Tim Cook ne pouvait manquer cela pour rien au monde. Dimanche soir sur la Croisette, escorté par Martin Scorsese, Leonardo di Caprio et Robert De Niro, le patron d'Apple avait de quoi bomber le torse. La projection de Killers of the Flower Moon, produit par sa firme, a emballé jusqu'aux plus rances des critiques de cinéma.
Le long-métrage est d'ailleurs en compétition officielle, un honneur systématiquement refusé aux produits Netflix. En salles le 6 octobre, le film viendra logiquement garnir sa plateforme de streaming, dans la foulée et par un ricochet stratégique et un investissement d'un milliard de dollars par an. Emballé c'est pesé (et plutôt élégant).
Le lendemain, juste le temps de s'enfiler trois coupettes, ce fut au tour du géant HBO de piquer toute la lumière cannoise, avec la projection des deux premiers et sulfureux épisodes de la série The Idol.
Et puis, mardi, le daddy du streaming, celui qui nous a offert nos premiers émois et nuits blanches avant de prendre un peu de bide(s), décide de casser l'ambiance. Fini de rire. Et de partager son compte avec tonton Patrick, si ledit Patrick ne squatte pas la chambre d'ami. Avec le même ton qu'un courrier de Sunrise annonçant une facture gonflée à cause de la guerre en Ukraine, Netflix sort son chapeau et court après notre argent.
Une «stratégie pour diversifier les revenus», qui sonne comme un très hautain à vot' bon coeur m'sieurs dames! et qui s'enfonce dans nos budgets comme une lame rouillée entre les omoplates. Si Netflix vient mendier quelques piécettes à «100 millions de foyers», c'est pour mieux divertir. Juré, craché. Autrement dit, c'est bien à cause de nous (et de tonton Patrick) si la plateforme aligne depuis plusieurs années les productions simplistes et boursouflées: «Plus de 100 millions de foyers partagent leur compte, ce qui affecte notre capacité à investir dans de grands films et séries télévisées.»
Dieu que ça manque de panache, de vision et, simplement, d'élégance. Un gainage administratif digne d'un rappel fiscal qui infecte une boîte aux lettres et qui pue la transpiration, comme l'avenir grisâtre. En face, comme un tacle finaud qui échapperait à la vigilance de l'arbitre, Apple (encore elle) vient de se glisser avec souplesse dans le catalogue de Canal+.
Le créateur du célèbre Toudoum marketing devrait le savoir: qui consomme paie, n'est pas toujours une règle d'or. D'autant plus quand la concurrence défile sur un tapis rouge dans lequel on se prend méchamment les pieds.