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Vaginisme: «toute pénétration était devenue impossible»

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Qu'est-ce que le vaginisme? «Toute pénétration était devenue impossible»

Pour les femmes qui souffrent de ce dysfonctionnement empêchant l'épanouissement de leur sexualité, briser le cercle vicieux et oser consulter est un premier pas nécessaire pour aller mieux. Témoignage et analyse d'experts.
04.12.2022, 14:56
Hélène Pagesy / slate
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«C'était comme fermé, interdit d'accès; mon corps tout entier luttait, se refusait à l'autre, mais aussi à moi-même»

Le vaginisme de Natacha s'est déclenché en 2018. D'abord douloureux, les rapports sexuels avec son petit ami de l'époque ont fini par devenir insupportables. «Le moindre contact un peu poussé me faisait ressentir une douleur lancinante, presque comme une brûlure. Toute pénétration, seule ou avec lui, était devenue impossible.»

Après plusieurs mois d'angoisse et de questionnements, Natacha a finalement été diagnostiquée d'un vaginisme «secondaire», une peur panique de la pénétration. Contrairement au vaginisme dit «primaire», celui-ci peut se déclencher après une période sexuellement active. Sur le plan physique, cela se traduit par une contraction involontaire des muscles du plancher pelvien (muscles qui entourent l'urètre, le vagin et l'anus), rendant la pénétration impossible ou douloureuse.

Aurore Malet-Karas, docteure en neurosciences et sexologue, explique: «Pour les femmes qui souffrent de vaginisme, c'est une situation très difficile à vivre. Elles ont tendance à se sentir incomplètes, incapables de satisfaire et de donner du plaisir à leur partenaire, qui peut être frustré par la situation.»

C'est un cercle vicieux

Ce sentiment de lassitude est d'ailleurs le plus souvent partagé par la femme. Dans de nombreux cas de vaginisme, il arrive en effet que l'excitation soit bien là et que la première phase du rapport se passe bien, mais qu'au moment d'arriver à la pénétration, tout s'arrête. Le moindre geste qui puisse évoquer de près ou de loin une intimité sexuelle ou érotique est alors interprété de manière très ambivalente par la femme qui souffre de vaginisme: d'un côté, l'envie est présente, de l'autre, la peur d'avoir mal aussi.

Arrivés à ce stade, il est très fréquent que l'un des partenaires mette en place des stratégies d'évitement.

«On a continué à se toucher un peu pendant un moment et puis, plus rien. Je n'avais plus envie tellement j'avais peur»
Natacha

Malheureusement, ces stratégies conduisent le plus souvent à un cercle vicieux: plus la personne a mal, plus elle va anticiper le rapport à venir, plus celui-ci sera désagréable, créant encore davantage d'anticipation et de stress, etc.

Cette spirale d'évitement peut aller jusqu'à dépasser le cadre de l'intime: des femmes – ayant pour certaines été victimes de violences obstétricales par le passé – seront alors tentées de ne plus se rendre chez le médecin pour réaliser des examens. «J'avais peur d'avoir une maladie, mais à cause d'une première expérience traumatisante chez le gynécologue, je n'osais pas remettre les pieds chez un professionnel de santé», explique la trentenaire.

Or, pour soigner le vaginisme, il est essentiel d'écarter les causes médicales et d'éviter une possible confusion avec les dyspareunies, ces douleurs ressenties pendant et après une pénétration sexuelle et qui parfois n'ont aucun lien avec le vaginisme. «Quand il y a des douleurs, il peut y avoir un milliard de choses derrière, prévient Aurore Malet-Karas. Que ce soit un vaginisme "primaire", "secondaire" ou une dyspareunie, le diagnostic peut être difficile à poser et c'est à nous de le faire en tant que professionnels de santé.»

Les causes peuvent être diverses

Trouver l'origine de ces douleurs peut être d'autant plus complexe que les causes du vaginisme sont très diverses. Dans le cas du vaginisme dit «primaire», «les femmes souffrent très souvent d'un manque d'information quant à leur propre sexe et sa représentation, l'idée d'un vagin beaucoup trop petit pour accueillir le pénis de l'homme est quasi constante, peut-on lire sur le site du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Ceci active une angoisse, voire une panique, vis-à-vis de la douleur et de la déchirure imaginées par ces femmes.»

Des discours répétés de mise en garde concernant la pratique du sexe ou le poids de la virginité peuvent influer sur la jeune fille et déformer sa perception de la sexualité. «Il est également fréquent que ces femmes aient été victimes de violences sexuelles dans leur enfance, et cela sans forcément qu'il y ait eu pénétration», détaille Aurore Malet-Karas.

Les causes peuvent être tout aussi nombreuses pour le vaginisme dit «secondaire»: une douleur survenue lors d'un rapport sexuel bien que celui-ci était consenti, un accouchement difficile, une agression sexuelle, des violences obstétricales? Toutes ces atteintes au corps peuvent déclencher un traumatisme et ainsi entraîner une réaction inconsciente de sa part.

