Pas de dragon, de roi déchu, d'héroïne en latex, de drogue à fond de caravane, de superflic dépressif, de cascades improbables ou de violence crue. Le scénario est introuvable et les dialogues ne dépassent jamais l'art flasque du small talk. Du sexe? Carrément. Mais, hormis deux jeunes escortes aussi surprises qu'effrayées par leur propre pouvoir, la chimie maladroite des corps se contente la plupart du temps de couler à marée basse.
Comment une série dont la saveur des ingrédients semble tutoyer celle d'une charbonnade végane a pu devenir ce véritable phénomène de société? The White Lotus, depuis sa première saison à Hawaï, barbotte dans un plébiscite quasi incontesté et en flux continu. Jusqu'aux récompenses méritées pour sa deuxième saison, aux Golden Globes 2023 la nuit dernière. Du jamais vu.
Alors que tout est fait pour qu'on s'ennuie ferme, c'est pourtant bien un désir intense qui réunit cette insupportable clique dans un luxueux complexe hôtelier. Nichée sur un promontoire rocheux de Sicile, cette collection de chairs humaines, gavées de thunes et de douleurs contemporaines, vendraient leur maman pour un peu d'amour. Certains y goûtent dans une levrette tarifée, un verre de rouge partagé, un sourire appuyé. Mais toute tentative de joie simple ou d'orgasme ordinaire se retrouve irrémédiablement lestée par une flemme de vivre.
The White Lotus affiche des riches peu enviables, profitant d'une semaine de vacances pour côtoyer leur imposante existence. Comme on s'endort devant un coucher de soleil. Le constat est drôle, alarmant, cynique: la réussite professionnelle ne remplit pas les cœurs, les yachts sont des antidépresseurs qui flottent et la gloriole sociale ne sait pas sucer. Ici, l'argent ne fait même plus le bonheur de ceux qui en manque. Qu'on soit une jeune escorte locale, un pianiste lubrique ou un réceptionniste amoureux.
L’Aventura (1960)
— Suki Bellati✨ (@SukiBellati) January 3, 2023
The White Lotus (2022) pic.twitter.com/L0JjNrjeOI
Le réalisateur Mike White réalise en fait un exploit. En nous laissant nous démerder devant tant de tristesse sexuelle, il donne un violent coup de sac au concept d'empathie. Si bien qu'on se retrouve à s'attacher solidement à la totalité des personnages. Nous voilà à trouver des excuses aux connards bien montés, à comprendre cette jeunesse encombrée par les injonctions à la bienveillance, à plaindre un patriarcat embourbé dans ses vieux fantasmes.
On en oublierait presque que cette deuxième saison démarre par des cadavres alignés sous le soleil sicilien. Tant pis. Seul importe ce voyeurisme sordide et délicieux devant le talent des protagonistes à souffrir si bien, si souvent, si bruyamment de leurs privilèges.
Grâce à son écriture à la fois fine et intense, Mike White dissèque finalement avec brio le désir en demi-molle qui nous envahit quand on déroule notre flux Instagram en plein mois d'août. Quand elle se sent épiée, la libido s'achète aussi mal que le bonheur.