«Certains crimes dépassent l'entendement». Le procureur fédéral américain de Pennsylvanie ne croit pas si bien dire, dans un communiqué publié mercredi.
Il est vrai que les faits dont est accusé Cedric Lodge, 55 ans, sont glaçants. Selon les procureurs fédéraux, le responsable de la morgue de l'université de médecine a profité de sa position pour subtiliser des morceaux de cadavre pendant des années. Son butin? Des têtes, des cerveaux, de la peau ou des os. Autant d'organes et restes humains initialement donnés à la science pour la recherche et l'éducation médicales.
Cedric Lodge est également soupçonné d'avoir permis à des acheteurs de pénétrer dans la morgue pour choisir les parties qu'ils voulaient.
Sa femme, Denise Lodge, ainsi que quatre autres individus, ont été mis en examen. Les accusés faisaient tous partie d'un réseau qui achetait et vendait des restes humains, dérobés à la Harvard Medical School et dans une autre morgue de l'Arkansas.
Selon les procureurs, le couple Lodge a notamment expédié les morceaux à une certaine Katrina Maclean, 44 ans, propriétaire d'un magasin baptisé «Kat's Creepy Creations», dans le Massachusetts. Sur Instagram, la boutique fait la promotion de «créations qui choquent l'esprit et secouent l'âme», de «poupées effrayantes», «bizarreries» et «art osseux».
A l'été 2021, Katrina Maclean aurait notamment expédié de la peau humaine à un certain Jeremy Pauley, 41 ans, pour «tanner la peau pour créer du cuir», indique un acte d'accusation.
Selon le New York Times, Cedric Lodge a autorisé Katrina Maclean et d'autres individus à s'infiltrer dans la morgue pour choisir les pièces qu'ils désiraient. En octobre 2020, Katrina Maclean aurait notamment craqué pour deux visages disséqués, payés 600 dollars. Parmi les autres transactions: une note de service mentionnant une «tête numéro 7» à 1000 dollars ou une autre indiquant des «braiiiiiiins» («cerveauuuuux») à 200 dollars.
Mercredi, le procureur a dénoncé des actes «odieux» et «épouvantables». Il a promis que la justice sera rendue pour les «victimes» et leurs proches.
Même incompréhension du côté de la prestigieuse Harvard Medical School, l'une des plus réputées du monde. Dans un e-mail rendu public, titré «Une odieuse trahison», les doyens de la faculté ont exprimé leur «effarement» face à «quelque chose d'aussi troublant» sur un campus dévoué au soin et au service des autres.
Les deux doyens ne manquent pas d'ajouter que, selon les enquêteurs, Cedric Lodge aurait agi à l'insu de l'université. Quant aux autres personnes inculpées dans cette affaire, elles n'ont «aucun lien avec Harvard».
Embauché en 1995 au sein du programme de «dons anatomiques», Cédric Lodge était chargé de préparer et d'accepter les corps des donneurs, de coordonner l'embaumement, de superviser le stockage et le déplacement des cadavres et de préparer les restes à transporter vers un crématoire. Il a été licencié le 6 mai, selon la Harvard Medical School. Autant d'années durant lesquelles il a pu mener son macabre business, sans que qui que ce soit en soit informé.
Dans leur e-mail, les doyens ont déclaré que l'école avait travaillé pour identifier les cadavres donnés susceptibles d'avoir été touchés par le vol. (mbr/ats)