Ignorer les signaux envoyés par le corps

Mais le plus souvent, ce type de vaginisme est consécutif à «une longue période de douleurs lors des rapports», peut-on lire sur le site du CNGOF. La femme a mal, mais par peur de décevoir son ou sa partenaire, ou par autopersuasion, elle continue d'avoir des rapports douloureux, jusqu'à ne plus pouvoir en avoir du tout.

«Mon vaginisme est survenu à une époque où j'avais énormément de choses à gérer dans ma vie: la perte d'un être aimé, mon couple qui battait de l'aile, un nouveau travail. Je pense que j'étais arrivée à un moment de trop-plein et que j'ai refusé de regarder les choses en face. J'avais tellement l'habitude de me forcer à avoir des rapports, même sans en avoir envie, que je n'ai pas pris en compte les signaux que m'envoyait mon corps. Et à force de forcer, de faire comme si tout allait bien, à un moment, il a dit "stop"»
Natacha

La manière dont la sexualité est abordée aujourd'hui participe grandement au problème, selon Margot Fried-Filliozat, sexothérapeute et autrice du livre L'Intelligence intime (Robert Laffont, 2022). «C'est tellement stéréotypé: on s'embrasse, on se déshabille, préliminaires rapidos, pénétration, orgasme, fin.» Ce script n'a aucun sens et ne correspond pas du tout à la physiologie des corps, notamment à celui des femmes, estime la spécialiste.

«Si lors d'un rapport, l'excitation n'arrive pas au moment prédéfini par le script, la femme peut commencer à se dire qu'elle n'est pas "normale", à stresser, mais à poursuivre jusqu'à la pénétration malgré tout, alors que son vagin n'est ni prêt, ni désirant.» Le rapport a lieu dans la douleur. Le cercle vicieux s'installe.

S'isoler empire le problème

Aux femmes qui souffrent de dyspareunies et/ou de vaginisme, Aurore Malet-Karas recommande avant tout de ne pas s'isoler. «En restant seules, il est très facile de rentrer dans une spirale qui risque d'accentuer le problème, alors qu'un professionnel pourra les guider.» Selon elle, une approche à 360 degrés avec plusieurs professionnels est souvent la solution la plus efficace.

La première étape consiste à se rapprocher d'un gynécologue ou d'une sage-femme pour écarter tout problème médical autre que le vaginisme. Ces examens réalisés, il est ensuite pertinent de consulter un sexologue ou une sexothérapeute qui maîtrise ces sujets, tout comme un ostéopathe ou une kinésithérapeute spécialisé dans la région pelvienne. «Allier une approche corporelle à une approche psychothérapeutique donne souvent de meilleurs résultats», assure la sexologue.

«Quelle que soit la cause du problème, tant qu'on approche la sexualité sous l'angle de la performance et qu'on force les rapports, ça ne peut pas marcher.»

En cas de traumatisme dû à des violences obstétricales, l'association Les clés de Vénus ou encore le site MaPatho mettent à disposition des annuaires collaboratifs et non exhaustifs de professionnels de santé sensibilisés à ces questions.

Enfin, pour celles qui auraient des difficultés financières, Aurore Malet-Karas affirme que la majorité des thérapeutes ajustent aujourd'hui leurs tarifs en fonction des possibilités de la personne. En outre, les visites chez les sages-femmes sont remboursées à hauteur de 70% par la sécurité sociale, tout comme les séances de kinésithérapie prescrites par un médecin, avec un remboursement à hauteur de 60%.

Créer ses propres règles

Après plusieurs mois de souffrances physiques et mentales, Natacha s'est finalement armée de courage pour pousser la porte d'un cabinet professionnel: «Mon nouveau gynéco m'a été d'une grande aide, je ne regrette absolument pas. Il a pris le temps de poser les mots sur ma douleur avec moi, de vérifier qu'il n'y avait pas de lésions, de poser un diagnostic. Surtout, il m'a conseillé d'arrêter de forcer la pénétration, et de revenir à des gestes tendres et intimes si je ressentais du désir.»

Margot Fried-Filliozat confirme:

«Quelle que soit la cause du problème, tant qu'on approche la sexualité sous l'angle de la performance et qu'on force les rapports, ça ne peut pas marcher»

C'est pour ces raisons que la sexothérapeute recommande elle aussi à ses patientes, qu'elles soient en couple ou célibataires, de repenser leur sexualité, de s'autoriser à y ramener de la douceur et du jeu, et de créer leurs propres règles.

«Deux ans après mon rendez-vous chez le gynéco, j'ai fini par quitter mon mec. J'ai arrêté de trop y penser et à force d'en parler, d'y aller doucement avec les garçons rencontrés, de me reconnecter à moi-même, ça a fini par revenir à la normale, raconte Natacha. Aujourd'hui, j'en parle dès qu'une nouvelle relation s'installe. Je préviens que ça peut arriver de nouveau, que me mettre la pression est contre-productif, que le mieux à faire c'est d'aborder les choses avec tendresse et patience. Et généralement, ça se passe bien.»

Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original

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