Il était une fois un «power couple». Le plus bandant, le plus riche, le plus désirable de la planète. Une union idyllique de dix années, suivi d'un divorce sanglant, qui traîne depuis sept ans. Difficile, à présent, de ne pas associer les Brangelina à un énorme gâchis. Un amas de ruines dorées, d'amertume et de douleurs inutiles, entre les vignobles français et la colline d'Hollywood.
Il semble loin, en effet, le temps des étincelles. Comme le conte de Blanche-Neige, on connait l'histoire par cœur. La rencontre explosive, sur le tournage de Mr&Mrs Smith (2005) entre le beau blond talentueux au verbe châtié, débarqué du Missouri, et la punkette infréquentable, magnétique, tatouée mais oscarisée.
Une passion écrasante, qui dévore tout, du mariage de Brad Pitt avec la «chouchoue de l'Amérique», Jennifer Aniston, à l'opinion publique bien pensante, forcée de faire le deuil de son couple préféré.
Le public oubliera vite. Bientôt, le monde entier sera obsédé par ce nouveau duo d’amoureux, alors à la quintessence de sa beauté et de son influence.
Un physique de dieux grecs et de l’électricité dans l'air. La recette miracle pour les tabloïds, qui se régalent des détails délicieusement scabreux de ce couple qui, quand il fait l'amour, «ressemble à des animaux blessés, comme si quelqu'un était tué», s’excite le New York post. L'épisode des cris passionnés qui, en 2005 et au milieu de la nuit, alarment le personnel d'un hôtel kenyan aux suites à 2000 dollars la nuit, aura peut-être une place dans les livres d’histoire contemporaine. C'est Angelina qui permettra aux paparazzi de les prendre en flagrant délit d'amour familial sur une plage africaine.
L'entité qu’on surnomme déjà «Brangelina», comme un tout indissociable, gobe la lumière. Acteurs confirmés, «étoiles massives» chacun de leur côté, qui cumulent chacun les récompenses et les succès au box-office, ensemble, leur force est démultipliée. Et comme cela ne suffit pas, les voilà justiciers en croisade humanitaire, pour rendre le monde meilleur.
Tout conte de fées serait incomplet sans «beaucoup d’enfants». Au fil des adoptions et des naissances, Maddox, Zahara, Pax et Shiloh se greffent à l'entité. D’un couple à la sexualité débridée, presque sauvage, les Brangelina bâtissent dans l'imaginaire collectif l’image d’un couple à la stabilité rassurante.
Quel plus bel écrin pour accueillir cette joyeuse tribu qu'un château français, niché au cœur d'un vignoble de 400 hectares? En 2008, conquis par ses champs de lavande, ses pierres centenaires, ses chênes et ses oliviers, le couple adopte Miraval. Un domaine viticole au cœur de la Provence, qui comprend une exploitation de vin, un manoir de 35 pièces et même un studio d'enregistrement.
Miraval, une «lettre d'amour» de Brad à sa femme et ses enfants, pour leur «offrir une belle vie» et les «protéger des pressions intenses de la célébrité», confie un proche de la famille à Vanity Fair, dans une longue enquête publiée début juin.
Avant, il y a encore quelques belles années. La naissance des jumeaux, Knox et Vivienne, à l'hôpital de Nice. Les bouteilles de rosé sifflées sur la terrasse avec Quentin Tarantino, pour aboutir à la signature du contrat de Brad Pitt pour son rôle dans Inglorious basterds (2012). Sans oublier leur investissement mutuel dans la fondation Jolie-Pitt, les voyages humanitaires d'Angelina pour l'Organisation des nations unies (ONU), l'implication grandissante de Brad dans son vignoble.
Et, enfin, le mariage, célébré le 23 août 2014, devant une petite poignée d'invités, avec lancers de pétales, verres de rosé Miraval et jus de rose bosniaque sans alcool.
Sous le vernis, pourtant, les premières fissures, les disputes. Brangelina se jure de ne jamais se prendre la tête devant les petits. Le soir du 13 septembre 2016, la famille se réunit autour d'une longue table extérieure, sur les pelouses de Miraval. Ils ne le savent sans doute pas encore, mais les Jolie-Pitt partagent leur dernier dîner tous ensemble. Ils doivent repartir dès le lendemain pour les Etats-Unis.
Le 14 septembre 2016, la comète Brangelina s'écrase en plein vol. La famille, encore unie au moment du décollage, a déflagré avant même de poser le pied au sol. A l'atterrissage, les autorités sont alertées (par qui et comment, personne ne s'en souvient), une enquête est ouverte, le FBI met son nez dans l'affaire. Bientôt, les tabloïds évoqueront l’alcoolisme de Brad Pitt, les rumeurs de maltraitance, de violences verbales et physiques, d'insultes, de cris.
