On n'en peut déjà plus, mais on va quand même prendre la peine de rembobiner. Voici d'abord la petite phrase qui a tout déclenché et avec laquelle Blanche Gardin a décapsulé la lettre cinglante au patron d'Amazon. «Très, très cher Monsieur Bezos, je suis au regret de devoir refuser votre invitation à participer à la prochaine saison du jeu LOL: Qui rit sort! diffusé sur votre plateforme. Ce jour-là, j'ai dentiste». Depuis, la polémique ne désenfle pas.
Dimanche dernier, l'humoriste française, connue pour son cerveau bien manufacturé, mais aussi pour sa langue constamment pendue, avait refusé publiquement de participer à cette émission de divertissement, diffusée sur Prime Video, en déglinguant le géant américain. Pourquoi tant de fracas? Elle seule le sait.
En vrac, ce sont les manières et la réputation d'Amazon qui auraient poussé Blanche Gardin à refuser bruyamment de participer au casting de la quatrième saison. Sans oublier qu'elle se serait vue proposer, toujours selon ses dires, un cachet de 200 000 euros pour un seul jour de travail. Comparés aux petits 50 000 euros dévolus à une association caritative en cas de victoire, «c'est 4x plus et c'est beaucoup».
Du côté de Jeff Bezos, silence total. No shit. On imagine facilement le multimilliardaire avoir autre chose à faire que de répondre au moindre quidam n'étant pas raide dingue de son empire. Même pas sûr qu'il ait pris le temps de se connecter sur Facebook pour lire la fronde à son encontre. Encore moins certain qu'il en ait quelque chose à foutre. En revanche, et histoire de prouver qu'ils existent, les porte-parole d'Amazon France ont ouvert leur MacBook Pro pour se fendre d'un communiqué sans trace d'aspérité.
Ce n'est jamais anodin de nettoyer son linge sale en ligne. Surtout quand les mains plongées dans la lessive appartiennent à l'élite parisienne. Quand on s'y met, c'est souvent par besoin de spectateurs, de témoins ou, d'une simple approbation. Le hic, c'est qu'à ce sujet, l'opinion publique est au moins aussi divisée que les Etats-Unis. Une majorité d'internautes s'est montrée durement mitigée face à la démarche de l'humoriste, l'accusant de se faire mousser à moindres frais et de cracher dans ce qui la fait bouffer à la fin du mois.
Aujourd'hui, on constate que son pavé s'est violemment écrasé dans une mare où se promène un nombre assez conséquent de collègues humoristes ayant participé à l'émission. Et, là, ça grince. Car Blanche Gardin qui flanque une dérouillée à LOL: Qui rit sort!, c'est aussi éclabousser la réputation de Pierre Niney, Jonathan Cohen, Gad Elmaleh, Leïla Bekhti ou Audrey Fleurot qui, eux, s'en laveraient donc la morale de bosser pour un empire qui collectionne les casseroles.
On s'en doute aisément, au sein du petit monde des humoristes en vue (qu'on voudrait croire unis par les feux sacrés de la gaudriole), le coup de gueule a installé un malaise tenace et fait abondamment causer. Lundi, l'un des participants à ce Loft Story du rire chic, a brisé le silence. Au micro de Cauet sur NRJ, Ahmed Sylla tire à balles réelles: «Je n'ai pas trouvé ça cool de sa part, ça jette un peu l'opprobre sur ceux qui ont participé.»
Le comédien tenait manifestement à rétablir ce qu'il nomme des vérités: «Je suis assez proche de la production et il n'y a pas eu de proposition financière de la part d'Amazon. Et puis je connais les cachets des gens parce que les agents se parlent et ce n'est pas 200 000 euros. Ce n'est pas le tarif». Ahmed Sylla, furax, admet tout de même avoir été plutôt bien payé pour (tenter de) ne pas rire dans la deuxième saison.
Ahmed a osé prononcer le mot interdit: agent. C'est lui qui est chargé de placer (avec plus ou moins d'agilité) ses poulains dans les meilleures écuries télévisuelles, au prix le plus fort. Et quand ces pros commencent à se causer, c'est souvent le début des emmerdes. Dans le showbiz français, il se chuchote que ces mêmes agents déconseillent désormais vivement à leurs artistes de fricoter avec LOL: Qui rit sort!, devenue en une petite semaine un sacré panier de crabes.
Pressenties pour s'engouffrer dans l'une ou l'autre des prochaines éditions, Marion Cotillard et Camille Cottin auraient carrément fait un pas en arrière depuis la fronde de Blanche Gardin. On dit même que leurs noms se seraient discrètement fait la malle de la liste des artistes. Les deux stars n'ont pas confirmé l'information. Mais, au rythme où déboulent les indiscrétions, on ne serait pas surpris d'en apprendre un peu plus cette semaine encore.
Produite par EndemolShine France, l'émission est une franchise du format japonais Hitoshi Matsumoto Presents Documental, décliné depuis dans une demi-douzaine de pays. En ce moment, les producteurs ont le front qui perle, mais veulent rester positifs: «A coup sûr, Amazon va réussir le pari de faire avancer les choses. Il y a de vrais échanges et réflexions pour que ça aille dans le bon sens», peut-on lire dans la presse française. Vous l'entendez la mouche qui vole?
En vérité, Amazon et ses problèmes de réchauffement climatique ou d'exploitation de Ouïghours (comme le hurle Blanche Gardin dans sa lettre) sont devenus accessoires dans ce festival de polémiques. LOL: Qui rit sort! n'est pas un film ou une série à gros budget, mais une bête télé-réalité de VIP. Un jeu télé, qui n'est d'ailleurs pas sans intérêt, mais dans lequel les artistes savent qu'ils doivent jouer très fort la comédie. Que ce soit pour faire rire le collègue ou redoubler d'astuces pour ne pas pouffer.
Si le programme a, jusqu'ici, un succès monstre (en Suisse aussi), il permet surtout aux plus grandes stars françaises du rire de reluire leur image sans lever très haut le petit doigt. Un bon coup de promo, qui plus est grassement payé, vu le malaise qu'ont suscité les révélations de Blanche Gardin. Que le cachet tutoie, ou pas, les 200 000 euros, dévoiler gros sous et moindre effort au plus grand nombre, ce n'est soudain plus très rentable en termes de marketing.