Société
Sexe

«Baiser, on adore ça»: Budapest, tremplin pour les acteurs porno

Budapest
Image: Slate

«Baiser, on adore ça»: Budapest, ville tremplin pour les acteurs porno

Connue depuis la décennie 1990 en Europe pour son industrie pornographique, la capitale hongroise accueille chaque année des centaines de jeunes acteurs qui cherchent à faire décoller leur carrière naissante.
01.08.2022, 15:5201.08.2022, 15:53
Victoria Lavelle / slate
Plus de «Société»
Un article de Slate
Slate

Irina* et Alberto, 25 et 28 ans, sont assis sur le canapé de la suite luxueuse d'un hôtel du VIIe arrondissement de Budapest. Blottis l'un contre l'autre, les mains entremêlées, ils ont les yeux rivés sur Instagram. À côté d'eux, Alexandra*, une rousse à la silhouette élancée, se fait maquiller. Le tournage va commencer. Ils sont tous acteurs porno et travaillent dans la capitale hongroise depuis quelques mois.

Le porno comme objectif de carrière

Alberto raconte:

«On a toujours été très actifs sexuellement. Baiser, on adore ça. On a commencé il y a un an à faire des vidéos que tous les deux et, il y a six mois, on a déménagé ici»

Avec Irina, ils se sont rencontrés à Madrid, où ils fréquentaient le même groupe d'amis, et sont tombés amoureux.

Dès qu'on les voit, on ne peut s'empêcher de se dire qu'ils ressemblent à des beautés de magazine. Elle, physique de mannequin: yeux de biche, cheveux longs teints en blond, bouche pulpeuse. Lui, gabarit de bodybuilder: muscles saillants, marcel et short de sport. Ils vivent tous les deux dans un joli appartement du centre de la ville avec Leia, leur pitbull nommé ainsi d'après la princesse de Star Wars et adopté en Hongrie à leur arrivée.

Alberto, gabarit de bodybuilder, et Irina, physique de mannequin, se sont installés à Budapest pour percer dans le milieu du porno.
Alberto et Irina se sont installés à Budapest pour percer dans le milieu du porno.Image: Slate

Irina a fait des études de droit en Espagne, où elle vivait chez ses parents médecins. Quand on lui demande si sa famille est au courant de sa profession actuelle, elle répond:

«Ma sœur a vu des vidéos de moi sur internet et a averti mon père. Mes parents ne me parlent plus. Ils sont très stricts, ils ne me laissaient jamais sortir m'amuser, je devais tout le temps travailler. Le porno a été un moyen de gagner mon indépendance»

Alberto est également issu d'un milieu aisé: des parents hauts fonctionnaires, une scolarité bilingue, des séjours aux États-Unis tous les ans. Sur ses bras, des tatouages à demi effacés, qui datent de l'époque où il voulait être militaire. Avant le porno?

«Je ne faisais pas grand-chose. J'étais dealer, je me défonçais à la cocaïne et autres substances»

Le rêve américain

À Budapest, les conditions sanitaires sont irréprochables (il faut faire un test pour repérer les IST tous les quinze jours), et il y a pléthore d'agences et de boîtes de production. L'industrie du porno y est bien plus professionnelle qu'en France, où seuls Dorcel et Jacquie et Michel s'imposent face à des milliers de contenus amateurs.

Mimi Cica, actrice finlandaise âgée de 24 ans, s'est également installée à Budapest il y a un an. Le lycée terminé, elle s'est mise à enchaîner les petits boulots après des fiançailles annulées. Auxiliaire de vie pendant le premier confinement, elle a perdu son travail et commencé à publier des vidéos.

«J'ai toujours été très sexuelle. J'avais des orgasmes à 8 ans! Dès ma majorité, je postais des nudes [photos dénudées, ndlr] sur Instagram. Avec mes amis, on rigolait en disant que j'allais devenir actrice porno, ce que j'ai finalement fait»
Mimi Cica

Pour elle, partir à Budapest était obligatoire: «C'est là qu'on trouve le plus de travail et qu'on peut se faire repérer par des producteurs américains.» Les États-Unis? Elle en rêve. Pour les acteurs, La Mecque s'appelle Los Angeles: meilleurs tarifs, meilleur encadrement, meilleurs agents.

