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En Suisse, «la prise en charge des IG est lourde pour les femmes»

Des manifestants pour le droit à l'avortement protestent aux Etats-Unis, le 4 juillet 2022.
Des manifestants pour le droit à l'avortement protestent aux Etats-Unis, le 4 juillet 2022.keystone

Pilules abortives: «La prise en charge est lourde en Suisse»

L'achat sur Internet de médicaments pour interrompre la grossesse risque d'exploser aux Etats-Unis. Ici en revanche, il faut passer devant le corps médical. Mais commander en ligne pourrait faciliter la démarche des femmes.
07.07.2022, 18:5114.07.2022, 17:53
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Alors que la bataille autour de la pilule abortive a démarré aux Etats-Unis depuis la révocation du droit à l'avortement le 24 juin dernier, la commande sur Internet et la prise du médicament depuis la maison peut parfois être risquée. En Suisse, il est également possible de prendre ces pilules chez soi, sous certaines conditions. En revanche, les femmes ne peuvent pas les commander librement sur Internet. Elles doivent passer par un rendez-vous avec le corps médical.

Avorter à la maison en Suisse? Oui, sous certaines conditions
Depuis la pandémie, les pilules abortives peuvent être directement commandées sur Internet aux Etats-Unis et livrées à domicile. En Suisse, il n'est pas possible de les commander en ligne. De plus, celles qui souhaitent prendre ces deux médicaments – le Mifépristone dans un premier temps puis le Cytotec 48 heures plus tard pour déclencher les contractions et l'expulsion de la grossessedoivent répondre à des critères précis: 7 semaines d’aménorrhée (contre 10 aux Etats-Unis), l’absence de contre-indication médicale et psychologique, parler le français (car l’assistance téléphonique 24h/24 n’est assurée que dans cette langue), avoir plus de 18 ans, résider à moins d’une heure de l’hôpital (en cas de forts saignements nécessitant une hospitalisation) et être accompagnée d’une personne de confiance durant la phase à domicile.
Hôpitaux universitaires genevois (HUG)

Alain Léo Pfammatter, responsable psycho-social et conseiller en santé sexuelle à Profa, le Centre vaudois de référence en santé sexuelle, revient sur les dangers de cette procédure si elle n'est pas bien encadrée. La situation aux Etats-Unis amorce également la réflexion autour de la simplification des interruptions de grossesse (IG) en Suisse. Entretien.

En Suisse, on ne peut pas commander de pilule abortive sur Internet. Alors comment se passe la prise du médicament?
En général, il y a quatre rendez-vous en présentiel avec un médecin, une sage-femme ou un conseiller en santé sexuelle. Le premier permet de constater la grossesse à l'aide d'un ultrason. Nous passons également un entretien psychosocial avec la femme pour comprendre où est-ce qu'elle en est dans sa décision, si elle est au clair ou si elle est ambivalente.

Alain Léo Pfammatter
Alain Léo PfammatterRts
«C'est un passage obligé pour l'instant, car en Suisse, on préconise la sécurité avant tout»
Alain Léo Pfammatter, responsable psycho-social et conseiller en santé sexuelle à Profa

Le deuxième a lieu quelques jours après, selon les disponibilités de l'hôpital. Le médecin ou la sage-femme donne à ce moment-là le médicament. 48 heures plus tard, la femme a son troisième rendez-vous pour prendre la seconde pilule, qui permet d'interrompre et d'expulser la grossesse. Le dernier rendez-vous permet de vérifier que tout s'est bien passé.

Depuis la pandémie, les femmes aux Etats-Unis commandent la pilule en ligne. Est-ce risqué?
Le danger principal survient en cas de problème après la prise des médicaments. L'une des complications, par exemple, est l'hémorragie. Si elles ne peuvent pas demander de l'aide à une structure médicale, comment savoir si les saignements sont normaux – les femmes saignent lors de ces interventions – ou s'il y a un problème plus grave? Dans ces moments, comment est-ce que les informations seront transmises? Et dans quelle langue?

