Son personnage de Chouchou allait à l’église. Tout dans la vie et la foi de cet homo maghrébin découvrant Paris était déjanté. Vingt ans plus tard, dans «Reste un peu», aujourd’hui sur les écrans romands, Gad Elmaleh, à la réalisation du film, retourne à l’église. Pour de vrai. Pour de faux. On ne sait trop. Cette comédie est présentée comme une autofiction. Gad Elmaleh y joue son propre personnage. Ses parents sont interprétés par ses propres parents. La trame est à l’image du parcours spirituel de l’humoriste dans la vie réelle: le fils, la cinquantaine, juif séfarade originaire du Maroc, élevé dans la tradition, veut se convertir au christianisme. Au grand dam des parents.
Non, ce n’est pas une blague. En promo sur les plateaux télé, Gad Elmaleh confirme son attrait pour le catholicisme, sa passion pour la Vierge Marie. Dans la «communauté», présents sur les réseaux, des rabbins 2.0 s’étranglent: Gad, tu trahis les tiens. «Tu veux déstabiliser la foi juive qui a été la garantie de notre existence jusqu’ici. (…) Ce que tu fais est extrêmement grave», lui reproche le rabbin David Touitou dans une vidéo postée sur Facebook. Le religieux aux 25 000 followers craint que Gad Elmaleh, issu du traditionalisme juif, ne sème le doute chez des coreligionnaires en raison de sa notoriété.
Tout est parti d’une affirmation du réalisateur et comédien, le 6 novembre, sur CNews, dans l'émission «En quête d'esprit». Il y raconte qu’enfant, à Casablanca, au Maroc, où il a grandi, ses parents lui interdisaient d’entrer dans l’église devant laquelle il passait chaque jour pour se rendre à l’école. Sa sœur, alors, abondait dans le même sens:
Evidemment, il y entra un jour, dans cette église. Et cela lui fit quelque chose. La Vierge (Freud a certainement tout dit à ce propos) retint particulièrement son attention. Gad Elmaleh impute aujourd'hui l’interdit parental de l’époque à des «superstitions» au sein de la communauté juive.
«Non, Gad», l’a repris le rabbin David Touitou dans sa vidéo. C’est la Torah, la bible hébraïque, qui interdit aux juifs d’entrer, non pas nommément dans les églises, qui par définition n’existaient pas avant Jésus-Christ, mais dans «les lieux d’idolâtrie». Or, une église, reprend le rabbin, non sans faire valoir ses bonnes relations avec les chrétiens et les musulmans, est par principe un lieu d’idolâtrie, comme l’est un «temple Shaolin», soutient-il. Ce n’est pas le cas d’une mosquée, ajoute-t-il, attribuant à l’islam le label du monothéisme qu’il ne reconnaît donc pas au christianisme.
Le rabbin jette son va-tout dans la conclusion de son intervention, à mi-chemin entre casse-tête et western-boulettes:
Alors que le rabbin Touitou parsème d'humour son «rappel» à cette âme égarée qu’est Gad Elmaleh, son confrère, le rabbin Ron Chaya, toujours sur Facebook, n’en met aucun dans le sien. Il accuse l'acteur et réalisateur de faire du «prosélytisme pernicieux» pour le christianisme en se réclamant de l’enseignement juif. Moralité, tonne le rabbin en colère: à entendre Gad Elmaleh, le judaïsme mènerait logiquement au christianisme. Inacceptable.
watson a approché les rabbins des communautés israélites de Genève et Lausanne, tous d’eux d’obédience orthodoxe. Ils réservent leur réponse. Rabbin de la communauté juive libérale de Genève, François Garaï a accepté de répondre sans délai sur le caractère prétendument idolâtre d’une église:
Sur la chaîne israélienne I24News, Gad Elmaleh l’a reconnu: «J’entends que ça se crispe dans la communauté juive.» Ajoutant:
D’où vient cette crispation? «Dans une partie de la communauté juive, il y a une mythologie autour du goy, c’est-à-dire l’autre, qu’on imagine comme étant un monstre. Il arrive que des parents mettent en garde leur garçon devenu ado contre des rencontres avec des femmes manipulatrices, qui pourraient le détourner de sa mission, qui est de préserver le peuple juif», explique Noémie Halioua, journaliste à I24News.
A propos du rabbin David Touitou, l’un des pourfendeurs de Gad Elmaleh, la journaliste, auteure du livre «Les uns contre les autres – Sarcelles, du vivre-ensemble au vivre-séparé» (éditions du Cerf), dit encore:
Bon film!