La fin d'année rime avec marchés de Noël, souper de boîte, envie de meurtre dans les magasins... et retour des revues. Pour cette cuvée 2023 de la Revue de Lausanne, Blaise Bersinger, Sébastien Corthésy, Nathanaël Rochat et Benjamin Décosterd s'attaquent à l'inflation. Sur scène, la troupe est composée de Blaise Bersinger, Laura Guerrero, Florence Annoni, Dominique Tille, Nathanaël Rochat (en alternance avec Jérémy Crausaz), Garance La Fata et Raphaël Vachoux. Avec humour et en musique, ils s'en prennent aussi à la RTS, chatouillent les deux Vincent, tabassent les habitants de l'éco-quartier des Plaines-du-Loup et mettent une petite balayette à Alain Berset. Entre autres «dingueries», comme ils le disent.
En cinq points, on vous raconte (sans vous spoiler les meilleures vannes!) pourquoi cette rétrospective 2023, à voir au Centre culturel des Terreaux à Lausanne, vous fera le plus grand bien. Et ce, que vous soyez un bobo lausannois intolérant au lactose ou que vous veniez d'une région périphérique mal desservie par les CFF.
Le spectacle s'intitule Caisse Rapide, et dès les premières secondes, on se retrouve dans un supermarché où tout est trop cher. «C'est à cause de l'inflation», nous dit-on d'emblée, mais pas que; peu importe, puisqu'au final, en Suisse, on râle un coup et ensuite on paie. C'est le fil rouge de cette édition 2023. On se prête d'ailleurs volontiers au jeu lorsque des pubs des plus grands supermarchés helvétiques déboulent comme des interludes entre les sketchs. Celle sur Landi est particulièrement savoureuse.
L'absurde gagne ses titres de noblesse dans une chorale où l'on reconnaît le génie de Blaise Bersinger. Un premier chant vient démolir la laideur incommensurable d'Ouchy, ses établissements miteux et son affreuse Place de la Navigation. Une seconde chanson égratigne le futur ex-conseiller fédéral Alain Berset, qui «prend sa retraite à 50 ans après l'avoir montée à 65 ans pour les femmes».
C'est l'une des scènes les plus réussies du spectacle. On s'incruste dans une séance de voisinage placée sour le signe du respect et de la bienveillance. Le genre de réunion qui donne envie d'enfermer son voisin dans le local à poubelle. Ou dans le «local à bruit», en l'occurrence. Une scène bourrée de clichés made in Lausanne: des biscuits sans gluten aux baies de goji, à la criminalisation des propriétaires de voitures, en passant par les bus ou les vélos. Un «quartier qui devient cool» qui ne plaît pas aux habitants d'autres «quartiers cool»...
À l'inverse d'autres éditions de la revue, ce ne sont pas les travaux, au point mort, qui animent la séquence sur la gare dans Caisse Rapide. On y parle du McDonald's, des dealers, du Tibits qui coûte ultra cher, des associations qui demandent «vous avez deux minutes?» à des pendulaires à la bourre ou encore de l'impossibilité de déposer quelqu'un en voiture qui a l'outrecuidance d'avoir une valise. Les animations censées rendre cette place plus agréable, ou en tout cas, moins atroce en attendant la fin (ou le début?) du chantier ne sont pas en reste.
Les clubs de football lausannois font aussi les beaux jours de la revue. Surtout depuis qu'il y en a deux en Super League: le Lausanne-Sport et le Stade Lausanne Ouchy. De quoi donner lieu à des séquences lunaires entre les journalistes en plateau dans les studios de la RTS et les commentateurs sur le terrain. Des duplex avec un décalage affreux, dont la ligne transite manifestement par 27 satellites. Une vanne tirée en longueur tout au long du sketch et qui devient de plus en plus drôle.
La scène des émeutes lausannoises traîne un peu en longueur et les deux «flics moyens» sont un peu trop caricaturaux. Quiconque a déjà eu affaire à la police a pu le constater, il n'y a pas besoin d'en faire trop pour que le comique soit au rendez-vous. Toutefois, le monologue de Bersinger, en introduction de cette scène, légitime toute la séquence.
Et on regrette un peu, comparé à d'autres éditions, que la revue épargne les politiques. À part Alain Berset dans la chanson que lui consacre la chorale et Natacha Litzistdorf qui se fait taper sur les doigts pour les nombreuses inepties liées à l'aménagement de la place de la gare, les élus suisses peuvent souffler. En année d'élections fédérales, il y aurait pourtant eu de quoi faire. On pardonnera la troupe, qui n'a pas attendu la tenue des scrutins pour écrire ses scènes. Des sketchs suffisamment nombreux et costauds pour nous tenir en haleine pendant près de deux heures.
La Revue de Lausanne présente Caisse Rapide au Centre culturel des Terreaux jusqu'au 31 décembre. Réservations sur revue-lausanne.ch.