Selon les dires de la jeune actrice, les conditions de travail y sont plus sûres. Si elle affirme ne jamais avoir été victime d'abus pendant l'un de ses tournages, l'aspect «procédurier» des studios américains représente à ses yeux une sécurité.

«En Amérique, toutes les pratiques sont stipulées avant le tournage. Pour une actrice, c'est un véritable avantage, cela permet d'écarter tout abus»
Mimi Cica

A contrario, rares sont les productions européennes à mentionner avec précision et à l'avance les pratiques attendues pour une scène.

OnlyFans: se faire repérer et gagner des sous

En parallèle de ses tournages, Mimi Cica entretient et anime scrupuleusement ses réseaux sociaux. Le téléphone scotché à sa main, elle scrute machinalement sa page Instagram. Elle explique:

«Les réseaux sociaux, c'est notre vitrine. D'un côté, nos fans suivent notre carrière et peuvent avoir un aperçu de notre travail. De l'autre, c'est aussi un moyen de se faire repérer par des producteurs ou des studios»

Ces plateformes sont désormais essentielles pour les acteurs pornos. Ils dirigent leur public vers leurs comptes OnlyFans. Le site, hébergé à Londres, est un réseau social fonctionnant sur abonnement. Les créateurs de contenus perçoivent une rémunération grâce aux abonnements contractés par les utilisateurs.

Les professionnels du X ont tous leur compte personnel. Monnayant quelques dizaines d'euros, leurs fans peuvent accéder à l'ensemble de leurs contenus. Concernant les revenus dégagés par cette activité en ligne, les acteurs restent tous discrets. Dans un milieu où le sexe est omniprésent, l'argent est tabou.

Sodo, boulot, dodo

Le Français Pierre Woodman est, avec Rocco Siffredi, un acteur mondialement connu installé à Budapest. Ils sont autant adorés que décriés. Ancien policier, Pierre Woodman a fondé sa société de production et vit en Hongrie depuis vingt-neuf ans. Il réalise, produit et n'hésite pas à passer devant la caméra.

Ce qu'il préfère? Initier de jeunes actrices à la pénétration anale et autres pratiques réputées difficiles. «C'est l'un des producteurs qui paie le mieux», assurent Dorian et Cassie, couple d'acteurs passés par Budapest et maintenant expatriés aux États-Unis. Mimi, Irina et Alexandra font partie de ces centaines de «Woodman girls», dont les minois et performances sont classés par catégories sur son site internet, sur lequel un abonnement est obligatoire pour accéder aux contenus.

Ce jour-là, la Woodman girl, c'est Baby Kxtten, une Anglaise de 22 ans. Elle ne vit pas à Budapest, mais multiplie les allers-retours:

«Je voyage tellement que quand je suis en Angleterre, j'ai l'impression d'être en vacances
Baby Kxtten

Ongles manucurés, faux cils, cheveux longs, roses tatouées sur les cuisses, elle se fait maquiller par Gabi, maquilleuse avec qui Woodman travaille depuis plus de vingt ans.

Baby Kxtten est une Woodman girl. Avant sa scène, l'Anglaise de 22 ans se fait maquiller par Gabi, make up artist avec qui Pierre Woodman travaille depuis vingt ans.
Baby Kxtten et Gab.Image: Slate

Seule imperfection sur son physique harmonieux: des marques de brûlure sur les fesses, survenues après le tournage d'une scène de carpet fucking («sexe sur tapis»). Ni une, ni deux, Gabi se saisit d'un rouge à lèvres, avec lequel elle écrit slut (salope) pour cacher ces marques que l'on ne saurait voir. Pierre Woodman, ravi, s'empresse de prendre un selfie à côté du postérieur peinturluré de l'actrice, qui s'en amuse.

«Quand je me fais prendre, je pense à mes courses»

Debout devant la maquilleuse pour une ultime retouche fessière, Baby Kxtten répond, face caméra, aux questions du producteur: «Es-tu d'accord pour une double pénétration vaginale et anale?», «oui», «pour une double anale?», «oui», «pour des claques sur le corps et le visage?», «oui».

