Alors, certes, nous avons épinglé les Simpson, mais Metallica, Rocky IV, le film Tootsie ou encore la série The Last of Us auraient tout aussi bien fait l'affaire. L'important était de signifier que la popularité (très) étendue de «The Gadsden Flag» n'est plus à prouver.
Sur un fond jaune pétant, on découvre un serpent à sonnette prêt à sauter sur sa proie et un slogan qui ne se laisse pas faire: «Ne me piétinez pas». Et depuis l'élection, dimanche, de l'extrémiste de droite Javier Milei à la tête de l'Argentine, on ne voit que lui dans les foules en liesses. Même le tout frais président s'était pris au jeu de la pose, au-dessus de ce célèbre étendard libertarien.
Comme toujours, c'est vieux et compliqué. Mais la dernière fois qu'il a été largement dépoussiéré, les extrémistes pro-Trump entraient par milliers et par effraction dans l'antre de la démocratie américaine, ce fameux 6 janvier 2021.
Bien sûr, l'Argentin Javier Milei n'a jamais caché son admiration sans faille pour Donald Trump et le populisme américain en général.
Or, si ce drapeau puise effectivement ses racines dans l'Histoire des Etats-Unis, les couleurs politiques de ses utilisateurs diffèrent selon les périodes, passant de l'extrême droite à l'extrême gauche, jusqu'à retrouver de multiples adaptations goupillées notamment par les mouvements LGBT américains, à partir des années nonante. Par exemple, après la tuerie d'Orlando en 2016, visant la boîte gay The Pulse.
Tous, en revanche, revendiquent bruyamment cette volonté qu'on leur lâche la grappe. Comme le disait Metallica: «Ne m'emmerdez pas». C'est d'ailleurs dans cette ambiance qu'en décembre 2022, la Floride avait inauguré une nouvelle plaque d'immatriculation collector, arborant le fameux logo au serpent. Plusieurs Etats suivront le mouvement.
Bien que globalement toléré aux Etats-Unis – plusieurs Etats du sud l'arborent dans leur blase alternatif, il arrive que cet étendard fasse du grabuge. En août dernier, un adolescent du Colorado a par exemple été viré de son collège pour avoir affiché le fameux serpent sur son cartable... avant d'être réintégré par le gouverneur en personne. Au nom de l’Histoire des États-Unis.
Le Gadsden Flag est encore considéré par beaucoup comme «le symbole le plus populaire de la Révolution américaine». En 1775, en pleine Guerre d'indépendance, le colonel et représentant au Congrès Christopher Gadsden décide que la marine américaine a besoin d'un drapeau bien à lui. Il se chargera de dessiner une première version du serpent à sonnette. Le slogan, lui, n'évoluera jamais, bien que les derniers exemples dévoient désormais un apostrophe à «Don't».
Mais l'origine du drapeau n'est malgré tout pas très claire, puisque certains considèrent que le premier à avoir eu cette idée n'est autre que Benjamin Franklin, quelques années avant Gadsden. S'il y a bien un serpent, le slogan diffère.
Il faut avouer que sa version définitive a été longtemps rangée dans les cartons des Etats-Unis, utilisé avant tout par de petits mouvements libertariens peu représentatifs. Avant de se voir empoigné plus largement par le Tea Party, pour dénoncer les impôts et la main trop lourde de l'Etat sur le fonctionnement économique du pays, il s'est par exemple retrouvé sur le torse des footballeurs de l'équipe nationale américaine, alors sponsorisée par Nike.
S'il a été, à la base, conçu comme un avertissement et un cri de ralliement patriotique pour combattre les oppresseurs venus de l'étranger, ce drapeau est aujourd'hui indissociable des fanatiques de Donald Trump et d'un populisme militant qui s'étend... désormais jusqu'à l'élection de Javier Milei en Argentine, dimanche.
C'est le bordel? Oui, un peu. Mais comme le rappelait peu après l'assaut du Capitole Paul Bruski, professeur agrégé de design à l'Iowa State University, «les gens utilisent un drapeau non pas pour ce qui est explicitement affiché, mais en raison de ce qu'ils croient qu'il représente».