alexeï Navalny, la jeune militante a passé sa (courte) vie à défier les autorités. Celle qu'on surnomme «l'adolescente du Tian'anmen russe», en référence à l'homme qui s'était dressé seul face à des tanks de l'armée chinoise, en 1989, ne compte plus les fois où ses convictions se sont cognées contre la justice. En 2019, et en trois mois, Olga Misik a été stoppée à quatre reprises dans sa course. Des arrestations en cascade qui n'ont jamais esquinté l'agile détermination de celle qui, pourtant, préfère lever le poing dans l'espace public que déposer des bulletins dans l'urne.
Dans la nuit du 8 au 9 août 2020, Olga arme une nouvelle fois sa douce colère, mais accompagnée, cette fois, de trois potes activistes. Objectif: vandaliser, à grandes giclées de slogans roses pink, un poste de contrôle devant le Parquet général à Moscou, histoire de braquer les regards occidentaux sur le sort des prisonniers politiques. Franchement douée lorsqu'il s'agit de marquer les murs et les esprits, la jeune femme est apparue à son procès, moins d'un an plus tard, déguisée en juge et prête à arroser l'audience de punchlines anti-Poutine d'une efficacité grinçante.
Verdict? Interdiction de quitter son domicile entre 22h et 6h du matin, mais aussi de déménager ou de quitter son quartier moscovite pendant deux ans.
C'est beaucoup pour une gamine qui, entre actions, arrestations et condamnations, est toujours parvenue à nourrir ses journées de copieuses banalités de son âge. Apéros entre copains, études de journalisme, humour noir et soutien actif à sa mère qui, aujourd'hui encore, tente d'échapper aux pinces du cancer.
La guerre menée par la Russie ne vient finalement que muscler une détermination qui ne date pas d'hier. Née dans la banlieue de Moscou en 2002, douée à l'école et follement éprise des bouquins de George Orwell ou d'Aldous Huxley, Olga a officiellement dégoupillé sa grogne contre l'injustice à l'âge de 16 ans. Ce qui a mis le feu aux poudres? Une annonce du gouvernement russe qui entendait repousser... l'âge de la retraite.
Aujourd'hui, Olga Misik ne lâche pas l'affaire, balance régulièrement des claques virtuelles à Poutine, s'engage (évidemment) contre l'invasion de l'Ukraine, et s'étonne même de gagner une ribambelle de nouveaux abonnés sur Twitter.
что происходит? что я пропустила? почему у меня за несколько часов на 20 тысяч больше читателей, чем было? pic.twitter.com/qBuCxjZZ1F
— Olga Misik (@thorkiman) March 21, 2022
Et si les soldats russes semblent désormais la considérer comme une «salope de traître», la jeune femme, qui n'a jamais abandonné sa verve taquine, propage une toute autre définition d'elle-même. Sur son compte Instagram, Olga Misik se définit toujours comme «la plus belle prisonnière politique».