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BHL en Ukraine: Faut-il vraiment se moquer de son costard?

Où est le vrai Bernard-Henri Lévy (BHL)?
Où est le vrai Bernard-Henri Lévy (BHL)?Montage trouvé sur twitter

Faut-il vraiment se moquer de BHL en Ukraine (et en costard)?

Bernard-Henry Lévy, célèbre philosophe aussi parisien que télégénique, revient d'un reportage en immersion sur le front ukrainien. Si son long récit est à lire dans Paris match cette semaine, c'est plutôt son costard de dandy va-t-en-guerre qui fait causer. Encore une fois. Sur les réseaux sociaux. Et si BHL n'avait non seulement pas tort et, surtout, rien inventé?
22.09.2022, 16:5925.09.2022, 10:11
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«Face à la sidérante nullité de la soldatesque russe, l’Ukraine va gagner.» Bien sûr, il faut savoir se farcir le romantisme guerrier qui infeste les analyses du personnage, par ailleurs furieusement affirmatif.

Nous parlons ici de Bernard-Henri Lévy. BHL, pour les intimes (nous le sommes tous ou presque). Un philosophe télégénique, un baroudeur à quatre épingles et, accessoirement, le co-acteur principal de son couple germanopratin qu'il forme avec la fantasque Arielle Dombasle.

«De notre envoyé spécial en Ukraine Bernard-Henri Lévy»

Son truc à lui? Fourrer son nez dans les plaies du monde (et du moment). Toujours sur place, toujours sûr de lui. Or, il suffit que le septuagénaire (!) dégoupille costard, ego et mocassins sur une zone en conflit, pour que le public dégaine captures d'écran et rires gras.

Logiquement, depuis que Poutine a décidé de sortir les tanks en février dernier, c'est en Ukraine qu'il empile les reportages, pour ensuite les encrer en exclusivité sur le papier glacé de Paris match. Oui, le magazine qui, jusqu'en 2008, marquait son œuvre du célèbre sceau «Le poids des mots, le choc des photos». (Le hasard n'existe pas.)

Mercredi, le philosophe-écrivain-cinéaste-penseur-homme d’affaires-chroniqueur français a réitéré l'exercice avec un reportage fleuve humblement baptisé Avec BHL en Ukraine, à l'heure de la reconquête. Il y parle de la guerre et de lui. Ou de lui et de la guerre. L'un n'ira jamais sans l'autre. Et personne ne pourra jamais rien contre cela.

C'est de notoriété publique depuis des lustres: Bernard-Henri Lévy n'a pas pour habitude de cacher son «Je».

Et c'est précisément ce qui lui vaut (à chaque fois) une belle collection de railleries: sa mise en scène de lui-même, loin de la chaleur privilégiée de ses draps en soie, mais blotti contre le treillis de ceux qui jonglent avec les gouttes de sueur et de sang. C'est bien simple, une fois dans les tranchées, dès que BHL est sur son trente-et-un, les internautes sont pliés en quatre.

Non seulement l'homme ne semble pas rancunier, mais c'est souvent lui qui pousse le bouchon suffisamment loin et avant tout le monde.

«Pathétique» et «grotesque»» sont effectivement les deux adjectifs qui sautent à l'esprit. Imaginer un vieil intellectuel en veston sans pli dans le tumulte d'une guerre véritable n'est pas une image qui se laisse facilement digérer. Mais serait-il plus crédible en tenue d'assaut? Rien n'est moins sûr. On ne le rêve pas non plus en Stan Smith ou en survêtement. On l'aimerait en retrait. Planqué derrière son sujet.

Johnny Depp = BHL?

Si Bernard Henri-Lévy n'affichait pas sa belle tignasse grisonnante sur chaque ligne de front, on le laisserait sans doute torcher des reportages de guerre sans pouffer sur son épaule(tte). Or, ce qu'il livre sporadiquement à Paris match, une fois de retour d'Ukraine, ne se croque pas sans ce gros morceau de l'intime. Une technique qui porte d'ailleurs un nom: le gonzo journalisme. Né 50 ans avant le très actuel personal blogging (et branding), le «gonzoïsme» se base sur deux principes fondamentaux: la subjectivité et l'incarnation. Le journaliste fait partie de l'article en déroulant son histoire à la première personne. Johnny Depp dans le film Las Vegas parano, ça vous rappelle quelque chose? Dans la vraie vie, le fameux Raoul Duke n'est autre que le reporter américain Hunter S. Thompson, patron de ce type de reportage «par-dessus la jambe».

A gauche: Hunter S. Thompson incarné par Johnny Depp. A droite: le vrai Hunter S. Thompson.
A gauche: Hunter S. Thompson incarné par Johnny Depp. A droite: le vrai Hunter S. Thompson.

Et Hunter S. Thompson avait sa propre définition de cette pratique:

«Le reportage gonzo allie la plume d'un maître-reporter, le talent d'un photographe de renom et les couilles en bronze d'un acteur»

Certes, Bernard-Henry Lévy, lui, peut se payer le luxe d'emporter un grand photographe dans ses bagages ukrainiens: Marc Roussel, la soixantaine tout aussi aventureuse et qui a bossé plusieurs fois sur le terrain avec le philosophe.

La subjectivité de BHL, quand il colle au train d'un bataillon ukrainien (qui pourrait avoir autre chose à foutre que de rassasier le reporter), se lit dans son impression, son sentiment ou son analyse personnelle des événements. Comme ici: «La ville de Kharkiv, au premier coup d’œil, est l’une des plus éprouvées par la guerre». Et c'est précisément le coup d’œil du télé-philosophe qui nous fait visiter les ruines dans le récit livré, mercredi, à Paris match.

Pour les uns, ce n'est pas du journalisme et c'est même l'ennemi numéro un de la vérité, des faits, froids et implacables. Pour beaucoup d'autres, le gonzo n'est qu'une technique qui permet de plonger plus facilement au cœur du reportage, dans lequel le journaliste n'est rien d'autre qu'un filtre, un guide, une porte d'entrée. Le média Konbini, puis les bébés reporters biberonnés par Yann Barthès, sont souvent en équilibre sur le même fil. Jusqu'aux youtubeurs, qui ne peuvent s'empêcher d'apparaître dans ce qu'ils veulent nous faire découvrir, sans toutefois porter toujours l'ambition d'y fourrer leurs «couilles en bronze».

«Les reportages de Martin Weill», sur TMC. Le journaliste est un ancien de Yann Barthès.
«Les reportages de Martin Weill», sur TMC. Le journaliste est un ancien de Yann Barthès.

Lorsqu'on reproche son costard de guerre à BHL, c'est finalement sa subjectivité qu'on condamne. Le riche parisien n'a rien à faire à côté des héros de la guerre. Or, loin de n'être qu'un bête shooting de nanti sous les bombes, son travail se lit comme un récit. Et c'est l'histoire d'un type qui a véritablement passé plusieurs semaines au front de guerre. Le reste, comme toujours, devrait se juger sur pièce, en lisant l'article dans Paris match.

Peut-être que, parfois, l'habit n'est pas obligé de faire le moine.

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