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Génération alpha triste? Il faut se méfier de ce concept marketing

Les enfants nés après 2010 seraient malheureux, auraient des lacunes linguistiques et se feraient remarquer socialement.
Les enfants nés après 2010 seraient malheureux, auraient des lacunes linguistiques et se feraient remarquer socialement.Image: shutterstock

«Les enfants sont tristes»: le clash des générations, business sans âge

Selon une nouvelle étude, la génération née après 2010 serait la plus malheureuse. Mais ce type de catégorisation ne veut (presque) rien dire et cache un marketing qui remplit de nombreuses poches.
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24.10.2021, 10:4624.10.2021, 16:41
Vanessa Hann
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Alpha: c'est le nom donné à la génération née après 2010. Récemment, celle-ci a été examinée de près par l’Institut allemand spécialisé dans la recherche sur les générations. Les conclusions de l'étude donnent à réfléchir. Les enfants seraient malheureux, auraient des lacunes linguistiques et se feraient remarquer socialement.

Le langage, le comportement social, les capacités motrices et l’utilisation des médias de la génération Alpha ont été examinés en interrogeant les personnes en charge de ces enfants. Les conclusions ont été résumées en une phrase sur le site web de l'institut par le directeur de l'étude, Rüdiger Maas: «Il n'y a jamais eu autant d'enfants malheureux en Allemagne».

Ce sont également les termes utilisés par la station de radio Südwestrundfunk pour titrer son reportage sur cette étude. D'autres médias allemands de qualité, tels que Die Zeit ou la Süddeutsche Zeitung, se sont également empressés de publier les résultats de l'étude.

Le fait qu'une génération soit préoccupante semble être un sujet récurrent. Par exemple, la génération précédente, dite «Z», est considérée comme «gâtée» et «accro» à son smartphone. Les enfants de la «génération Y», prononcée «generation why» en anglais, ne savent pas ce qu'ils veulent. La génération «X» est également considérée comme gâtée, en partie parce qu'elle profite de la prospérité de ses parents boomers.

Le regard critique porté sur les adolescents n'est en rien nouveau. Le philosophe grec Socrate avait déjà un mauvais mot à dire sur la jeunesse de son époque: «Les jeunes d'aujourd'hui aiment le luxe. Ils ont de mauvaises manières, méprisent l'autorité, n'ont aucun respect pour les personnes plus âgées et bavardent là où ils devraient travailler». Tel était le verdict du savant 500 ans avant Jésus-Christ.

Un business juteux

La recherche générationnelle veut maintenant présenter les caractéristiques des différentes générations avec des résultats scientifiques. Toutefois, cela ne se fait pas sans obstacle. Des critiques ont déjà été formulées en 2018. Hannes Zacher, professeur de psychologie du travail à l'Université de Leipzig, a été particulièrement franc. Il a déclaré à la chaîne de télévision allemande MDR:

«Il existe tout un business en lien avec les générations. Il est très facile de vendre des livres et des ateliers, mais aussi de gérer des sociétés de conseil sur le thème des générations et des différences entre elles. Les preuves scientifiques, la qualité méthodologique des études sont extrêmement discutables».

Une recherche rapide le confirme: l'institut allemand spécialisé dans la recherche sur les générations mentionné au début de cet article est susceptible de gagner beaucoup d'argent avec ses travaux. Il ne s'agit pas d'une institution universitaire dotée d'un mandat public, mais d'une société à responsabilité limitée (Sàrl).

Le directeur des études et fondateur de l'entreprise, Rüdiger Maas, a récemment annoncé la publication d'un livre intitulé «Generation lebensunfähig», «Génération non viable» en français. La société propose également aux entreprises des ateliers sur la manière de motiver et de se lier avec les employés d'une certaine génération.

Les autres études dans le domaine de la recherche générationnelle ou de la futurologie proviennent souvent d'entreprises privées. Elles sont généralement liées à l'optimisation du travail d'une génération donnée. Par exemple, le «Zukunftsinstitut» a intitulé son étude publiée en 2013: «Génération Y - L'image de soi des managers de demain».

Contre les catégories définies

Le fait que la recherche soit menée par le secteur privé n'est pas le seul point critiqué par le psychologue du travail Hannes Zacher. Selon lui, certaines choses sont également fausses au niveau scientifique.

Par exemple, les différentes études ne définissent pas clairement les limites des générations. Certaines présentent l’année 1995 comme l'année de naissance des millennials, tandis que ce serait l'an 1999 pour d’autres. Les études ne sont donc pas comparables, a déclaré Hannes Zacher à la télévision MDR. Mais ce qui est encore plus important pour le professeur, c'est qu’«aucune distinction n'est faite entre les différences en lien avec l'âge, l'année de naissance ou le contexte dans lequel l'étude a eu lieu».

Hannes Zacher ne nie pas qu'il existe des différences. «Nous changeons avec l'âge. De nombreuses personnes deviennent plus tolérantes et plus consciencieuses, affirme le professeur. Le fait que les millennials, par exemple, aient eu une expérience plus précoce des nouvelles technologies ne signifie pas qu'ils possèdent des compétences complètement différentes. Je m'oppose à ces désignations de générations aux caractéristiques et aux traits de personnalité très stables, tels que la fiabilité ou la performance», dit Hannes Zacher.

Conclusions pas représentatives

Les critiques de Hannes Zacher remontent à plusieurs années. La nouvelle étude sur la génération Alpha est également considérée avec réserve dans notre pays. Citons par exemple, Lennart Schalk, directeur de l'Institut de recherche sur l'enseignement et didactique des disciplines à la Haute école pédagogique de Schwyz. Il accepte difficilement que la génération Alpha comprenne les enfants nés entre 2010 et 2025. «Les enfants des quatre dernières années ne sont même pas encore nés», dit-il à la télévision SRF.

Susanne Walitza, directrice du département de psychiatrie et de psychothérapie pour enfants et adolescents de l'hôpital universitaire psychiatrique de Zurich, est également critique. Selon elle, «le fait d'avoir fait évaluer anonymement 22 511 enfants par 1231 éducateurs et d'avoir interrogé environ 600 parents ne permet guère de tirer des conclusions représentatives de tous les enfants d'Allemagne». Les questionnaires utilisés pour l'étude ne sont en effet pas publics.

Ces études ne montrent qu’une partie d’un phénomène plus important, dit Susanne Walitza. À ses yeux, l'étude de l’Institut allemand spécialisé dans la recherche sur les générations décrit, malgré tout, des aspects importants basés sur des observations quotidiennes.

Article traduit de l'allemand par Charlotte Donzallaz

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