Les détails de ce qui s'est réellement passé au cours des huit heures de vol, ne seront rendus publics que bien des années plus tard, en août 2022, avec la publication d'un rapport de 53 pages du FBI, largement expurgé une fois dans les médias.
Les graines de la discorde sont plantées peu avant l’arrivée de la famille Jolie-Pitt à l'aéroport, au cours d'une «confrontation» entre Brad et l'un de ses enfants. Après le décollage, l'ambiance se détériore. Sur les nerfs et sous l’effet de l'alcool, Brad «accuse [Angelina] d'être trop déférente envers les enfants». A l'époque, il se murmure déjà que l'acteur «boit pas mal», même si les collaborateurs de Miraval affirment ne jamais l'avoir vu en état d'ébriété. Angelina Jolie, pour sa part, allèguera au FBI qu'il pouvait s’enfiler une bouteille de vodka sans ciller, ni perdre contenance.
Une heure et demie après le décollage, excédé, Brad Pitt prend son épouse à part au fond de l’avion. La plainte dévoile, avec une précision chirurgicale, comment il l'aurait alors «tirée dans la salle de bain et commencé à lui crier dessus», après l'avoir «attrapée par la tête et secouée», puis «poussée contre le mur».
Cette agitation aurait attiré l'attention d'un ou plusieurs de leurs enfants.
«Non», réplique Brad Pitt.
Angelina agrippe Brad. Il la repousse. Elle tombe et se blesse contre les sièges, au dos et au coude. «Les enfants se sont précipités et ont tous courageusement essayé de se protéger les uns les autres. Avant que ce ne soit fini, Pitt a étranglé l'un des enfants et en a frappé un autre au visage. Certains des enfants ont supplié Pitt d'arrêter. Ils avaient tous peur. Beaucoup pleuraient», indique la plainte d'Angelina Jolie.
L'actrice affirme que, la situation plus ou moins calmée, son mari aurait continué de ruminer dans un coin. Un peu plus tard, alors qu’ils sont sur le point de s’endormir sous une couverture, Pitt se serait mis à «verser de la bière» sur les enfants, causant pour «25 000 dollars de dégâts d'alcool à l'intérieur de l'avion».
Au moment de l'escale, Angelina Jolie annonce à son mari son intention d'aller se reposer avec les enfants à l'hôtel, avant de reprendre leur vol vers la Californie le lendemain. Brad s'y serait opposé. «Personne ne descend de l'avion», lit-on dans la plainte.
L'avion achèvera finalement son vol à Burbank, dans le comté de Los Angeles. Brad Pitt rentre seul à la villa familiale. Angelina Jolie et les enfants, eux, font atterrir leurs valises à l'hôtel. Cinq jours plus tard, Angelina Jolie dépose les papiers du divorce, évoquant les sempiternels «différends irréconciliables». Elle réclame la garde complète des enfants.
Si les faits sont plus ou moins établis, ce qu'il s'est réellement passé entre les protagonistes, ce 14 septembre 2016, leur appartient. L'éruption de violence dans l'avion a choqué leur entourage. Brad n'est pas quelqu'un de violent, se désolent des proches dans la presse.
Les mois ont passé. Loin de sa famille, Brad Pitt surmonte, lentement mais sûrement, sa dépendance à l'alcool. Le couple est officiellement célibataire en avril 2019.
La séparation ne marque en rien la fin de la tourmente. Après la passion, Brangelina est consumé par une haine qui rivalise d’intensité.
Depuis sept ans, les Brangelina sont englués dans un bras de fer sans fin. Un combat qui, au fil des ans, a entraîné l'intervention d'un juge à la retraite, un procès privé, des plaintes en série, la crème de la crème des avocats (dont la reine du divorce, Laura Wasser, qui finira par jeter l'éponge), des mois de procédures, des «tonnes de témoins, d'experts, de thérapeutes et d'autres personnes qui ont été avec les enfants et autour d'eux», selon une source au New York post.
Après la garde de leurs six enfants, c'est à leur bébé de pierres et de vignes, le château de Miraval, de se retrouver au centre du drame. Entamée en octobre 2021, cette nouvelle épopée judiciaire a connu un dernier rebond le 1er juin dernier, avec une «plainte modifiée» de Brad Pitt contre son ex-femme. Le coup d'envoi d'une autre série de gros titres.
Connus de toutes les générations, ils ont incarné un fantasme puissant, idéalisé, hors de portée. L’ampleur du désastre Brangelina a démontré que les protagonistes de ce conte de fées hollywoodien ne sont, en fait, que des humains.