De l'autre côté de la suite d'un hôtel chic de la capitale hongroise, située sous les combles à l'abri des regards indiscrets, deux acteurs patientent. Dernière étape avant de commencer à tourner: les échanges de tests IST. Le chef assure avec fermeté:

«Un faux certificat, et l'acteur se fait radier du milieu»

Le bouton REC d'une petite caméra est enclenché, le spectacle commence: corps galbés, effluves de lubrifiant et de fluides corporels, pubis rasés, plaisirs simulés. Deux hommes, une femme et un fantasme bien connu: celui du plan à trois. Entre deux insultes sexistes s'enchaînent les fellations, les positions acrobatiques, les cris bestiaux. Une heure de show. Car le porno, c'est avant tout de l'acting.

«Quand je me fais prendre, je pense à mes courses, ou à ce que je vais faire après»
Irina

Quant au plaisir, il n'a pas sa place dans un tournage, «à part peut-être quand je jouis, mais c'est vraiment minime», précisait Alberto.

Une fois la scène terminée et les gémissements tus, les acteurs prennent une douche fraîche avant de se rhabiller, récupèrent leur cash, se font la bise et rentrent chez eux ou partent déjeuner entre collègues. Une journée classique, en somme.

Dopage et stéroïdes

Marcus* approche de la trentaine et rêve lui aussi d'une carrière internationale. Les États-Unis sont son eldorado. Pour atteindre cet objectif, il ne recule devant aucun sacrifice. Assis dans son salon aux côtés de sa petite amie, un joint dans une main et un verre de bière dans l'autre, il reconnaît s'injecter des stéroïdes, afin de préserver son corps sculpté de longues heures en salle de musculation.

Tout en discutant, Marcus regarde sa montre. Discrètement, il sort d'une étagère une seringue et va chercher un flacon dans son réfrigérateur. L'air de rien, il confirme que le produit est un stéroïde. Il pose son joint, se tourne vers celle qui partage son quotidien. Sans un mot, elle se saisit de la seringue et lui injecte le précieux liquide.

Chez l'acteur, les injections de stéroïdes se doublent avec celles de produit dopant pouvant allonger la durée d'érection lors des tournages. Marcus admet sans gêne prendre un trimix, c'est-à-dire un mélange de trois médicaments injectables, utilisé pour traiter la dysfonction érectile. Ce qui lui permet de faire durer ses érections pendant plusieurs heures.

Sous le manteau, les 10 ml se négocient aux alentours de 400 euros. La liste des effets secondaires est longue: troubles du métabolisme et de la nutrition, affection du système nerveux, risque d'arrêt cardiaque, etc. Mais ces complications n'inquiètent pas Marcus.

«C'est le prix à payer pour percer dans ce monde»

Concernant la manière dont il se procure le produit, il reste silencieux et se contente de dire qu'il «connait quelqu'un qui s'occupe de ça pour lui».

Malgré les normes de beauté parfois insupportables auxquelles il faut obéir, les risques sanitaires liés aux piqûres, les tournages difficiles et l'incompréhension, qui peut être totale, de leur famille, les acteurs et actrices s'accrochent.

Dans le futur, Alberto aimerait produire ses propres films, et Irina devenir actrice, «comme cette ex-pornstar américaine [Chloe Cherry, ndlr] qui a joué dans Euphoria», une série américaine à succès. Mimi vise les États-Unis, ou une carrière à la Erika Lust, réalisatrice de porno féministe. Baby Kxtten, elle, pense à court terme:

«Je pars à Paris à la fin du mois avec une amie du X, je n'y suis jamais allée. On me dit que ça ressemble à Londres»

*Les prénoms ont été changés.

Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original

31 photos d'hôtels incroyablement moches
1 / 27
31 photos d'hôtels incroyablement moches
partager sur Facebookpartager sur X
Les «life hacks» de cet influenceur vont changer votre vie
Video: watson
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Voici la photo de presse de l'année et elle va vous briser le cœur
Le jury du concours «World Press Photo» a désigné un cliché de Mohammed Salem, pris à Gaza, comme étant la photographie la plus marquante de l'année.

C'est une photographie bouleversante. L'image montre une Palestinienne endeuillée, tenant dans ses bras sa petite nièce, tuée lors d'une frappe israélienne dans la bande de Gaza. Ce cliché, dont la composition rappelle étrangement un tableau de peinture classique, a remporté jeudi le premier prix du World Press Photo. Ce concours récompense les photoreportages du monde entier.

L’article