L'autre jour, il s'est passé un truc rigolo dans la rédaction de watson. Mes collègues Fred et Marie-Adèle débarquent dans l'open space. Entre un café et un rire gêné, ils constatent qu'ils sont tous deux vêtus d'un t-shirt à l'effigie d'Iron Maiden.
S'en suit un débat animé pour déterminer si le port du t-shirt d'un groupe dont on n'a jamais écouté la musique, relève de l'appropriation culturelle.
Depuis quelques années, le t-shirt de fan n'est plus l'apanage des fans. Kim Kardashian, Kendall Jenner & consoeurs en ont fait une pièce phare de leur dressing.
Qu'importent les polémiques. En bonnes influenceuses qui se respectent, les stars d'Instagram ont réussi à insuffler la tendance chez nous, millennials innocents. Un bon filon fleuré par les grandes enseignes. En 2022, pour vous procurer votre propre t-shirt de vieux groupe de rock ou de metal, rien de plus simple.
Pianoter «t-shirt rock» sur Google et faire son choix sur Zalando suffit.
On en oublierait presque la valeur sacrée du t-shirt de fan.
Pour comprendre, je décroche mon téléphone à la recherche d'un fan. Un vrai.
«Le t-shirt de groupe, à une époque, ça voulait dire quelque chose», m'explique Frank Matter, animateur et programmateur musical sur Couleur 3. «Ce n'était pas seulement esthétique, il y avait un vrai message. Grâce au merchandising, on revendiquait son mouvement, son appartenance: les hardeux, les new wave, le rock psyché ou punk...».
Sans compter la démarche qui se cache derrière le vêtement: «Partir entre potes, prendre le train, dormir à la gare, voir le concert et foncer au shop pour acheter son t-shirt ou son bonnet officiel... c'était une petite aventure. Ensuite, je gardais mon t-shirt pendant deux ans.» D'ailleurs, il le porte encore? «Non, malheureusement. Ma mère a tout bazardé il y a trente ans. J'aurais bien aimé les avoir gardés.»
«Je me demande si cette abondance, dans la mode comme dans la musique, ne tue pas la surprise. Comme on peut tout avoir, on se lasse plus vite. Avant, un album tu l’écoutais en boucle pendant deux mois. Un t-shirt, cela signifiait un truc pour la vie», déplore notre fan des Red Hot (entre autres).
Toutefois, Frank Matter ne néglige pas le rôle de la pop culture pour transmettre les classiques: «Regardez la reprise de Metallica dans la dernière saison de Stranger Things: ça a permis à plein de p'tits jeunes de les découvrir et de faire revenir le groupe en top des charts».
Alors, le t-shirt de fan sur le torse des incultes, il est pour ou contre? Soupir au bout du fil. «Je suis partagé», admet-il. «Si Kylie Jenner avec un t-shirt de Slayer peut pousser au moins une personne sur vingt à aller plus loin, taper sur YouTube et découvrir le groupe, pourquoi pas.»
Et si, comme moi, vous faites partie de ces inconscients qui se trémoussent en t-shirt Gun'N'Roses sans en connaître les paroles, voici quelques tips prodigués par la prêtresse du style australienne et musicienne Jane Rocca dans le Sydney Morning Herald: «Si vous êtes rock'n roll jusqu'à l'os, portez-le en conséquence - avec un jean, des baskets, des talons hauts et une veste en cuir - tout ce qui flotte sur votre barque».
«N'oubliez pas que porter un t-shirt de groupe est une forme de promotion, alors assurez-vous d'être un vrai fan», conclut-elle.
Madame Figaro y va aussi de son conseil: d'abord, «mieux vaut connaître la chanson». D'accord. Ensuite? «Mieux que le tee-shirt de Cure vendu chez H&M, celui chiné après un concert ou acheté vintage, sur une tournée des années 1980. Born to be wild... Seuls les vrais savent.»
Ok, je ne suis pas une vraie. Mais, au moins, maintenant, je sais.