C'est en 2021 que le célèbre jeu de société a discrètement poncé ses règles du jeu. Désormais, des mots comme «bamboula», «bicot», «nègre», «poufiasse», «garce», «rital», «feuj», «chinoiser», «putassier», «bimbo», «travelo», «keuf», «beur», «cagole», «boche» ou «enculé» ne vous rapporterons plus aucun point et sont officiellement exclus du plateau. Enfin, si vous obéissez aux règles... à la lettre.
Une interdiction récente, non seulement sur votre table basse, mais aussi en compétition et dans le très disputé dictionnaire qui régit les tournois professionnels. Et c'est bien cette dernière précision qui crée des remous. Dans la boîte vendue en grande surface, «cette règle peut être ignorée des personnes qui jouent dans un cadre familial», rappelle Sylvain Ravot, un champion de Scrabble cité par L'Express.
Le journal français pointait mercredi ces récents changements qui, bien au-delà de l'intérêt peu discutable de maintenir des mots inappropriés, donnent naissance à des bras de fer musclés entre l'éditeur du jeu (Mattel), les joueurs professionnels, Larousse (qui édite L’Officiel du jeu du Scrabble), les membres du comité de rédaction et la Fédération Internationale de Scrabble Francophone.
Ça fait pas mal de monde autour d'un plateau qui est manifestement de moins en moins un simple jeu.
Au total, une vingtaine de mots devraient disparaître des compétitions dès 2023. Un changement suggéré par Mattel et contesté par son comité rédactionnel. Aux Etats-Unis, le débat fait rage depuis de longues années et s'est transformé en véritable guerre il y a vingt ans.
Comme l'explique L'Express, «lors d’une étape décisive d’un tournoi, en 2004, un joueur décide d’employer le mot "LEZ", abréviation américaine de "lesbienne".» Problème, le Scrabble était si populaire à l'époque dans le pays, que la chaîne de sport ESPN diffusait les tournois en direct. Le scandale avait mis définitivement fin à la retransmission des compétitions.
Mattel, la société qui gère les droits pour le monde, a mis son nez dans la version francophone pour éviter la même gabegie qu'aux USA. Résultat, c'est un linguiste qui a été chargé de pointer les mots «sensibles». Les membres du comité de rédaction auraient reçu 109 termes «problématiques» dans leur boîte mail, selon le journal français qui a pu jeter un oeil à cette fameuse liste.
Si la plupart des joueurs professionnels (16 000 en France) sont d'accord avec l'idée d'abandonner les mots qui «incitent à la haine et à la discrimination», ils pointent aussi quelques absurdités. Le mot «salope», par exemple, peut aussi être compris comme «salopé». Si la fédération a fini par cédé, selon L'Express, Hervé Bohbot rappelle que L’Officiel du jeu du Scrabble est sa source financière principale: «La FISF touche environ 2 euros de droits d’auteur à chaque vente de dictionnaire et il s’en achète environ 40 000 exemplaires.»
Le dictionnaire sortira en juin 2023, si tout se déroule comme prévu. (fv)