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Comment survivre à Noël avec sa tante complotiste?

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Comment survivre à Noël avec sa tante complotiste? «Il faut fixer des limites»

Noël est l'occasion de réunir des personnes qui ne se sont souvent pas vues depuis longtemps. Et les disputes sur des sujets controversés sont récurrentes. La psychologue Pia Lamberty explique comment éviter les prises de bec.
23.12.2022, 11:47
Miriam Hollstein / t-online
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Guerre en Ukraine, pandémie, crise énergétique — nous vivons dans un état de crise permanent. Le nombre de personnes qui croient aux conspirations augmente-t-il pour autant?
Pia Lamberty: Selon les études, la croyance abstraite en la conspiration n'a pas augmenté. On entend par là, par exemple, l'idée que «ceux d'en haut ont un grand plan pour exterminer tout le monde». Et pourtant, nous voyons de très nombreux facteurs qui laissent supposer qu'il y a quand même une augmentation. Ainsi, la violence politique a augmenté, mais aussi le nombre de manifestations et de demandes auprès des centres de conseil. Je pense donc que la mentalité conspirationniste était déjà présente chez les gens. Mais en raison d'une crise, elle gagne en importance pour sa propre identité et devient donc plus visible dans la société.

Pourquoi les gens croient-ils aux complots?
Le schéma de base est le suivant: on ne contrôle plus rien, on se sent impuissant et on essaie de compenser. On commence à voir des schémas là où il n'y en a pas. Les récits de conspiration ont une grande promesse: ils «expliquent» les choses, donnent ainsi une structure et une sécurité trompeuse. Des études suggèrent qu'en réalité, ils font le contraire. Ils renforcent la peur.

«Si je n'ose plus sortir de chez moi parce que je crois que les avions répandent du poison par chemtrails, je ne me sentirai certainement pas plus en sécurité»

Mais cela déclenche un sentiment de menace existentielle.
C'est précisément pour cette raison que les récits conspirationnistes sont dangereux à bien des égards; ils dépeignent l'image d'un monde apocalyptique. Ceux qui y croient considèrent généralement que l'environnement est hostile et sournois et ont en même temps le sentiment d'être les seuls à voir les choses «clairement».​

Mais il doit bien y avoir un avantage pour ceux qui y croient.
Des études montrent que la croyance en la conspiration est souvent prononcée chez les personnes qui ont un grand besoin d'être uniques. S'ils croient alors qu'ils sont les seuls à avoir compris comment les choses fonctionnent, cela sert ce sentiment.​

«Ce sentiment est renforcé par les applaudissements qu'ils reçoivent pour leur radicalisation dans certains cercles. Et par le rejet de leurs théories par les autres»

Avez-vous un exemple?
Prenons l'exemple d'Elon Musk. Après le rachat de Twitter, sa stratégie a fait l'objet de nombreuses critiques justifiées. Mais aussi de beaucoup d'applaudissements de la part de la droite. Musk s'est alors radicalisé. Soudain, il a par exemple diffusé des récits absurdes de conspiration sur l'attaque du mari de la politicienne américaine Nancy Pelosi.

Y a-t-il d'autres caractéristiques «typiques» des croyants en la conspiration?
Les personnes ayant un faible niveau d'éducation se sentent plus souvent attirées par les récits de conspiration. Non pas parce qu'ils sont moins intelligents, mais parce qu'elles se perçoivent plus souvent comme exclues. Le fait de partager une mentalité conspirationniste avec des personnes partageant les mêmes idées renforce alors le sentiment d'être spécial.

Que peuvent faire la société et la politique?
Le trio des fausses informations, de la désinformation et des récits de conspiration ne cessera de se produire. Et c'est un énorme danger. Nous avons donc besoin de contre-concepts systématiques, notamment dans le contexte des crises et des catastrophes. Il faudrait être capable d'informer rapidement la population en cas de crise concrète.

Est-il possible de sortir de la croyance en la conspiration?
C'est possible, mais il faut être prêt à reconnaître ses propres erreurs. Ce n'est pas souvent le cas. Même les proches ne peuvent rien y faire.​

À Noël, de nombreuses familles se réunissent. Comment réagir face à des proches qui répandent des théories du complot sous le sapin?
Il est important d'avoir une gestion réaliste des attentes. Noël est de toute façon souvent surchargé d'attentes et de stress. Entre la dinde de Noël et les pommes au four, il n'est pas réaliste de vouloir déradicaliser les membres de la famille qui ont pris le mauvais tournant.

Alors, il suffit de serrer les dents et de ne rien dire, pour le bien de la paix?
Il faut d'abord réfléchir à une stratégie. Où sont mes limites, comment puis-je réagir calmement lorsqu'elles sont dépassées?​

«Si l'on élève la voix de manière incontrôlée, on passe rapidement pour un fauteur de troubles»

Au lieu de cela, on peut apaiser la situation grâce à un «ça ne correspond pas à mes valeurs», pour mettre fin à la discussion. Il est utile également de s'allier avec un autre membre de la famille (un cousin, par exemple) qui défend les mêmes idées. Si la situation devient délicate, il peut aussi voler à votre secours et peut-être désamorcer un échange musclé, car il a une toute autre relation avec la personne qui n'est pas du même avis que vous.

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