Les filtres, les photos retouchées, les petites moues mystérieuses façon Mona Lisa, c'est fini! Enfin, selon les deux magazines que j'ai lus en haussant un sourcil. Ça sonnait un peu comme: «Désormais, on veut du vrai!». Une énième injonction à la con? Peut-être pas. En fait, le «reverse catfishing», c'est une sorte de retour aux sources, quand on misait un peu plus sur sa personnalité que sur des apparences photoshopées. En gros, ce concept nous invite à être plus authentiques, voire «moches» pour les plus téméraires.
Et à moins d'être Gilbert Montagné, quand on rencontre quelqu'un après avoir papoté sur Tinder et que notre date ne ressemble pas aux photos, c'est chiant. À quoi ça sert de se photoshoper un petit nez d'alien pour ensuite se pointer avec une truffe en trompette? Idem quand on suit des influenceurs et qu'on les croise in real life. Suivant qui c'est, c'est une pure arnaque. Voire on ne les reconnaît pas. Et ça, ça veut dire qu'on a accepté des standards qui n'existent pas. Ce ne serait pas le moment de dire stop?
C'est l'inverse du fait de tartiner ses photos de filtres. À la place, on mise sur le naturel. Que ce soit pour appâter le chaland sur Tinder ou juste pour gratter des likes sur Instagram, c'est le fait de publier des photos prises au quotidien, où on est pas forcément, de prime abord, à son avantage. Par exemple, sous la pluie dans un vieil anorak, parce que la photo raconte une histoire. La vraie vie quoi, sans retouches, sans mensonges. Les fake, on vous voit avec vos photos de vacances à la plage, avec des abdos si dessinés qu'on dirait un tablier de beauf.
Ça peut donner l'impression d'enfoncer des portes ouvertes, cette histoire de naturel, de vraie vie, mais à scroller Instagram, Tinder et compagnie, on a, semble-t-il, un peu oublié qu'on avait une personnalité et qu'on avait le droit de publier autre chose qu'une énième photo sans âme, shootée aux filtres. Bref rappel par Le Robert: personnalité, nom féminin. «Ce qui différencie une personne de toutes les autres.» Et à moins d'être un bobet de chez Magali Berdah une coquille vide, on en a tous une (certains en ont même plusieurs, mais c'est un autre problème).
Les plus foufous parmi nous poussent le concept de reverse catfishing encore plus loin, en partageant des photos du quotidien où ils sont carrément moches: la bouche ouverte pendant une sieste dans un InterRegio, vautré par terre après une chute à ski, en train de s'envoyer un plat de spaghetti bolo avec de la sauce partout... Ça mise sur l'autodérision, encore un mot que connaît Le Robert: «Fait de se moquer de soi-même.» La team premier degré, repeat after me: «autodérision».
Et tout ça, en fait, ça crée de l'émotion. C'est tout con, hein? Vous êtes émus, vous, devant une photo de quelqu'un qui s'est tellement lissé les pores qu'on dirait de la faïence? Moi non plus. Un peu d'autodérision et d'authenticité, sur Tinder par exemple, ça peut ouvrir sur des discussions un peu plus profondes, genre: «j'ai vu ta photo de camping sous la pluie, il avait l'air de faire froid... T'aimes le camping? Moi, je bivouaque pas mal...».
Et sur Instagram, bêtement, une photo un peu différente, un look un peu différent, une pose un peu différente, ça change. Il y en a que ça rassure de sortir du même moule que 10947334897 autres personnes, mais ça n'est pas une obligation. Si jamais, hein.
Alors certes, ce reverse catfishing, c'est encore un anglicisme bien boring. C'est une énième étiquette à la con, mais si on met de côté le fait que c'est une «tendance», qui finira par crever, remplacée par une autre, si ça peut nous encourager à être un peu plus vrais, de temps en temps, c'est pas plus mal. Un peu d’authenticité et de différence, ça n'a jamais tué personne, si?