Une hémorragie qui n'est pas prise en charge peut faire de gros dégâts?
Bien sûr! De plus, si la femme habite dans un état où l'avortement est interdit, elle aura peut-être peur de se rendre à l'hôpital. Et même si elle le fait, comment sera-t-elle accueillie une fois sur place?

L'autre risque, c'est s'il y a besoin d'un curetage parce que tout n'est pas parti...
En effet, le risque avec une expulsion partielle, c'est que ça s'infecte. Il est alors important d'avoir recours à une intervention chirurgicale pour tout enlever. Les complications peuvent être très graves. Et si la femme n’ose pas aller aux urgences, elle risque de mourir. Je me demande vraiment comment est-ce que ces situations seront encadrées...

Par ailleurs, ces femmes doivent-elles craindre des effets secondaires?
Il y a également le risque de faire une mauvaise réaction, par exemple une allergie, ou d'avoir de forts effets secondaires. De nouveau, il faudrait un entretien en visioconférence, par exemple, ou par téléphone pour s'assurer que les femmes n'ont aucune contre-indication. Chaque situation est différente, c'est du cas par cas. C'est difficile de généraliser comment se passe une IG.

Et quels sont les risques si le médicament n'est pas pris correctement? Par exemple, après les dix semaines recommandées?
Il ne fonctionnera simplement pas et la grossesse va continuer. Et puis, c'est aussi important de bien comprendre la marche à suivre si les personnes ne veulent pas dépenser de l'argent pour rien.

«Et puis, n'oublions pas que dans 99% des cas, l'IG médicamenteuse se passe bien»

On pourrait donc même imaginer que ça allégerait certaines femmes – aux Etats-Unis comme en Suisse – d'avoir recours à une IG «rapidement», en commandant en ligne?
Complètement! Aux Etats-Unis, de nombreuses femmes risquent, désormais, de passer par cette méthode. C'est rapide. Ça peut être long d'attendre un rendez-vous avec un fœtus dans le ventre, lorsque nous avons décidé d'avorter.

«C'est très compliqué pour certaines femmes de sentir la grossesse qui évolue, lorsqu'on sait qu'on va l'arrêter»

En effet, il est rare que l'IG se fasse dans les jours qui suivent la décision. Il faut souvent attendre que l'hôpital ait de la place.

Fini l'IVG: changement de terminologie
Le terme «interruption volontaire de grossesse» (IVG) n'est plus utilisé aujourd'hui. Alain Léo Pfammatter précise: «Le mot ''avortement'' a été très investi émotionnellement par le passé. Le terme actuel le plus adéquat reste ''interruption de grossesse'' et c’est celui que j’utilise, de même que les professionnels de la santé sexuelle. L’aspect volontaire était nécessaire pour appuyer à l’époque la volonté des femmes à obtenir ce droit.»

Passer devant le corps médical peut également être difficile...
Tout à fait. Parfois, la prise en charge des IG est lourde en Suisse. Bien sûr, certaines femmes ont besoin d'être encadrées et suivies dans cette décision. D'autres, en revanche, savent ce qu’elles veulent. Elles sont au clair et n'ont pas besoin qu’on leur demande: «vous êtes sûre?» ou pire, qu'on les juge.

On revient ici au libre choix de la femme lorsqu'il s'agit d'IG.
Il faut un système qui s'adapte aux femmes et qui soit construit autour d'elles. Elles doivent pouvoir choisir quel type d'IG elles souhaitent. Il faut les accueillir dans les meilleures conditions possibles, écouter ce dont elles ont besoin – certaines par exemple n'ont pas envie de se justifier quand d'autres veulent en parler – et leur faciliter l'accès à la procédure.

On pourrait se servir de ce qu'il se passe aux Etats-Unis pour s'améliorer ici, en Europe et en Suisse?
Avec ce qu'il se passe là-bas, peut-être qu'on se rendra compte à quel point le parcours de la femme est actuellement trop compliqué, trop long et trop pénible. Allons-nous éventuellement réussir à alléger nos procédures? Des solutions pourraient se créer, auxquelles les gens n'avaient pas pensé. Les choses vont peut-être même avancer.

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source: keystone
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Video: watson
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